Les PFAS plus que jamais dans le collimateur

L’Assemblée nationale a adopté le 4 avril, en 1re lecture, la proposition de loi visant à lutter contre les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), qui font également l’objet d’un nouveau plan d’action gouvernemental, publié ce 5 avril.

La chasse aux PFAS est plus que jamais ouverte. Alors que la métropole de Lyon a récemment saisi la justice sur ce sujet des "polluants éternels" (v. notre article du 21 mars), l’Assemblée nationale a adopté le 4 avril, en première lecture, la proposition de loi du député Nicolas Thierry (Gironde, Écologiste/Nupes) et de plusieurs de ses collègues visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées, déposée dans le sillage du rapport du député Isaac‑Sibille (v. notre article du 9 février 2024).

Les députés reviennent sur l’interdiction des PFAS pour les ustensiles de cuisine

Adopté in fine sans opposition (186 pour, 27 absentions), le texte de la commission (v. notre article du 28 mars) a toutefois été remanié en séance. Ainsi, sur un amendement notamment porté par les groupes Les Républicains et Rassemblement national, l’interdiction au 1er janvier 2026 des ustensiles de cuisine a finalement été retirée, au motif qu’"aucun produit de substitution n’égale à ce stade la durée de vie des revêtements à base de fluoropolymères" et, plus encore, parce qu’elle "entraînerait la perte de 7.400 à 14.800 emplois en Europe, même en présence d’alternative, dont 1.800 pour le seul groupe Seb sur ses sites de Tournus et Rumilly en régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes". Le 3 avril, les salariés du groupe, notamment détenteur de la marque Tefal, soutenus par leur direction, avaient d’ailleurs donné un concert de poêles pour obtenir le retrait du texte.

… et arrêtent une trajectoire pour réduire les rejets aqueux

Sur un amendement, sous-amendé, commun aux groupes Modem, Renaissance et Horizons, a en revanche été ajouté le fait que "la France se dote d’une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de [ces substances] des installations industrielles de manière à tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la même loi". Une étape intermédiaire (au moins 90% dans les deux ans), initialement prévue, n’a finalement pas été retenue.

De nouvelles missions pour les ARS

Les députés ont par ailleurs précisé que la nouvelle carte prévue par le texte des communes exposées à un danger élevé ou très élevé d’exposition aux PFAS devra donner lieu à "des recommandations formulées par les agences régionales de santé en matière de mesures de prévention à appliquer par les personnes résidentes de ces communes". Ceci afin de "disposer de préconisations qui soient mieux adaptées aux réalités locales".

Ces mêmes ARS ne seraient en revanche plus tenues de présenter "le niveau d’exposition" de la population de leur ressort aux PFAS – notion dont il est relevé qu’elle "peut recouvrir beaucoup de paramètres différents" – mais, en lieu et place, de "rendre public le programme d’analyses des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine ainsi que les résultats de ce programme sous la forme d’un bilan annuel régional", charge pour le ministre chargé de la santé de publier chaque année "un bilan national de la qualité de l’eau au robinet du consommateur en France" au regard de ces substances.

La clause de sauvegarde Reach intégrée

Enfin, le texte reprend désormais la clause de sauvegarde prévue à l’article 129 du règlement Reach. Il dispose dorénavant que "dans la mesure où les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées présentent des dangers graves ou des risques non valablement maîtrisés pour les travailleurs, la santé humaine ou l’environnement, ces substances sont interdites sur l’ensemble du territoire français, sauf dérogations strictement proportionnées au caractère essentiel des usages notamment dans le domaine médical".

Un plan gouvernemental revu

Le lendemain de cette adoption, le gouvernement présentait de son côté un nouveau "plan d’actions interministériel sur les Pfas", qui vient remplacer celui arrêté en janvier 2023 (v. notre article du 19 janvier 2023). Il s’articule désormais en 5 axes : "acquérir des connaissances sur les méthodes de mesures des émissions, sur la dissémination et les expositions" ; "améliorer, renforcer la surveillance et mobiliser les données qui en sont issues" ; "réduire les risques liés à l’exposition" ; "innover en associant les acteurs économiques et soutenir la recherche" ; "informer pour mieux agir". Il prévoit dans ce cadre un certain nombre d’actions, parmi lesquelles deux intéressent particulièrement les collectivités.

• Le renforcement des dispositifs de surveillance des émissions : 

- dans les quelque 1.300 stations de traitement des eaux usées de plus de 10.000 équivalent-habitants, un programme de contrôle sera mis en place cette année ; 

- dans les rejets atmosphériques, en sortie des installations d’incinération et de co-incinération, un projet d’arrêté ministériel sera préparé pour mi-2024 et une campagne exploratoire sera conduite cette année sur deux incinérateurs ;

- ou encore dans les rejets aqueux de sites industriels – y compris les installations de stockage et de traitement de déchets, les stations industrielles d’épuration des eaux usées ou encore les zones de formation ou d’entrainement des services d’incendie et de secours (du fait de l’usage de mousses anti-incendie).

• Sous l’autorité du préfet, l’utilisation des instances de dialogues existantes – comme les secrétariats permanents pour la prévention des pollutions et des risques industriels ou les commissions de suivi de site – pour favoriser le partage et la diffusion d’informations sur les enjeux locaux et nationaux ("permettre la tenue de débats, partager les diagnostics et proposer des modalités d’informations destinées au public concerné"). Quand elles existent… puisque la Cour des comptes a récemment constaté que "nombre de secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles ne sont plus actifs depuis plusieurs années" (v. notre article du 6 février 2024).