Les recettes du Sénat pour un meilleur maillage territorial des établissements scolaires

Alors que la baisse démographique se ressent dans les effectifs scolaires et entraîne des fermetures de classe, une mission sénatoriale avance ses propositions. Au menu : dialogue renforcé entre collectivités et Éducation nationale, stratégie partagée sur plusieurs années, aménagement des modes d'enseignement et réversibilité des bâtiments scolaires.

En matière de maillage territorial des établissements scolaires, le rapport de la mission d'information ad hoc du Sénat, publié le 24 juin, invite à "trouver le bon équilibre entre proximité géographique et qualité de l'offre éducative". Pourquoi ce besoin d'équilibre ? Parce que le nombre d'élèves est en "baisse tendancielle depuis quinze ans" – un million d'élèves ont déserté les bancs des écoles maternelles et élémentaires en douze ans et 200.000 collégiens manqueront dans les cinq ans à venir – et que cette baisse entraîne année après année des fermetures de classe toujours plus nombreuses. 

Si les territoires ruraux sont particulièrement touchés – dix départements ruraux avaient ainsi en 2023 moins d'élèves qu'en... 1833 ! – ils ne sont pas les seuls.  À la rentrée de 2025, 176 classes vont fermer à Paris, pour 22 ouvertures. Et la baisse de la démographie des élèves n'est pas la seule à inquiéter les sénateurs. D'ici 2030, les départs à la retraite, estimés à environ 330.000, nécessiteront de renouveler 31% des postes d'enseignants dans un contexte de difficultés de recrutement croissantes.

Revoir la coconstruction de l'Éducation nationale

Face à ces phénomènes, de nombreux élus locaux se trouvent démunis. Chaque année, l'élaboration de la carte scolaire constitue un "moment de tension". Les réunions du conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN), instance de dialogue entre l'État, les collectivités, les personnels et les usagers, sont l'occasion de "débats houleux" et, surtout, ne semblent être qu'"une chambre d'enregistrement" des décisions du rectorat.

Lancés en 2023 par Élisabeth Borne, alors Première ministre, pour "partager avec les élus locaux et en lien avec les autres services de l'État, une vision anticipée de ce que pourraient être les ouvertures ou les fermetures de classes en zone rurale", les observatoires des dynamiques rurales ne donnent guère plus satisfaction. Selon l'Association des maires ruraux de France (AMRF), ils seraient inopérants dans un tiers des territoires concernés. Là où ils sont à l'œuvre, si des élus locaux saluent une initiative "qui a permis de renouer le dialogue", d'autres estiment qu'il s'agit, une nouvelle fois, de "chambres d'enregistrement permettant à l'Éducation nationale de justifier les suppressions de classe". Pour la mission c'est la "coconstruction du service public de l'Éducation nationale qui est à revoir" afin de permettre la prévisibilité dans l'évolution du maillage territorial des établissements.

Élaborer une "stratégie" sur six ans

En plus d'un renforcement du partage d'informations, le rapport préconise que les services déconcentrés de l'Éducation nationale établissent, en association avec les observatoires des dynamiques scolaires – créés pour l'occasion dans les zones urbaines – et rurales, une stratégie sur six ans qui préciserait notamment les critères et orientations en matière d'ouvertures et de fermetures de classe.

Cette prévisibilité, écrivent les rapporteurs, est importante pour les familles, les élus locaux mais aussi pour les équipes pédagogiques. L'ambition est de trouver le bon équilibre entre la proximité géographique – alors que les trois quarts des collégiens ruraux sont scolarisés dans un établissement situé hors de leur commune et distant en moyenne de onze kilomètres – et la taille de l'établissement.

Soutenir les classes à niveaux multiples

Parmi les idées issues des auditions, on en retient plusieurs qui convergent vers cet équilibre tant recherché. Tout d'abord un constat : les classes à niveaux multiples ne sont plus depuis de nombreuses années limitées aux écoles rurales. Neuf écoles sur dix ont déjà au moins une classe regroupant des élèves de différents niveaux d'enseignement. Et la baisse démographique est de nature à accentuer cette modalité d'organisation, précise le rapport, qui préconise de "faire de la conduite simultanée de plusieurs niveaux d'enseignement un axe à part entière de la nouvelle formation initiale des enseignants".

D'autre part,  alors que les acteurs auditionnés s'accordent pour considérer que le temps de transport pour un collégien ne doit pas excéder 30 à 35 minutes, les rapporteurs estiment qu'"au regard de la distance entre deux collèges en zone très rurale, même avec de petits effectifs, ceux-ci doivent être maintenus si le temps de transport pour les élèves augmente significativement en cas de fermeture de l'un d'eux". La mission souhaite ici "un accompagnement et un suivi renforcés pour les écoles de petite taille ou disposant d'une organisation spécifique".

Anticiper la remontée des effectifs... en 2036

Autre idée avancée pour favoriser la recherche d'un équilibre : faire en sorte que les limites administratives des collectivités territoriales ne constituent pas des frontières infranchissables pour la carte scolaire. Des exemples de collèges scolarisant des élèves d'un département voisin sont d'ailleurs cités.

On retiendra enfin que les rapporteurs voient beaucoup plus loin et envisagent une remontée des effectifs scolaires à partir de 2036, correspondant à l'arrivée des enfants en âge scolaire des générations des années 2000, plus nombreuses que celles actuellement scolarisées. Dans cette perspective, ils estiment "nécessaire de conserver des écoles appelées à fermer dans l'éventualité d'une nouvelle ouverture à long terme". Et afin d'éviter que le bâtiment ne se dégrade et pour réduire l'effet négatif d'une telle fermeture sur la vie du quartier ou de la commune, ils appellent à une utilisation de ces bâtiments selon des modes d'occupation "permettant dans un délai d'un ou deux ans de reprendre une fonction scolaire".

 

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