Les représentants du commerce demandent le déréférencement des plateformes comme Shein et Temu
Dans une lettre ouverte au gouvernement, et à travers une campagne de communication, les fédérations de commerçants ont demandé ce 2 juin une "égalité de traitement" avec les plateformes de e-commerce chinoises. Face au déferlement de produits dont bon nombre sont "non-conformes" aux normes européennes, elles exigent leur déréférencement. La proposition de loi "anti-fast fashion" est quant à elle arrivée au Sénat.

© CdCF - CDF et Adobe stock
"Tous à la même enseigne." Les représentants du commerce montent au créneau contre les plateformes de e-commerce extra-européennes pour réclamer une égalité de traitement. Dans une lettre ouverte transmise le 3 juin 2025 au gouvernement, le Conseil du commerce de France (CdCF), la Confédération des commerçants de France (CDF) et leurs fédérations adhérentes associées à quatorze autres fédérations, et plus de 230 enseignes et détaillants demandent le déréférencement des plateformes comme Shein, Temu et AliExpress.
Au cœur de leurs arguments : les chiffres donnés par la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, en avril 2025 selon lesquels 94% des produits contrôlés en provenance de ces plateformes sont non conformes et 66% sont jugés dangereux. "En France, si une telle situation était avérée chez un commerçant français, ce dernier verrait son magasin fermer sur le champ !", s'indignent les fédérations dans un communiqué. "Le textile et les chaussures, qui dominent l’offre de ces géants, sont particulièrement concernés. D’autres secteurs comme le bricolage, la jardinage, l’électroménager, la décoration, etc. commencent à subir cette concurrence déloyale", souligne la lettre ouverte qui s'inquiète d'autant plus que "de nombreux articles s’adressent directement aux enfants".
Ces plateformes qui "éludent la TVA, échappent aux droits de douane, contournent les périodes de soldes, violent les règles d’étiquetage et de transparence commerciale" sont des "éditeurs" et non de simples hébergeurs, arguent les commerçants, rappelant qu'un précédent existe avec le déréférencement de la plateforme Wish en 2021. "Le cadre juridique existe, le chemin est balisé. Il est temps de l’emprunter à nouveau", pressent les fédérations.
La chasse est lancée
Au niveau européen les choses bougent. À la suite d'une enquête coordonnée, le réseau de coopération en matière de protection des consommateurs (CPC), qui réunit les autorités nationales de protection des consommateurs et la Commission européenne, ont indiqué à Shein un certain nombre de pratiques qui enfreignent le droit de la consommation de l'Union européenne (faux rabais, vente sous pression, informations manquantes, inexactes ou trompeuses, étiquetage trompeur des produits, allégations environnementales trompeuses, coordonnées dissimulées). La plateforme dispose d'un mois pour répondre aux demandes du réseau CPC et proposer des engagements pour régler les problèmes identifiés en matière de droit de la consommation. "En fonction de la réponse de Shein, le réseau CPC peut entrer en dialogue avec l'entreprise, indiquait la Commission européenne le 26 mai, si Shein ne répond pas aux préoccupations soulevées par le réseau, les autorités nationales peuvent prendre des mesures coercitives pour garantir la conformité". Ce qui inclut des amendes sur la base du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise dans les Etats membres de l'Union européenne concernés.
"Un signal fort et une avancée concrète"
"C'est un signal fort et une avancée concrète pour nos consommateurs, mais aussi pour nos commerçants et artisans qui subissent chaque jour une concurrence parfois très déloyale de certaines plateformes", se félicite Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, dans un communiqué du 27 mai. Le gouvernement français a présenté un plan d'action contre la concurrence déloyale dans le e-commerce, pour mieux réguler les plateformes, renforcer les contrôles, faire respecter les règles du commerce et protéger l'économie de proximité.
Par ailleurs, Bruxelles propose une surtaxe de deux euros sur les petits colis (moins de 150 euros) entrant dans l'Union européenne, à la charge des plateformes. Objectif : limiter l'afflux de colis venant de Chine, alors que la hausse des droits de douane sur les importations américaines fait de l'Europe un marché de repli pour les surplus en provenance de Chine. En France, 800 millions de ces petits colis ont été livrés l'an dernier. Mais pour le moment, aucune date d'application effective concernant ces frais forfaitaires n'a été annoncée. "Depuis le début de l'année, le commerce subit une baisse de 30% de son chiffre d'affaires et on assiste à une multiplication des cartons de colis sur les trottoirs", alertait le mois dernier auprès de Localtis Gil Averous, le président de Villes de France (voir notre article du 7 mai).
La loi anti-fast fashion au Sénat
La riposte en France par aussi par la proposition de loi(Lien sortant, nouvelle fenêtre) dite "anti-fast fashion", examinée au Sénat depuis le 2 juin, après une adoption à l'Assemblée nationale en mars 2024. Le texte propose de légiférer contre la mode éphémère ou jetable expédiée à prix cassés depuis la Chine, les plateformes Shein et Temu étant spécialement ciblées. Il prévoit plusieurs mesures, dont l'établissement d'une définition de la "fast fashion", avec des critères basés sur les volumes fabriqués et la vitesse de renouvellement des collections notamment, des obligations pour les entreprises concernées (sensibiliser les consommateurs à l'impact environnemental de leurs vêtements), et des sanctions renforcées pour les plateformes avec un système revu de bonus-malus en fonction des coûts environnementaux.
Les fédérations de commerçants appellent les parlementaires à "veiller scrupuleusement à éviter toute distorsion de concurrence, toute concurrence déloyale qui se ferait au détriment des marques déjà installées sur le territoire français par des acteurs qui ne jouent pas le jeu", précisant que "notre tissu économique local, le dynamisme de nos territoires, les emplois installés dans nos commerces physiques ou e-commerçants sont en jeu".