Les Scop, une réponse aux défis de la transmission d’entreprises et de la réindustrialisation
Dans un rapport récemment publié, le député Michel Castellani appelle à miser sur les nombreux atouts du modèle coopératif pour faire face à deux difficultés majeures de l’économie française : la désindustrialisation et le départ à la retraite, massif, des dirigeants "baby-boomers". Pour cela, les outils de financement de l’État et des banques publiques doivent être selon lui adaptés aux Scop. Dans une tribune publiée le 25 juillet, les représentants du secteur plaident également pour la reconnaissance du modèle et la mise en place des moyens adaptés pour développer la reprise d’entreprises par leurs salariés.

© @Castellani_/ Michel Castellani à l'usine Duralex le 11 juin
"Le modèle Scop présente un potentiel considérable dans le contexte actuel de nombreux départs à la retraite de dirigeants de PME et de la volonté de réindustrialiser le territoire." Dans un rapport d’information examiné par la commission des finances et publié le 9 juillet 2025, le député Michel Castellani (Liot, Haute-Corse) analyse les perspectives et les freins au développement des sociétés coopératives et participatives (Scop).
"Depuis l’adoption de la loi Hamon en 2014, qui a levé certains freins juridiques à leur développement, leur chiffre d’affaires a progressé de 45% et leurs effectifs de 25%", a souligné Michel Castellani lors de l’examen en commission. On compte actuellement en France 62.000 salariés dans 2.700 Scop (auxquels s’ajoutent les près de 16.000 salariés des 1.400 sociétés coopératives d’intérêt collectif). Les Scop sont essentiellement des TPE et des PME, qui proviennent à 50% de créations ex nihilo, à 40% de transformations d’associations ou de transformations d’entreprises saines et à 10% de "reprises à la barre" d’entreprises.
Un modèle plus solide, y compris lors des reprises d’entreprises en difficulté
Sont mis en avant les atouts de ces "entreprises lucratives solides, attachées à leur territoire et détenues par leurs salariés". Il est notamment considéré que ces entreprises sont "plus solides que la moyenne grâce à une gestion des bénéfices orientée vers la pérennité de l’activité", avec la réaffectation statutaire des bénéfices vers des réserves impartageables (en moyenne 40 à 45% des résultats selon la Confédération générale des Scop) qui "favorise le réinvestissement constant dans l’outil de production, évitant ainsi le démantèlement industriel et assurant une vision à long terme de l’activité". La répartition du reste des bénéfices est jugée équitable et motivante pour les salariés ("au moins 40%" pour les salariés, selon la CG Scop), tandis que la "nature non délocalisable et non cessible" de ces entreprises "garantit un ancrage territorial durable et prévient les restructurations dictées par des logiques financières de court terme". Les Scop sont ainsi caractérisées par "un taux de survie à cinq ans de 79%, significativement supérieur à celui des entreprises classiques (61%), et une résilience accrue, y compris lors de reprises d’entreprises en difficulté".
Un "fort potentiel" des Scop pour la transmission d’entreprises et la réindustrialisation
Le rapport insiste sur le "fort potentiel" des Scop pour répondre à deux défis majeurs de l’économie française dans les prochaines décennies : la transmission d’entreprises, avec le "départ massif de la génération de dirigeants ‘baby-boomers’", et la préservation et le développement de l’emploi et de l’activité industrielle dans les territoires.
Deux "freins structurels" principaux sont identifiés : le manque de financements par les pouvoirs publics, notamment parce que les banques publiques "ne disposent pas d’outils adaptés", et "la méconnaissance du modèle". L’exemple de Duralex (voir nos articles ci-dessous), entreprise récemment reprise sous forme coopérative par ses salariés, est mis en avant. Les premiers chiffres sont encourageants mais le redressement de l’entreprise est ralenti par l’insuffisance de capitaux, ce qui illustre pour le rapporteur "la difficulté des Scop à accéder aux financements, même lorsqu’elles représentent une offre plus pérenne pour l’entreprise, plus protectrice des emplois, et font l’objet d’un soutien politique fort".
Les recommandations portent donc principalement sur la nécessité de renforcer les interventions en fonds propres d’acteurs comme le FDES (Fonds de développement économique et social, instrument sous la tutelle de Bercy visant à octroyer des prêts à des entreprises en restructuration) et BpiFrance. Est également préconisée la constitution d’un "fonds en faveur de la reprise d’entreprises en difficulté ou de la transmission saine aux salariés, doté d’un apport suffisant de l’État pour générer un effet de levier auprès des investisseurs tiers".
Défaillances dans l’industrie : il est "urgent" d’encourager les projets de reprise des salariés, pour les représentants du mouvement coopératifDans une tribune publiée le 25 juillet 2025 dans le journal Les Echos, Jérôme Saddier, président du Crédit coopératif et de Coop FR, et Laurence Ruffin, présidente de la Scop Alma et vice-présidente de la CG Scop, appellent à faire "le pari de la Scop" face à l’accumulation de plans sociaux dans la sphère industrielle. Troisième voie entre la nationalisation et le rachat par des "financiers peu scrupuleux", la reprise par les salariés sous forme coopérative a selon eux "fait ses preuves dans la métallurgie, la plasturgie, l'agroalimentaire, le textile, le verre". On dénombre "400 Scop dans ces filières, pour l'essentiel des PME", mais aussi "Acome, groupe industriel spécialiste du câble qui compte aujourd'hui près de 2.000 salariés et 557 millions d'euros de CA dont 61% à l'international", indiquent-ils. "La sauvegarde de l'emploi et des savoir-faire industriels doit être une cause commune et la reprise d'entreprise par les salariés peut s'imposer comme une solution", affirment les représentants du mouvement coopératif. Les bons résultats des Scop "ne relèvent pas du hasard, mais du bon sens : les salariés sont, parmi les repreneurs, ceux qui ont le plus intérêt à pérenniser leur activité", soutiennent-ils. Considérant qu’il est "urgent" d’encourager les salariés "dès lors que leurs projets sont viables", Jérôme Saddier et Laurence Ruffin appellent à la tenue d’"Assises nationales de la reprise, réunissant l'ensemble des acteurs publics, privés et experts" pour "reconnaître" le modèle et mettre en place des dispositifs de financement adaptés. |