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Construction de logements sociaux - Les ventes de foncier public avec décote n'ont pas la cote auprès de la Cour des comptes

La Cour des comptes épingle dans un référé le dispositif de décote sur le foncier public en faveur du logement social créé par la loi Duflot I. Dans sa réponse adressée le 22 janvier 2018, le Premier ministre annonce des évolutions dans le cadre du futur projet de loi Elan.

"Peu utilisé", "trop complexe", "peu efficient", mal ciblé géographiquement... dans un référé adressé le 26 octobre au Premier ministre, la Cour des comptes épingle le dispositif de décote sur le foncier public en faveur du logement social, introduit par la loi dite "Duflot I" du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (voir notre article ci-dessous du 25 janvier 2013). En réponse, Edouard Philippe annonce une évolution du dispositif dans le cadre du futur du futur projet de loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et de la transition numérique, voir notre article ci-dessous du 12 décembre 2017) qui serait présenté finalement à la mi-mars en conseil des ministres.
Pour rappel, ce dispositif permet d’appliquer une décote sur la valeur vénale des terrains que l’Etat et certains établissements publics cèdent lorsqu’un projet de construction inclut des logements sociaux. Il est suivi par la commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (Cnauf) présidée par Thierry Repentin.

"Avec un coût global supérieur à 107 millions d'euros, ce dispositif s’avère peu efficient"

La Cour des comptes a jugé que : "Ce dispositif a été relativement peu utilisé de 2013 à 2016 : trop complexe et concurrencé par d’autres procédures de cession du foncier public, il n’a concerné finalement que 69 opérations, en permettant la construction d’environ 6.700 logements (Ndlr : "dont 4.600 logements sociaux" a précisé le Premier ministre dans sa réponse au référé)".
Et ce n'est pas fini. "Avec un coût global supérieur à 107 millions d'euros, ce dispositif s’avère peu efficient et a parfois entraîné le lancement d’opérations bénéficiant d’une aide disproportionnée par rapport aux objectifs de construction de logements sociaux. A cela s’ajoute la nécessité de le recentrer géographiquement et de mieux évaluer les décotes, parfois couteuses, pour mieux préserver les intérêts patrimoniaux de l’Etat." Car "les intérêts patrimoniaux de l'Etat n'ont pas toujours été suffisamment protégés".
La Cour a émis cinq recommandations, dont la première est naturellement de "simplifier l’organisation de la cession à moindre coût du foncier public, qui repose actuellement sur de trop nombreux dispositifs".

Le Premier ministre n'est pas favorable à un recentrage géographique...

La deuxième recommandation va plus particulièrement intéresser les collectivités. Il s'agirait de "recentrer géographiquement les procédures de décote sur les zones tendues et en déficit de logements sociaux". Dans sa réponse, le Premier ministre indique que sur les 107 millions d'euros de montant total de décotes réalisées entre 2013 et 2016, 70 millions d'euros (65%) concernent les zones A et Abis, 34 millions d'euros (32%) les zones B et seulement 3 millions d'euros (3%) les zones de faible tension (B et C). Il se montre plutôt sceptique face à la suggestion de la Cour, notamment "dans un souci d'équité de traitement". Il fait également remarquer que "en secteur détendu aussi, des opérations peuvent être déséquilibrés, quand bien même le foncier y est moins cher qu'ailleurs". Et quoi qu'il en soit, déjà, "la valeur du pourcentage de réduction du prix de vente (...) est beaucoup plus faible en zone détendue qu'en zone tendue".
Quant aux communes carencées au titre de la loi SRU, "qui par définition sont les moins enclines à accompagner et à soutenir l'effort de solidarité nationale et de réponse aux besoins des ménages modestes", pas de traitement de faveur : c'est à elles qu'il "appartient en premier lieu de produire les efforts, notamment financiers, nécessaires pour atteindre leurs objectifs de rattrapage".

... mais est ouvert à l'idée d'un contrôle sur le bilan financier de l'opération

A la troisième recommandation, qui est de "publier le montant des décotes accordées par logement", là encore, rappelle le Premier ministre, la loi "prévoit déjà la publication de tableaux en annexe des rapports relatifs à la mobilisation du foncier public en faveur du logement". Pour sa quatrième recommandation, la Cour suggère que "en cas de cession de foncier par la procédure négociée ou par mise en concurrence", il faudrait "imposer une clause de garantie de construction de logements locatifs sociaux lorsque le terrain est vendu en deçà de la valeur de marché".
Enfin, la Cour recommande de, "pour les dossiers importants, inclure par avenant la possibilité pour les services de l’Etat d’effectuer un contrôle financier a posteriori de l’équilibre économique des opérations décotées, en prévoyant le cas échéant des clauses de sanction financière". Le Premier Ministre rappelle ici que la loi Duflot I a prévu un dispositif de contrôle et de sanction sur la bonne réalisation du programme de construction et se montre ouvert à l'idée d'un mécanisme de contrôle particulier sur le bilan financier de l'opération, sauf dans le cas d'opérations complexes (de type ZAC).

 

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