Archives

Environnement - Lutte contre les pollutions diffuses : l'agence de l'eau Seine-Normandie veut redoubler d'efforts

En 2004, 80% des masses d'eau souterraine du bassin Seine-Normandie étaient dans un état "médiocre" au titre de la directive-cadre sur l'eau du fait de la pollution aux pesticides et aux nitrates et la tendance actuelle va dans le sens d'une altération, a alerté le 4 avril Michèle Rousseau, directrice générale de l'agence de l'eau Seine-Normandie, en présentant la politique de lutte contre les pollutions diffuses déployée par l'établissement public. Sur les 6.000 captages d'eau potable du bassin, 1.700 présentent une qualité de l'eau considérée comme dégradée ou fragile. 200 ont été fermés entre 1998 et 2008. "Il y a là un triple enjeu patrimonial, en termes de santé publique, et sur le plan environnemental car ces pollutions se diffusent jusque dans les eaux côtières de la Manche et de la mer du Nord où elles contribuent au développement d'algues vertes et de mousses blanches", a souligné Marie-Dominique Monbrun, directrice de l'eau, des milieux aquatiques et de l'agriculture à l'agence Seine-Normandie.
Pour remédier au problème, l'agence privilégie l'action préventive plutôt que curative, une solution jugée toujours moins onéreuse pour les collectivités et plus efficace pour protéger les milieux naturels. Les subventions de l'agence pour prévenir ces pollutions, essentiellement d'origine agricole, pèsent toutefois peu (35 millions d'euros par an) face aux aides agricoles européennes (1,6 milliard par an) sur ce bassin. Ce déséquilibre - le rapport est de 1 à 46 entre ces aides - l'oblige à bien cibler ses interventions. L'établissement a donc prévu de concentrer son action sur 500 captages prioritaires d'ici 2015. Fin 2012, 50 aires d'alimentation de captages disposaient d'un programme d'actions destiné à prévenir ces pollutions.

Accompagner le changement

Dans le cadre de son dixième programme (2013-2018), l'agence a considérablement augmenté ses dotations à la lutte contre la pollution diffuse et à la protection des captages par rapport au neuvième programme (2007-2012), passant de 120 millions d'euros à presque 300 millions d'euros. De plus, le taux d'aide a été majoré à 80% et la prévention a encore été renforcée avec le conditionnement des aides pour les traitements de l'eau potable à une action préventive préalable de protection de l'aire d'alimentation du captage. L'intervention de l'agence cible en priorité les collectivités au sens large (communes, communautés de communes, syndicats, communautés d'agglomération…) et les activités économiques qui ont lieu sur l'aire d'alimentation du captage (agriculture, artisanat, industrie…). Dans tous les cas, les collectivités ont un rôle pivot. "On leur demande toujours de présider le comité de pilotage réunissant les différents acteurs", souligne Sylvain Victor, chef du service Eaux souterraines et agriculture de l'agence.
Les actions, conclues pour cinq ans avec les agriculteurs et les collectivités concernés, passent par un accompagnement au changement, détaille-t-il. L'agence finance ainsi à 80 % l'embauche d'animateurs en ce sens, les 20% restant étant à la charge des collectivités. Viennent ensuite les aides à l'investissement dans l'acquisition de matériel alternatif à l'usage des pesticides - bineuse mécanique, rotofil - la lutte contre l'érosion (plantation de barrières végétales, par exemple) ou dans les bâtiments d'élevage pour aider à la gestion des effluents. L'établissement public aide également à l'acquisition foncière ou au changement de pratiques (mesures agro-environnementales). Pour les collectivités, ces actions préventives sont moins chères que des actions curatives, insiste Michèle Rousseau. Elles constituent "en plus, pour les collectivités, un projet de territoire en matière d'alimentation ou de circuits courts", illustre la directrice générale de l'agence.
Mais la mise en oeuvre de ces actions reste semée d'embûches. Les subventions à l'achat de matériel sont "plus faciles" à promouvoir auprès des agriculteurs que les changements de technique agricole, constate Michèle Rousseau. "Une baisse des intrants entraîne une baisse des rendements. Nous pouvons financer une partie des surcoûts liés au changement, mais à des taux définis par l'administration qui ne les compensent pas entièrement, ce que ne permet d'ailleurs pas la PAC." Faire des agriculteurs des "traiteurs d'eau", en recourant à l'agriculture biologique, est en effet considéré comme une aide d'État qui perturbe le marché intérieur, rappelle la directrice de l'agence. Autres difficultés, pour Sylvain Victor : l'impact invisible des pollutions sur les eaux souterraines, la durée du temps de réponse du milieu naturel ainsi que la persistance de controverses scientifiques et techniques sur les effets des nitrates. Par ailleurs, il constate de nombreuses sources de pollution, une grande quantité d'acteurs, variés, indépendants des pouvoirs publics, avec leurs intérêts propres et leur propre logique économique. "Toucher à l'agriculture, c'est aussi toucher à la balance commerciale et aux revenus des agriculteurs", souligne-t-il. Et c'est sans doute le point le plus sensible.