Maires : progression historique des démissions
Plus d'un maire rend quotidiennement son écharpe depuis le début du mandat, souligne une étude du Cevipof menée en partenariat avec l'Association des maires de France. Elle met en évidence que leur décision de jeter l'éponge s'explique avant tout par des conflits au sein du conseil municipal.

© Observatoire de la démocratie de proximité AMF-CEVIPOF/SciencesPo et Adobe stock
2.189 maires ont démissionné de leurs fonctions entre juillet 2020 et mars 2025, soit environ 6% des maires, indique une étude du centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), qui pointe "un phénomène sans précédent".
Dès juillet 2023, le Sénat alertait sur une hausse de 5,4% de la vacance de sièges de maires, hors décès, entre les trois premières années du mandat actuel (2020-2022) et les trois premières du mandat précédent (2014-2016) et parlait d'une "augmentation inquiétante des démissions municipales" (voir notre article).
Mais l'accélération des démissions est en réalité beaucoup plus forte. Martial Foucault, le chercheur du Cevipof qui a réalisé l'étude en partenariat avec l'Association des maires de France (AMF), a élargi le champ de son enquête au mandat 2008-2014. Et il conclut qu'en l'espace de trois mandats, le nombre annuel de démissions de maires "a été multiplié par 4". Le résultat est plus précisément de 3,2 (417 démissions par an au cours de l'actuel mandat contre 129 sur la période 2009-2014). Cela n'en constitue pas moins une progression très significative
Tensions au sein du conseil municipal
Le boom a particulièrement affecté les quelque 6.700 communes de 1.000 à 3.500 habitants, puisqu'à elles seules, celles-ci ont représenté un quart des démissions. La "sous-dotation en compétences humaines et donc en ingénierie" de ces communes favorise les démissions de leurs premiers magistrats, estime Martial Foucault. Le professeur met aussi en avant les conflits qui peuvent être vifs entre la majorité et l'opposition, au sein des conseils municipaux de ces communes.
L'argument vaut d'ailleurs pour les communes des autres strates. Toutes tailles de communes confondues, les différends au sein du conseil municipal - "tantôt avec des élus de l’opposition, tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, au sein de la majorité" - sont en effet "la principale cause de démission des maires". 31% des édiles élus en 2020 ont jeté l'éponge pour ce motif. Les tensions débouchent en général "sur des démissions de conseillers municipaux de l'opposition et/ou de la majorité", ce qui nécessite "l'organisation d'élections anticipées à l'issue desquelles le maire est mis en minorité et démissionne, ou choisit de siéger comme conseiller municipal d'opposition".
13% des démissions qui ont eu lieu au cours de l'actuel mandat étaient "programmées" pour "des raisons d'âge" ou "d'ancienneté dans la fonction". Une proportion identique de démissions étaient liées à l'état de santé des maires, en sachant que par ailleurs "la fatigue et la lassitude" représentaient 5% des cas.
"Mandat usant"
Près de 83% des 4.900 maires interrogés en mai-juin 2024 dans le cadre d'une enquête du CNRS et de Sciences Po et dévoilée lors du dernier congrès des maires de France (voir notre article) estimaient que leur mandat est "usant pour leur santé". On notera que les mêmes maires étaient interrogés sur le fait d'avoir songé à s'arrêter ou à démissionner au cours de leur mandat. 6% déclaraient l'avoir envisagé "souvent", et 39% "quelques fois".
Outre le "cumul des mandats" (8,5%), des "raisons personnelles" (3,9%), familiales (1,3%) ou professionnelles (3,4%) sont invoquées par les démissionnaires. Au rang des motifs assez marginaux relèvent aussi les situations de violence à l’encontre des maires. Si la démission en 2023 du maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez – après des menaces et l'incendie de ses véhicules devant son domicile - ont été très médiatisés, "moins d’une quarantaine de maires" ont choisi depuis le début du mandat de quitter leurs fonctions après des violences.
Plus de la moitié des démissionnaires (53%) sont des maires nouvellement élus. Les démissions touchent autant les hommes que les femmes, mais "davantage les retraités âgés de 65 à 74 ans, les professions intellectuelles et les cadres supérieurs".
Statut de l'élu
Certains départements sont également plus concernés comme l'Isère, la Haute-Garonne, la Charente, l'Essonne, le Nord ou encore le Tarn-et-Garonne, sans qu'un facteur explicatif commun n'ait été repéré.
Une enquête auprès de 5.000 maires, menée en mars par le Cevipof, révélait que 42% des édiles souhaitaient se représenter aux prochaines élections municipales (voir notre article). Un taux "conforme aux mandats précédents" à la même période, qui conduit à exclure le risque d'une crise des vocations. Mais "le fait que de plus en plus de maires jettent l’éponge en cours de route (...) peut dissuader des bonnes volontés de se porter candidates", avertit le centre de recherches dans sa nouvelle étude.
Dans ce contexte, il est "essentiel" que le Parlement adopte la proposition de loi renforçant le statut de l'élu, souligne l'AMF dans un communiqué. Ce texte adopté par le Sénat en mars 2024 a été examiné les 17 et 18 juin par la commission des lois de l'Assemblée nationale, la discussion dans l'hémicycle étant prévue lors de la session extraordinaire du mois de juillet. Pour l'AMF, le texte "permettra d'accompagner l'engagement des élus".