Moins de conflits d'usage, plus de soutien financier de l'État : les priorités 2024 des villes et territoires cyclables et marchables

Le Club des villes et territoires cyclables et marchables (CVTCM) a présenté ce 17 janvier ses priorités pour 2024. Il compte notamment travailler sur la réduction des conflits d'usage dans l'espace public entre piétons et cyclistes et plaide pour la généralisation du dispositif savoir rouler à vélo dans toutes les écoles. Il continue également de demander un doublement des crédits de l'État en faveur du vélo, pour accompagner davantage les actions des collectivités confrontées à la hausse des coûts.

 La pratique du vélo ne cesse de se développer (+6% en milieu urbain l'an passé). Revers de la médaille : les conflits d'usage entre piétons et cyclistes dans l'espace public commencent à émerger çà et là, en particulier en ville et le Club des villes et territoires cyclables et marchables, qui présentait ce 17 janvier ses "demandes prioritaires" pour 2024, compte se saisir de la question. "Ce ne sont pas les vélos qui provoquent des accidents graves pour les piétons, mais on sent une forme de crainte, surtout chez les personnes âgées" ou vulnérables, reconnaît la présidente du Club, Françoise Rossignol. Même s’il n’est pas "objectivement validé", ce "sentiment d’insécurité" existe, note-t-elle. L’ambiance est parfois "mauvaise" entre les différents usagers, qui ont "des conceptions différentes" – "les cyclistes veulent aller vite, et les piétons ne veulent pas être contraints", les élus ont donc "un gros boulot d’arbitrage" à faire, explique Catherine Pilon, secrétaire générale du Club. Celui-ci a installé un groupe de travail, pour permettre aux élus d’échanger sur cette question, l’enjeu étant de "ne pas mettre en place une ville pour les vélos sans prendre en compte les piétons", et qui reprendrait les travers du tout voiture.

Poursuite de la campagne "Ville apaisée"

Alors que des collectivités ont décidé de limiter, voire de supprimer, la circulation à vélo dans le centre-ville ou dans certaines rues piétonnes, comme à Lille, Nice ou Agen, Jacques Fernique, sénateur du Bas-Rhin et coprésident du Club des élus nationaux pour le vélo, estime qu'"en bout de course, une politique de territoire qui consisterait à interdire le vélo dès qu’il y a beaucoup de piétons ne serait pas tenable". Pour Françoise Rossignol, la question doit plutôt être traitée sous l'angle du "bien vivre-ensemble, de l'attention à l’autre et de la bienveillance mutuelle".
Interrogée sur la place des trottinettes, assimilées aux modes actifs, la présidente du Club estime aussi qu'il y a "une réflexion de fond à mener" et qu'il faudrait aussi un groupe de travail sur cette question "pour porter des préconisations aux pouvoirs publics". "Nécessaire dans les politiques d'intermodalité", la trottinette a encore "besoin de trouver sa place et ses règles", admet Françoise Rossignol. 
Le Club a été l'un des protagonistes de la campagne nationale "Ville apaisée, quartiers à vivre" lancée l'an dernier. À ce jour, son manifeste a été signé par "une quarantaine" de collectivités, et quelque 90 associations. Un nouvel appel à signatures "auprès de tous les élus locaux de France" est lancé en ce début d'année. La démarche repose sur l’idée qu’il "faut partager l’espace différemment, avec une autre vision, et que tout le monde a à y gagner dans la ville", résume la présidente du Club. Ce dernier appelle par ailleurs à développer les actions d’information et de formation des différents usagers, par le biais notamment d’initiatives telles que les codes de la rue ou encore à mieux "sanctionner les comportements dangereux".
Autre "demande prioritaire" : "changer d'échelle pour un savoir rouler vélo généralisé dans toutes les écoles". "Nous avons besoin pour cela de toutes les ressources disponibles car il existe des financements pour les associations, qui ne sont pas présentes partout, alors que les collectivités qui disposent des compétences ne peuvent y accéder et mettent en œuvre le dispositifs sur leurs propres moyens", explique Françoise Rossignol.

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Fort besoin d'accompagnement financier de la part de l'État

L’association continue aussi à plaider pour le déploiement d’aménagements "de qualité" au profit des mobilités actives, ce qui nécessite un soutien accru de l’État aux collectivités selon elle. "Si l’effort de l’État augmentait, ce serait un vrai élément d’accélération des politiques cyclables" des collectivités, qui "ont souvent des plans et des projets et attendent un coup de pouce pour passer à la réalisation", assure Françoise Rossignol. "Les collectivités sont prêtes à s’engager et s’engagent, on a les preuves. Il faut leur donner ce coup de pouce pour démarrer", insiste-t-elle. Le Club réclame une nouvelle fois une enveloppe de 500 millions d'euros par an de la part de l’État, soit le double de ce qui est prévu aujourd'hui dans le cadre du plan Vélo. 
Cette hausse est jugée d’autant plus nécessaire par le Club que "les collectivités pourraient être amenées à faire moins avec les mêmes enveloppes", en raison notamment des hausses des coûts du BTP. L’association, qui a entrepris d’actualiser, avec le soutien de l’Ademe, son "guide des coûts" des politiques vélo paru en 2020, estime que le coût de réalisation d’un mètre de piste cyclable est passé de 400 euros en 2020 à 584 euros aujourd’hui, soit une hausse de 46%. Pour Françoise Rossignol, "l’accompagnement [de l'État aux collectivités] doit en tenir compte". Ce guide sera transformé en mars prochain en plateforme interactive "Investir pour le vélo", pensée pour être actualisée facilement au fur et à mesure de la remontée de données. 
Au-delà de la question des financements, le Club, qui "espère la nomination d’un ministre des Transports", appelle en outre à la tenue d’un deuxième comité interministériel vélo, afin de "travailler dans la durée" et d’amplifier la dynamique, dont le rythme n’est à ce jour "pas assez soutenu" pour atteindre l’objectif, fixé par l’État, de 12% de part modale en 2030. Enfin, l'année 2024 sera également marquée par le "rapprochement" de l’association avec Vélos et territoires qui doit aboutir à la création d’un "réseau unique des collectivités françaises mobilisées pour le développement de la pratique de la marche et du vélo".

 

  • La fréquentation vélo en hausse de 5% en 2023

Selon le bilan provisoire de la fréquentation vélo 2023 en France publié par Vélo & Territoires ce 12 janvier, la fréquentation vélo a augmenté de 5% à l'échelle nationale. Une hausse encore insuffisante pour atteindre 12% de part modale vélo d'ici 2030, souligne toutefois l'association.

"Après une période post-crise sanitaire où la fréquentation vélo progressait fortement, le bilan diffère aujourd'hui selon les milieux et les périodes observés", souligne-t-elle. Ainsi, en semaine et en milieu urbain, le nombre de passages de vélos enregistrés progresse respectivement de 7% et 6% par rapport à 2022. Dans le même temps, la fréquentation du week-end et dans les zones périurbaines et rurales atteint un plateau. "Autrement dit, la pratique nationale progresse grâce à la pratique utilitaire, constate-t-elle. La pratique de loisirs, quant à elle, se stabilise au niveau atteint après-crise." En milieu urbain, les compteurs enregistrent 1.345 passages par jour en moyenne contre 216 en milieu périurbain et 133 en milieu rural.

L'année s'est toutefois terminée par un très bon mois de décembre avec +17 % de passages enregistrés à l'échelle nationale "grâce à une arrivée tardive des températures hivernales et un décalage des vacances scolaires propice à la pratique utilitaire en milieu urbain", souligne Vélo & Territoires.
Côté EuroVelo, la tendance annuelle est à la hausse avec une augmentation de 3% des passages par rapport à 2022. Sur ces itinéraires la fréquentation progresse notamment en semaine (+4%) et reste stable le week-end.