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Nouvelle présidence de l'Ademe : l'évaluation et l'innovation pour maîtres-mots

L'ancien député Arnaud Leroy doit succéder à Bruno Léchevin, qui avait été nommé il y a cinq ans à la tête de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Le 7 mars, les députés lui ont posé une salve de questions avant d'émettre un avis favorable à sa nomination.

Mieux évaluer pour plus d'efficacité. Une double exigence dont Arnaud Leroy veut faire une marque de fabrique à l'Ademe. L'ancien député a dévoilé le 7 mars ses priorités d'action devant la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale. Des priorités qui devront se loger dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de performance en cours (2016-2019) entre l'Etat et cette agence, poids lourd (environ 1.000 agents) dans la mise en œuvre des politiques publiques en matière d'énergie et de protection de l'environnement.

Evaluer les politiques publiques

Après les sénateurs, les députés ont donné leur feu vert à la nomination du candidat de l'Elysée à la tête d'un conseil d'administration fraîchement renouvelé et intégrant (comme avant) trois représentants des collectivités : "J'aspire à proposer une vision pour cette agence (...), à impulser, assurer la cohérence de l'ensemble (...) et être l'animateur de ce collectif que je souhaite utiliser pour renforcer le dialogue avec les collectivités et la société civile (entreprises, associations)", a-t-il souligné devant cette commission. Et d'ajouter qu'il tenait à la neutralité de parole et à l'indépendance d'expertise de l'agence, qu'il ne compte pas mettre à la botte du gouvernement ("L'Ademe ne deviendra pas l'agence de la macronie"). Une inflexion néanmoins s'impose "pour mieux dépenser et sonder l'efficacité de nos interventions". En clair, l'Ademe va intensifier son effort d'évaluation et réinterroger ses modes d'intervention : "Une fois qu'une collectivité obtient une subvention, l'intérêt est de voir comment elle l'utilise et prend les choses en main."

Répondre aux nouveaux enjeux

La logique de travail partenarial qu'a construit l'agence a été mise en avant. "Les attentes des cibles et partenaires évoluent dans le contexte de l'accélération de la transition écologique, l'Ademe doit donc adapter son offre de service. Des stratégies entreprises et collectivités ont été élaborées : des outils très intéressants. Cette année, nous finaliserons une stratégie grand public pour couvrir l'ensemble des cibles de l'agence", vise l'ancien député des Français établis hors de France (cinquième circonscription).
Au menu également, plus de coopération avec d'autres établissements publics sur des enjeux communs ou transversaux : "Un foisonnement de sujets nous absorbe mais par bonheur, l'Ademe ne s'occupe ni de nucléaire, ni d'eau, ni de biodiversité. Nos relations avec d'autres opérateurs comme l'Agence française pour la biodiversité [AFB] sont amenées à s'intensifier, notamment au sujet de la dépollution des friches et à leur seconde vie en lien avec les trames vertes." Ce rapprochement avec l'AFB se concrétise en outre par la mise en commun d'expertises, des collaborations sur la biodiversité forestière, la mise au point d'indicateurs de biodiversité dans les analyses de cycle de vie (ACV), etc.
Les liens avec le second ministère de tutelle de l'agence (enseignement supérieur, recherche et innovation) ou avec le secteur bancaire (pour l'éco-PTZ) sont à consolider. Et ceux, déjà étroits, avec l'Agence nationale de l'habitat (Anah), à conforter. Une convention signée en 2016 les encadre jusqu'à cette année. "L'Ademe devra s'inscrire dans le plan Rénovation énergétique. Rester vigilante sur les effets d'aubaine sur le marché des bouquets de rénovation énergétique. Valoriser sa longue expérience avec les espaces info-énergie. Revoir éventuellement leur rôle et adapter en tout cas nos interventions pour répondre aux nouveaux enjeux. Mais aussi muscler l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) dans sa fonction de poil à gratter. Et livrer sur cet enjeu un état des lieux avant l'été pour être raccord avec les débats parlementaires sur la loi Logement", poursuit -il.

Infuser dans les territoires

Autre priorité de l'année, accompagner la mise en œuvre des futurs contrats de transition écologique attendus dans une quinzaine de territoires pilotes, avant leur généralisation à l'horizon 2019 (voir notre article dans l'édition du 29 novembre 2017). "Pour expérimenter cet outil innovant, l'Ademe peut apporter son expérience des contrats d'objectifs avec les collectivités. Et pourra inscrire son action dans le nouveau cadre contractuel multipartenarial en cours d'élaboration." Massifier les solutions de transition écologique passe, selon lui, par un travail de conviction et "par capillarité" en direction des territoires : "Nous avons déjà, via les contrats de projets Etat-région (CPER), des liens et financements croisés avec ces dernières. Veillons à maintenir cette capillarité régionale, voire infrarégionale. Des relations sont nouées, qu'il faut développer pour être en capacité d'être l'animateur, le démultiplicateur de la transition écologique."
Pour y parvenir, l'agence peut compter sur un fort ancrage territorial et sur sa "capacité à être au plus près du terrain" : "Notre présence s'étend jusqu'en outre-mer, où l'on est particulièrement à l'écoute des problèmes de gestion des déchets et où d'importants contrats sont en train d'être discutés." Un éclairage a aussi été apporté sur la mobilisation du fonds Déchets (163 millions d'euros en 2018), qui doit venir "en soutien à la mise en œuvre de la feuille de route économie circulaire" et appuiera des mesures qui en seront issues. "S'il faut batailler pour défendre ce fonds et ne plus qu'on picore dessus, je serai là", assure-t-il. En termes de politique déchets, ce fonds va notamment servir à accompagner les conseils régionaux et EPCI dans leurs nouvelles compétences (contrats d'objectifs et plans régionaux déchets qui sont "en bonne voie dans quelques régions" telles la Normandie et la Bretagne). Enfin, ces financements bénéficieront aussi à la modernisation des centres de tri, au déploiement de la tarification incitative - "très efficace mais qui peine à se développer notamment en milieu urbain dense" - à la filière et à l'industrie françaises du recyclage, ainsi qu'à la méthanisation même si dans ce cas, le fonds "montre clairement ses limites aujourd'hui devant l'afflux de projets".