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Pesticides : Générations futures dresse un état des lieux critique des chartes d’engagements avant une salve de recours

Générations futures vient de passer au crible les chartes d’engagements des utilisateurs de pesticides, dites de "bon voisinage", suite au processus de mise en conformité aux nouvelles exigences réglementaires. Un état des lieux, dévoilé ce 15 septembre, qui conduit une nouvelle fois l’ONG à remettre en question la pertinence de cet outil pour protéger les populations riveraines tant dans son processus d’élaboration que son contenu.

"Du contenu des chartes au processus d’élaboration et de ‘concertation’ en passant par la consultation publique tout est à revoir pour faire en sorte que les populations exposées aux pesticides soient réellement protégées des dangers des pesticides !", fulmine Générations futures, en conclusion d’un état des lieux réalisé sur ces chartes dites de "bon voisinage", dévoilé, ce 15 septembre, lors d'un point presse et dans un communiqué du même jour. Au coeur du dispositif de protection des riverains, ces chartes départementales permettant, le cas échéant de rabaisser les distances d’épandage, cristallisent les critiques. Déjà à l’origine avec d’autres ONG de plusieurs recours victorieux contre les textes encadrant l’usage des pesticides à proximité des habitations, Générations futures s’apprête - aux côtés entre autres de l’UFC-Que Choisir et du Collectif victimes des pesticides de l’Ouest - à déposer, dès le 20 septembre, des recours contre les premières chartes "révisées" approuvées cet été. Et "d’autres suivront" au fur et à mesure du processus de validation des chartes, indique Nadine Lauverjat, la déléguée générale. 

Il y a un an, elles avaient en effet obtenu gain de cause devant le Conseil d’Etat (lire notre article du 27 juillet 2021), contraignant le gouvernement à revoir sa copie. Suite à la publication des nouveaux textes réglementaires (décret n° 2022-62 du 25 janvier 2022 et arrêté) les préfets et organisations représentatives disposaient d’un délai maximum de six mois (jusqu’au 26 juillet 2022 en théorie) pour mettre à jour lesdites chartes, en y incluant en particulier des modalités d'information des résidents et des personnes présentes préalablement à l’utilisation des pesticides. On comprend pourquoi Générations futures les attendait au tournant. 

Un processus encore opaque

Début septembre, Générations futures a effectué un travail de recensement sur les sites des préfectures ciblant les nouveaux projets de chartes mis en consultation durant l’été. "Les chartes validées sont-elles conformes aux nouvelles exigences du Conseil d’Etat ? Sur la question de la consultation publique, il semble que cette fois ce soit le cas, étant entendu que toutes les consultations n'ont pas encore eu lieu", relève-t-elle d'emblée. Seuls 74 départements ont effectivement initié la démarche. Parmi eux, le Nord, le Pas-de-Calais, le Tarn, l'Isère et le Lot se distinguent par un niveau de contributions beaucoup plus important (+de 50 contributions et jusqu’à 99). Autre constat : toutes les chartes n’ont pas fait dans la foulée l’objet d’un arrêté d’approbation. Le rapport n’en dénombre que 49. La diffusion des chartes ainsi que des synthèses des consultations est par ailleurs très loin d’être systématique. C’est même "silence radio" pour 26 départements, qui n’ont diffusé "aucune information sur ce dossier", c’est-à-dire ni date d’approbation de la charte, ni page dédiée à ce sujet, ni date de consultation du public. Mention passable pour la forme…

Un simple copié-collé

Sur le fond, ce dispositif à l’initiative des utilisateurs a du mal à convaincre l’ONG. Et pour cause, selon elle, 35 chartes approuvées (sur les 49 recensées) ne sont ni plus ni moins que le "copié-collé" du "Contrat de solutions" produit par la FNSEA et ses partenaires. Un document de communication pavé de bonnes interventions mais "sans rien de contraignant sur le sujet et de vraiment progressiste, notamment pour les riverains", relève-t-elle. Quant à celles qui affichent "une mise en forme propre", elles ne s’écartent pas pour autant de cette "charte-type". Seuls éléments à décharge, les modalités de dialogue et de conciliation "qui semblent être présentes dans toutes les chartes", même si là encore des zones d’ombre persistent notamment sur la désignation des associations ou riverains susceptibles de se trouver dans le comité de dialogue ou de pilotage. 

Des modalités d’information préalable des riverains insatisfaisantes

L’inclusion de modalités d’information préalable des résidents et des personnes présentes à proximité des zones d’épandage fait partie intégrante des nouvelles exigences pour répondre aux griefs du Conseil d’Etat. Pourtant, là encore la quasi-totalité des chartes paraissent des "copiés-collés" du document-type et renvoient aux informations générales décrites dans les sites des chambres d’agriculture (calendrier des principales périodes de traitement, catégories de produits etc.) avec quelques petites variantes, voire des éléments "un peu plus engageants" dans le Nord par exemple. Ce dispositif collectif, qui présente globalement "très peu d’informations vraiment utiles pour les riverains", souligne l'association, est couplé à un dispositif individuel qui repose sur l’appréciation de chaque agriculteur. L’exemple mis en avant dans la plupart des chartes est celui de l’utilisation d’un gyrophare censé alerter de façon préalable les riverains et personnes présentes. De quoi rire jaune, ironise Nadine Lauverjat, qui préconise "au minimum l’envoi d’un SMS la veille pour espérer que cela soit suffisamment protecteur". L’utilisation d’un gyrophare (ou d’un drapeau) démontre "que l’action est concomitante et non préalable à l'utilisation des pesticides!", c’est-à-dire "sans réel intérêt pour les personnes sur place (...) si l’information arrive au moment effectif de l’épandage", poursuit-elle. 

S’agissant de l’élargissement des ZNT (zones non traitées) aux lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière, dont il est désormais fait mention dans les chartes, "aucune ambition supérieure aux textes règlementaires n’est proposée". Un dernier focus concerne l’interprétation par certaines chartes de la notion de "zone d’agrément" et l’occupation des logements permettant de déroger aux ZNT. En résumé, dès lors que le bâtiment n’est pas occupé le jour du traitement et dans les 2 jours suivants le traitement "la ZNT saute". Des mentions dérogatoires "contraires à la réglementation", estime Générations futures, qui l'interrogent en outre à bien des égards :  "Comment les agriculteurs auront accès à cette donnée ? Quid des salariés agricoles sur zones, dans une parcelle attenante ?". Il faut néanmoins un contre-exemple. Une mention spéciale est ainsi adressée à la charte de l'Hérault qui contient des dispositions spécifiques pour les lieux accueillant un public vulnérable.

 

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