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Formation - Plan d'urgence contre le chômage : les régions aux avant-postes de la formation des chômeurs

"La formation professionnelle et l'apprentissage sont au coeur de la responsabilité des nouveaux exécutifs régionaux", a déclaré le chef de l'Etat ce 18 janvier lors de ses voeux aux acteurs de l'entreprise et de l'emploi. Il se dit prêt à faciliter toutes les expérimentations régionales et, si nécessaire, à modifier la loi pour étendre les compétences des régions. Le Premier ministre entame une série de réunions bilatérales avec les présidents de région ce mardi avant la réunion prévue "début février" en présence du chef de l'Etat, avec les présidents de région, les partenaires sociaux et le service public de l'emploi.

"Si l'Etat prend sa part [au plan d'urgence contre le chômage], si les partenaires sociaux sont responsables de la formation à travers les branches professionnelles, ce sont les régions qui disposent de compétences importantes", a souligné le président de la République lors de ses vœux aux acteurs de l'entreprise et de l'emploi prononcés au Conseil économique, social et environnemental (Cese), ce 18 janvier 2016. Et d'ajouter : "La formation professionnelle et l'apprentissage sont au cœur de la responsabilité des nouveaux exécutifs régionaux." "Je sais que les présidents de région souhaitent faire des propositions, voire expérimenter de nouveaux dispositifs", a déclaré François Hollande, ajoutant "Le gouvernement est prêt à faciliter toutes les expérimentations possibles, et même à modifier la loi si c'est nécessaire pour étendre les compétences des régions". Le Premier ministre qui débute une série d'entretiens bilatéraux avec les présidents de région, le 19 janvier, devrait aborder cette question. Il recevra ainsi mardi François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, puis Alain Rousset, président de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente.

La loi NOTRe du 7 août 2015 prévoit déjà la possibilité d'une expérimentation de la coordination, par la région sur délégation de l'Etat, de certains acteurs de l'accompagnement à l'emploi (notamment les missions locales, les Plans locaux pour l'insertion et l'emploi/Plie, les maisons de l'emploi et Cap emploi). Mais ces expérimentations excluent toutefois un acteur majeur : Pôle emploi. Invité au Grand Rendez-vous Europe 1-Le Monde, dimanche 17 janvier, le nouveau président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Christian Estrosi (Les Républicains) n'a pas manqué de réclamer "la régionalisation de Pôle emploi". Il a affirmé que la région devait être en mesure de répondre "dans les trois jours" aux entreprises de la région qui formulent une offre d'emploi. De son côté, Xavier Bertrand, président Les Républicains du Conseil régional de Nord-Pas-de-Calais/Picardie, a assuré, le 16 janvier, qu'il ne "profiterait pas" du plan d'urgence sur l'emploi du gouvernement pour se désengager de la formation des chômeurs dans sa région. "Si on se serre les coudes et si on se retrousse les manches, je pense qu'on peut être beaucoup plus efficace", a-t-il affirmé au cours de l'émission "La voix est libre" sur France 3.

Une économie de partenaires

François Hollande souhaite lui aussi "bâtir [une] économie de partenaires". Il appelle "chacun à prendre sa part" dans les réformes. "Au début du mois de février", le chef de l'Etat réunira avec le Premier ministre, "les présidents de région, les acteurs sociaux, les préfets et le service public de l'emploi, pour convenir des modalités pratiques de cette mobilisation". Il souhaite que la première vague de formations soit "lancée le plus rapidement possible à la faveur des marchés déjà conclus". Dans chaque région, seront recensés les besoins précis par bassin d'emploi. De plus, "un appel d'offre national sera lancé pour répondre à ceux qui ne seraient pas pris en compte" dans le cadre de ce recensement régional. Un suivi mensuel du programme sera réalisé "dans une parfaite transparence au niveau national, avec les partenaires sociaux et les régions".

"Ni mesure conjoncturelle, ni artifice statistique", ce plan de formation massif constitue, d'après François Hollande, "une mesure structurelle". Un million de chômeurs n'ont pas le niveau du bac et 700.000 pas celui du CAP. "C'est ce qui justifie l'annonce d'un programme de formation pour 500.000 demandeurs d'emploi soit un doublement par rapport à 2015", a déclaré François Hollande. L'enjeu est de "pourvoir les emplois disponibles qui ne trouvent pas preneurs faute de personnels qualifiés en nombre suffisant". Il s'agit également de "saisir les nouvelles opportunités des secteurs en expansion : numérique, transition énergétique mais aussi, les activités traditionnelles pour lesquelles la demande en emplois qualifiés est croissante : l'aéronautique, le bâtiment, la sécurité, le tourisme, les services à la personne". La formation des demandeurs d'emploi doit en outre être tournée "vers la création d'entreprise".

"Un milliard d'euros pour mobiliser les acteurs"

Pour financer ce plan "des moyens nouveaux doivent être dégagés". A cette fin, l'Etat apportera "sa part" en dégageant "un milliard d'euros pour mobiliser tous les acteurs ; Pôle emploi déploiera de nouvelles formations, l'Afpa et d'autres organismes seront également mobilisés pour cette mission". Après la Fédération de la formation professionnelle (FFP) qui s'est engagée à ouvrir 150.000 places de formation supplémentaires pour accueillir des chômeurs dans ses centres adhérents, les chambres de commerce et d'industrie (CCI) se disent "prêtes à accueillir dans leurs 141 centres de formation d'apprentis 15.000 demandeurs d'emploi dès 2016" et à "former 50.000 chômeurs aux métiers en tension (métiers de bouche ou de l'hôtellerie-restauration) ou aux métiers de demain (numérique, informatique, développement durable, commercial). "Les partenaires sociaux apporteront leur propre contribution", précise également le chef de l'Etat. Ils devront définir les formations "branche par branche, région par région" pour répondre aux besoins des entreprises.

D'autre part, le chef de l'Etat souhaite que le contrat de professionnalisation soit davantage ouvert aux demandeurs d'emploi. "L'objectif pourrait être 50.000 bénéficiaires au lieu des 8.000 aujourd'hui." Pour y parvenir, l'Etat apportera un soutien financier "sur le modèle des emplois aidés".

Elargir l'accès à l'apprentissage

L'apprentissage est une autre priorité du gouvernement. Les titres du ministère du Travail seront accessibles par cette voie pour permettre "d'offrir des débouchés supplémentaires et d'assurer des entrées en apprentissage tout au long de l'année", précise François Hollande. En complément, "l'Education nationale créera elle aussi des formations nouvelles en alternance, dont l'apprentissage est une des voies avec l'enseignement professionnel qui lui aussi doit être tourné vers les métiers d'avenir". Quelque 1.000 postes seront affectés à ces formations dès 2017. D'autre part, des jumelages entre des lycées d'enseignement professionnel et des CFA sont prévus pour faciliter l'insertion des jeunes. François Hollande a souligné que les régions font elles aussi des propositions en matière d'apprentissage pour "améliorer notamment le système de transport et de logement des apprentis". "Nous saurons accompagner ce processus", a-t-il déclaré.

Enfin, le chef de l'Etat a rappelé que le Compte personnel d'activité (CPA) était au cœur de son projet de "sécurisation des travailleurs" visant à assurer "une continuité des compétences et des expériences". Le CPA, "c'est le capital de chaque travailleur, la somme des droits accumulés tout au long d'une vie professionnelle : droits à la formation, congés spécifiques, validation des acquis de l'expérience (VAE), épargne salariale". Le travailleur pourra disposer de son CPA "librement, pour organiser les mobilités, porter un projet personnel, créer une entreprise, préparer sa retraite". Les partenaires sociaux "se sont saisis de cette grande ambition. La première étape sera effective l'année prochaine, et les dispositions seront prises dans la loi [El Khomri]". François Hollande a également insisté sur le fait que "notre modèle social [doit être] rendu intelligible pour tous (employeurs, salariés, artisans…)". C'est pourquoi, "le projet de portail universel des droits sociaux" permettra l'accès de chacun à ses droits dès le 1er janvier 2017. Le rendez-vous "majeur" pour assurer cette sécurisation des travailleurs, est la prochaine renégociation de la convention d'assurance-chômage. Ce sera "l'occasion de revoir un certain nombre de règles et de réorienter les financements" sur les mesures d'accompagnement vers l'emploi, notamment la formation et la création d'entreprise.

Toutes ces mesures représentent un effort budgétaire significatif chiffré par le chef de l'Etat à "plus de 2 milliards d'euros" qui comprend le plan de formation d'une part et le dispositif "Embauche PME", d'autre part. Ce dernier consiste en une aide forfaitaire de 2.000 euros par an pendant deux ans  versée pour tout salarié embauché par une PME avant le 31 décembre 2016 à temps plein en CDI et CDD égaux ou supérieurs à six mois, et rémunéré entre 1 et 1,3 Smic. François Hollande a précisé que la mesure s'adresserait aux PME de moins de 200 salariés, alors que dans son dossier de presse l'Elysée parle de 250 salariés. Quoi qu'il en soit, le dispositif prépare le basculement du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales. Un décret annoncé pour le 20 janvier 2016 rendra cette aide effective au 18 janvier. Ces 2 milliards d'euros seront financés "sans prélèvement supplémentaire", assure François Hollande, mais par des "économies".