PLF 2026 : vague de fonds pour le logement social et les plus précaires

Dans le cadre de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, ce 6 novembre, la commission des finances de l'Assemblée nationale a donné un nouveau souffle à la politique du logement social. En augmentant les aides au logement, en allégeant la réduction de loyer de solidarité et en renforçant les crédits pour la rénovation énergétique et le plan Logement d’abord, les députés entendent répondre à l’urgence sociale et écologique. Des arbitrages salués par le secteur, mais vivement critiqués à droite comme une fuite en avant budgétaire.

La commission des finances de l’Assemblée nationale, réunie ce jeudi 6 novembre pour examiner les crédits de la mission "Cohésion des territoires, logement et hébergement d'urgence" du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, a marqué une séquence budgétaire décisive en adoptant une série d’amendements visant à redynamiser la politique du logement social et à renforcer l’aide aux personnes les plus vulnérables. Ces votes, souvent le fruit d’un compromis transpartisan, dessinent une nouvelle trajectoire pour le financement du secteur et tentent d’apporter des réponses concrètes face à l’urgence sociale.

Baisse de la RLS

L’amendement le plus retentissant concerne sans aucun doute la réduction de loyer de solidarité (RLS). La commission a voté une augmentation de 600 millions d’euros des crédits alloués aux aides personnalisées au logement (APL), dans le but de financer une baisse substantielle de la RLS.

Ce dispositif, instauré en 2018, représente une charge structurelle de 1,3 milliard d’euros pour les organismes de logement social, pesant lourdement sur leur capacité d’investissement et leur effort de rénovation. L’adoption de l’amendement transpartisan, déposé notamment par le député socialiste des Pyrénées-Atlantiques Iñaki Echaniz, vise à ramener la RLS à 700 millions d’euros, contre 1,3 milliard initialement prévu dans le PLF.

Le vote a été accueilli avec un enthousiasme immédiat par l’Union sociale pour l’habitat (USH), pour qui cette décision budgétaire constitue un signal politique fort. Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, souligne que la première étape de réduction de la RLS en 2025 s'est traduite par une hausse significative de 8% des agréments de logements HLM, permettant au secteur de renouer avec une programmation nettement supérieure à 100.000 logements. L’augmentation de la RLS, comme le proposait initialement le gouvernement, aurait au contraire "acté et provoqué à nouveau la baisse de la production de logements sociaux".

Malgré ce consensus partiel, l'adoption de la baisse de la RLS a immédiatement cristallisé une opposition frontale. Pour Guillaume Kasbarian, député EPR d'Eure-et-Loir, l’amendement s’apparente en tout cas à un "amendement cadeau au logement social". Il a vivement critiqué ce qu'il perçoit comme le maintien des exonérations et la distribution de "chèques en plus", estimant que cela "dévitalise les conventions d’utilité sociale". L’ancien ministre délégué du Logement a plaidé pour d'autres leviers financiers afin de remplir les comptes des bailleurs sociaux : la dynamisation des surloyers, le développement du logement intermédiaire, ou encore la vente de logements sociaux pour générer de la trésorerie. Selon lui, "à chaque fois on retombe sur la vieille ficelle qui consiste à redonner des chèques en plus au logement social." Cette sortie a vivement fait réagir l’aile gauche : "Ce qui m'étonne, c'est que vous êtes un ancien ministre du Logement et que vous parlez avec haine du logement social", a sèchement rétorqué Éric Coquerel (LFI), président de la commission des finances.

Accélérer la transition énergétique

Dans la même veine de soutien aux bailleurs, un autre amendement a été adopté pour muscler le financement de la rénovation énergétique du parc social.

Cet amendement, présenté par François Jolivet (Horizons, Indre), vise à augmenter les moyens alloués aux bailleurs sociaux via le fonds de rénovation énergétique du parc social (Freps), géré par le fonds national des aides à la pierre (Fnap). Il est prévu d’abonder le programme 135 "Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat" à hauteur de 100 millions d’euros.

Ce financement est crucial pour aider les organismes HLM à réaliser des travaux d’ampleur sur les logements étiquetés "E", "F" ou "G" (les "passoires thermiques") et à décarboner les systèmes de chauffage. Malgré un objectif de l’État de rénover 120.000 logements locatifs sociaux par an, seuls 18.387 logements ont effectivement bénéficié d’une rénovation énergétique récente.

Un effort renforcé pour le Logement d’abord

La commission s’est également attaquée à la question de l’inclusion des personnes en situation de précarité, en adoptant un amendement augmentant le budget dédié aux pensions de famille, pilier essentiel du plan Logement d’abord, une stratégie lancée en 2017 pour proposer aux personnes sans domicile des solutions adaptées et pérennes, combinant convivialité collective et accompagnement social.

L’amendement, porté par les Écologistes, propose d’augmenter le budget de 19,9 millions d’euros, une somme destinée à la création de 2.790 places supplémentaires en pensions de famille. Ce renforcement budgétaire a pour objectif de garantir la réalisation intégrale des engagements non tenus du premier plan quinquennal (2018-2022), qui n’avait atteint que 72% de son objectif de 10.000 places nouvelles.

Au cœur des débats, le groupe La France insoumise (LFI) a fait de l’hébergement d’urgence son fer de lance, pointant l’"insincérité" du budget face à la crise. Leur amendement vise la création d’au moins 10.000 nouvelles places, avec une attention particulière portée aux publics doublement vulnérables : 6.000 places destinées aux enfants à la rue et à leurs familles, et 1.000 places supplémentaires pour les femmes en pré- ou post-maternité. Pour les députés LFI, cet effort était un rappel ferme de l'obligation de résultat de l’État, le droit à l’hébergement étant reconnu par le Conseil d’État comme une liberté fondamentale

À noter que, pour respecter les règles budgétaires - loi organique relative aux lois de finances (LOLF) -, ces augmentations de crédits ont été formellement gagées par des prélèvements sur d’autres programmes. Cependant, les députés auteurs des amendements ont insisté sur l’aspect purement formel de ces mouvements de crédits, et appelé le gouvernement à lever ce gage financier pour que les moyens puissent être pleinement mobilisés. Le Parlement est appelé à confirmer ce vote en séance plénière dans les prochains jours.

 

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