PLF : le Sénat adopte la partie "recettes" après avoir allégé l'effort demandé aux collectivités

La chambre des territoires a largement adopté le 4 décembre la partie dédiée aux recettes du projet de budget de l'État pour 2026, après l'avoir remaniée par rapport à la copie initiale du gouvernement, supprimant notamment plusieurs milliards d'euros de hausses de prélèvements et réduisant les économies escomptées par le gouvernement dans le champ des collectivités. Le point sur ce qu'il faut retenir de cette étape dans le marathon budgétaire.

La chambre haute a voté la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 par 198 voix contre 105, confirmant la solidité de sa majorité, qui entend désormais trouver des économies supplémentaires dans la partie dépenses. A l'Assemblée nationale, cette partie du budget avait été rejetée à la quasi-unanimité. 

L'ensemble de la gauche s'est opposée à ce volet "recettes" remanié, tandis que la droite, les centristes et le groupe macroniste ont voté pour. Le groupe des Indépendants s'est quant à lui abstenu.

"Ce vote va nous permettre de continuer à examiner le budget", a salué le ministre de la Fonction publique, David Amiel. "Parce que, chacun le sait, en l'absence de budget, nous serions tous condamnés au pire, c'est-à-dire à assister, impuissants, à l'explosion des déficits", a-t-il ajouté.

Mais ce vote n'est qu'un point d'étape dans un long marathon budgétaire en cours dans les deux chambres du Parlement, l'adoption d'un budget avant la fin d'année restant toujours très incertaine.

Au cours de la discussion qui avait commencé le 27 novembre, le Sénat s'est employé en particulier à réduire la participation des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques, jugeant excessif l'objectif de 4,6 milliards d'euros fixé initialement par le gouvernement.

Régions : le gouvernement acte la fin de la DGF

Les sénateurs ont de fait allégé la charge que le projet de budget fait peser sur les régions. Ils ont supprimé le retour à une part de dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les régions, en lieu et place de la fraction de TVA (supérieure à 5 milliards d'euros en 2025) dont ces dernières bénéficient depuis 2018. Au cours du débat, la ministre des Comptes publics a fait savoir que le gouvernement "renonce" à réintroduire la DGF des régions et que ces dernières "garderont" la "dynamique", c'est-à-dire les recettes liées à la croissance de la TVA.

Les sénateurs sont aussi revenus - cette fois contre l'avis du gouvernement - sur la baisse de 180 millions d'euros de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DRCTP) revenant aux régions, une baisse destinée au départ à financer un certain nombre de dotations en hausse (la DCRTP est ce que les spécialistes appellent une "variable d'ajustement"). "Un souci d'équité" a guidé le choix des sénateurs, a expliqué le rapporteur général du budget, Jean-François Husson. Trois régions seraient particulièrement "pénalisées" par la baisse de la DCRTP : l’Occitanie, les Hauts-de-France et la Normandie, parce qu’elles "ont encore un montant élevé de DCRTP", alors que "d’autres n’en ont plus du tout", a-t-il détaillé.

En revanche, la commission des finances du Sénat n'a pas réduit la contribution des régions en 2026 au dispositif de mise en réserve forcée (Dilico), celle-ci demeurant à 500 millions d'euros, comme dans la copie du gouvernement (voir notre article). Et lors de la discussion en séance du volet du PLF 2026 sur les dépenses, les sénateurs devraient maintenir ce cap, soucieux de parvenir à un effort global des collectivités de 2 milliards d'euros. 

En parallèle, le Sénat a relevé le plafond de la taxe régionale sur les certificats d'immatriculation (les cartes grises), en le portant de 60 euros par cheval fiscal à 70 euros. Il a renoncé à fixer un plafond à 80 euros, envisagé initialement. Mais le ministre de la Fonction publique, David Amiel, qui représentait le gouvernement dans la discussion, est resté défavorable à la mesure, défendant le fait que la taxe "concerne essentiellement les Français des classes moyennes".

Territoires industriels : effort moindre, mais toujours réel

Afin de tenir l'objectif d'un effort de 2 milliards d'euros pour les collectivités en 2026, les sénateurs n'ont pas réduit la compensation de la baisse des valeurs locatives des établissements industriels autant qu'annoncé au départ. En commission, ils avaient réduit de moitié l'impact de la mesure sur les collectivités, en le ramenant de 1,2 à 0,6 milliard d'euros. Mais en séance, ils ont placé le curseur à 0,8 milliard. Ils ont par ailleurs confirmé le plafonnement du coût de la mesure à 2% des recettes réelles de fonctionnement de chacune des communes et intercommunalités concernées.

Le Sénat a en revanche tenu sa promesse sur le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), en maintenant l'éligibilité au dispositif des dépenses d’entretien de la voirie et de celles engagées pour la fourniture de services en informatique. Il a même, contre l'avis du rapporteur général du budget, voté l'intégration des travaux d'investissement réalisés en régie à l'assiette du FCTVA. 

La Haute Assemblée a aussi rayé d'un trait les dispositions prévoyant la maîtrise de l’évolution des fractions de TVA affectées aux collectivités territoriales et aux intercommunalités. Par le même amendement, elle a doublé le fonds de sauvegarde venant en aide aux départements en difficulté, faisant passer celui-ci à 600 millions d'euros l'an prochain.

Taxe d'aménagement : une avance pour les collectivités pénalisées

Comme il l'avait promis lors du congrès des maires de France, Bernard Delcros, le président de la délégation aux collectivités territoriales, a déposé un amendement garantissant aux communes une compensation intégrale de l'augmentation (inscrite dans la loi de finances pour 2025) de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des agriculteurs. Le Sénat a adopté l'amendement, décidant même - contre l'avis de la commission des finances - de prévoir une compensation rétroactive pour l'année 2025.

Les sénateurs ont aussi relevé la dotation élu local de 59,4 millions d'euros en 2026 pour "tirer les conséquences budgétaires" des mesures du projet de loi créant un statut de l'élu local - qui devrait faire l'objet d'un vote définitif de l'Assemblée nationale le 8 décembre - concernant l'extension du bénéfice de la dotation et le relèvement des indemnités de fonctions des maires et adjoints au maire des communes de moins de 20.000 habitants. On notera que la mesure sera financée (en partie) par une réduction de 36,4 millions d'euros de la DCRTP des communes et intercommunalités.

En outre, les sénateurs ont voté plusieurs amendements issus de la mission flash des sénateurs Stéphane Sautarel (rattaché LR) et Isabelle Briquet (socialiste) sur les dysfonctionnements dans la collecte de la taxe d’aménagement. L'un d'eux donne aux collectivités et intercommunalités qui ont subi une perte importante de taxe d'aménagement entre 2024 et 2025 la possibilité de bénéficier d'une avance de l'État en 2026. Cette avance serait égale à un tiers de la perte de recettes subie.

Déliaison des taux

Le Sénat a par ailleurs adopté toute une série de modifications de la fiscalité locale. Il a en particulier décidé d'assouplir un peu plus les règles de liaison des taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Les communes dont le taux de THRS est "inférieur à la moyenne" pourront ainsi l’augmenter pour "le rapprocher de cette moyenne". D'autres dispositions adoptées par le Sénat prévoient de fusionner la taxe sur les logements vacants perçue par l’État et la taxe d’habitation sur les logements vacants qui bénéficie aux communes et intercommunalités (sur cette disposition, voir notre article dédié dans l'édition de ce jour), ou de revenir sur l'exonération en matière d'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) dite "mobile", dont bénéficient les stations radioélectriques de téléphonie mobile construites en zone de montagne sur la période 2017-2020.

Les sénateurs ont aussi décidé de reporter d'un an la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, alors que le gouvernement prévoit de la repousser de trois ans. Ils ont aussi maintenu à 2026 l’intégration, dans les bases d’imposition, des effets de l’actualisation des paramètres de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels (révision dite sexennale).

Alors que les députés examinent le budget de la Sécurité sociale dans des débats ultra-sensibles, le Sénat s'attaque désormais à la partie dédiée aux dépenses du budget de l'État, avant un vote final prévu le 15 décembre. C'est à cette occasion qu'ils se pencheront notamment sur le sort du Dilico et du fonds d'investissement des territoires (FIT) qui fusionne trois dotations dédiées à l'investissement local.

 

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