PLF 2026 : en commission, le Sénat remanie en profondeur le "Dilico"
Destiné à faire participer les collectivités à la maîtrise des finances publiques, le dispositif d'épargne contrainte ("Dilico"), tel qu'issu des travaux de la commission des finances du Sénat sur le projet de budget pour 2026, ne ressemble plus guère à ce que prévoyait le gouvernement. A l'origine de 2 milliards d'euros, son montant total pour l'an prochain est abaissé à moins de 900 millions. La contribution des départements est réduite de moitié, tandis que celle des communes est purement et simplement annulée. La discussion en séance aura lieu le 10 décembre.
© Stéphane Sautarel/ Examen en commission des finances de la première partie du PLF 2026 le 24 novembre
Les sénateurs avaient promis la semaine dernière, lors du congrès de l'Association des maires de France, de réduire de moitié en 2026 le mécanisme d'épargne forcée ("Dilico"), en le faisant passer de 2 milliards d'euros - dans le projet de budget pour 2026 déposé par le gouvernement - à moins de 1 milliard. La promesse devrait être tenue.
Lors d'une réunion ce 26 novembre, la commission des finances de la Haute assemblée a donné son feu vert à la mise en œuvre d'une contribution des collectivités de 890 millions d'euros au dispositif. Ce qui serait un étiage, en cas de validation définitive par le Parlement, car le fonds s'élève à 1 milliard d'euros en 2025, sa première année de fonctionnement.
A la veille du début de la discussion dans l'hémicycle sur le PLF pour 2026, la commission a ainsi approuvé un amendement du rapporteur spécial de la mission Relations avec les collectivités territoriales, Stéphane Sautarel (LR, Cantal). Le 19 novembre, la commission avait examiné l'ensemble des articles de la mission, mais elle avait souhaité attendre les premières discussions sur les articles de la première partie du PLF 2026 (le 24 novembre) pour se prononcer sur le Dilico.
Les communes exonérées totalement du Dilico
Au-delà du montant global, l'amendement adopté revoit la répartition des contributions au Dilico entre les différentes catégories de collectivités territoriales. A la clé, les prélèvements sur les recettes des départements sont réduits de moitié (140 millions d'euros, contre 280 millions dans la copie du gouvernement). Ils ne pèseraient que sur "une vingtaine de départements" (les plus favorisés), selon les informations que le rapporteur spécial a communiquées à Localtis. Ce qui correspond à l'engagement pris par le Premier ministre devant les élus départementaux et confirmé il y a quelques jours dans le courrier qu'il leur a adressé (voir notre article).
Mais le bloc communal serait le grand bénéficiaire du geste voulu par le Sénat à destination des collectivités. Confirmant une annonce faite par le président du Sénat, Gérard Larcher, lors du congrès des maires de France (voir notre article du 20 novembre), la commission a décidé d'annuler en totalité la charge de 720 millions d'euros prévue pour les communes, et de diviser par deux (de 500 millions à 250 millions) celle qui repose sur les intercommunalités. "La commune est la cellule de base de notre organisation" et la situation financière de cet échelon "est aussi en train de se dégrader", justifie Stéphane Sautarel, interrogé par Localtis. Celui-ci poursuit, au sujet de l'intercommunalité : "On a préféré conserver les moyens au niveau des communes, ensuite à chacun sur son territoire, avec la liberté locale qui prévaut, d’organiser les choses comme il l’entend".
Les sénateurs n'ont pas allégé la contribution des régions au Dilico, celle-ci demeurant à 500 millions d'euros. Sur la période récente, les régions ont bénéficié de la "dynamique" de la TVA qui leur a été attribuée en remplacement de leur dotation globale de fonctionnement (DGF), contrairement aux autres types de collectivités qui ont continué à percevoir une DGF, met entre autres en avant le sénateur du Cantal. En outre, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement sur la première partie du PLF pour 2026, visant à "supprimer le dispositif de maîtrise de l’évolution des fractions de TVA" affectées aux collectivités territoriales et aux intercommunalités (au sujet des premiers amendements de la commission sur la première partie, voir notre article du 24 novembre).
"Le dispositif n'est pas confiscatoire"
Stéphane Sautarel précise que, toutefois, d'ici le 10 décembre, date de l'examen en séance des articles de la mission Relations avec les collectivités territoriales – et donc des dispositions sur le Dilico – il va chercher avec le rapporteur général du budget, Jean-François Husson, "des solutions pour éventuellement réduire le niveau de contribution des régions au Dilico".
Autre évolution importante actée le 26 novembre par la commission : le rejet des nouvelles modalités de fonctionnement du Dilico inscrites dans le projet de loi initial, comme l'allongement de trois à cinq ans de la période des reversements et les étroites conditions fixées pour en bénéficier.
A l'inverse des plans gouvernementaux, le Dilico conçu par le Sénat n'est "pas confiscatoire" : il présente "une garantie de retour", insiste Stéphane Sautarel. C'est donc logiquement que la chambre haute, en cohérence avec son intention de maintenir un effort des collectivités en 2026 – de 2 milliards d'euros au maximum, contre 4,7 milliards dans la copie du gouvernement – a opté pour la poursuite de la mise en œuvre de ce mécanisme. "On privilégie les mesures les moins douloureuses" pour les collectivités, complète le sénateur. C'est ce raisonnement qui, en outre, a conduit la commission à valider le décalage d'un an du bénéfice par les intercommunalités du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), comme le proposait l'exécutif.
600 millions d'euros pour les départements en difficulté
Au cours de la réunion, la commission des finances a validé le doublement du fonds de sauvegarde (de 300 à 600 millions d'euros), qui doit venir en aide en 2026 aux départements en difficulté. L'amendement porté par les deux rapporteurs spéciaux de la mission RCT - Stéphane Sautarel et sa collègue socialiste Isabelle Briquet - est en ligne avec la position du gouvernement. Qui lui-même, en vue de la discussion en séance, a déposé un amendement prévoyant un doublement du fonds. La disposition adoptée ce 26 novembre par les sénateurs va toutefois un peu plus loin, puisqu'elle porte des ajustements aux conditions d'éligibilité et aux règles de répartition des versements effectués au titre du fonds.
Les sénateurs ont donc largement redessiné en commission les contours de la contribution des collectivités à la réduction du déficit public. Même si dans les détails, ce volet-là du texte va encore évoluer en séance, on devrait le retrouver globalement peu modifié sur la table de la commission mixte paritaire qui se réunira à l'issue du vote - le 15 décembre - par le Sénat sur le PLF pour 2026. Les sept sénateurs et sept députés devraient alors pouvoir tomber d'accord sur ces dispositions telles que prévues par le Sénat, estime Stéphane Sautarel. Ce volet-là de la discussion ne sera pas "le plus compliqué", considère-t-il. Pour cause : "Il est travaillé en lien avec le gouvernement et assez partagé avec le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale [Philippe Juvin]". "La question est plutôt de savoir si le PLF dans son ensemble atterrira et pourra être voté", conclut le sénateur.