Pour InfraNum, le datacenter de proximité rime avec souveraineté et sécurité
InfraNum a mis à jour son guide sur les datacenters de proximité. Une infrastructure présentée comme une réponse aux enjeux de souveraineté numérique et de cybersécurité. Le guide, rédigé avec l'appui de DC Mag et de la Banque des Territoires, propose plusieurs scénarios pour aider les territoires à s'approprier ce nouveau champ de l'aménagement numérique.
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Alors que le chantier de la fibre arrive à son terme, les besoins en infrastructures numériques changent de nature. En parallèle de son exploration des territoires durables et connectés, la fédération des industriels du numérique, InfraNum promeut la création de datacenters de proximité. Un équipement qu'elle présente comme "complémentaire" des méga-datacenters et des offres cloud des hyperscalers (1). "Les datacenters de proximité ne sont pas une version réduite des grands centres, mais bien une réponse adaptée à des besoins spécifiques", souligne Ilham Djehaich, présidente d'InfraNum, dans l'édito du guide actualisé que la fédération vient de publier. Ces structures de taille intermédiaire, implantées au plus près des villes moyennes et des zones rurales, s'inscrivent dans une logique de proximité géographique et relationnelle. Ils sont surtout une réponse aux nouveaux questionnements des élus.
Souveraineté et protection des données
La souveraineté numérique est l'argument central du guide d'InfraNum. Celui-ci s'appuie sur le témoignage d'une vingtaine de collectivités et d'entreprises qui ont fait valoir l'intérêt des datacenters de proximité pour "garder la main" sur leur système d'information. Cette maîtrise recouvre plusieurs dimensions : autonomie stratégique et résilience, protection des données contre l'application de lois extraterritoriales, maîtrise technique et coûts prévisibles à l'heure où les géants américains décident d'augmentations unilatérales.
L'Europe tend par ailleurs à renforcer les obligations de protection des données, la directive NIS2 imposant une maîtrise de l'ensemble de la chaîne de traitement des données, au-delà des exigences du RGPD sur les données personnelles. Or les datacenters de proximité facilitent la contractualisation avec des opérateurs soumis exclusivement au droit français et européen, sans risque d'accès par des autorités étrangères. Et avec la qualification SecNumCloud de l'Anssi, les critères de souveraineté des prestataires s'étendent à la maîtrise du capital par des acteurs européens. Quant à l'empreinte carbone de ces équipements, le guide souligne la possibilité d'inclure des clauses sur la récupération de chaleur fatale ou le respect de critères environnementaux en matière d'eau et d'énergie. Ces exigences sont cependant à pondérer par leur coût potentiel, la tarification restant un "critère prioritaire" pour les collectivités. Il s'agit du reste pour les collectivités de panacher les solutions à l'aune de la nature et de la criticité des données hébergées.
Quatre scénarios de mise en œuvre
InfraNum identifie quatre scénarios de mise en œuvre, avec la mutualisation comme condition indispensable aux plus ambitieux. L'hébergement sec constitue le scénario le plus accessible : location de baies dans un datacenter existant, avec possibilité de bail emphytéotique sur 15 à 20 ans pour comptabiliser la dépense en investissement. L'achat d'un datacenter existant est une autre option : la commune des Sables-d'Olonne a par exemple racheté une installation de 10 ans jamais exploitée. La construction d'un site public dédié représente ensuite un investissement d'ampleur, entre 1 et 2 millions d'euros selon les exemples recensés (GIP Eskemm Data en Bretagne, Sartera en Sarthe). Ce modèle permet de mutualiser les ressources entre acteurs du territoire – au bénéfice notamment des petites communes - et de s'affranchir des risques d'application de lois extraterritoriales. L'exploitation-maintenance peut être internalisée ou confiée à un opérateur privé via une délégation de service public. Enfin, l'appel à projet vise à faciliter l'implantation d'un acteur privé sur le territoire, avec une première commande publique garantissant la rentabilité initiale. Le guide insiste sur l'importance de la coordination avec l'opérateur du réseau d'initiative publique local pour assurer la connectivité.
Prérequis juridiques et contractuels
Le guide détaille enfin les obligations juridiques applicables. Construire son propre centre de données implique ainsi de justifier l'intérêt public local et de démontrer une carence de l'offre privée. Selon l'ampleur du projet, les règles relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement s'appliquent, avec des délais d'instruction variables.
Les clauses contractuelles à sécuriser concernent la localisation des données et leur sauvegarde, les niveaux de service et conditions de rétablissement, la réversibilité permettant un changement de fournisseur à coût maîtrisé, et les clauses de changement de contrôle garantissant le respect des engagements de souveraineté en cas de modification de l'actionnariat du prestataire.
Le guide recommande d'intégrer le cahier des clauses simplifiées de cybersécurité de 2018 dans les appels d'offres et de privilégier les prestataires bénéficiant de qualifications comme SecNumCloud. La certification HDS (hébergement de données de santé) sera enfin requise pour l'accueil de structures du secteur sanitaire.
(1) Hyperscale décrit la capacité d'une architecture système ou technologique à évoluer à mesure que la demande de ressources s'y ajoute.
› Les annonces de gigaprojets se multiplientLes petites installations promues par Infranum n'ont rien à voir avec les datacenters, dits hyperscales tels que ceux poussés par le gouvernement lors du sommet de l'IA où 109 milliards d'euros d'investissement privés avaient été annoncés. À l'occasion du rendez-vous Choose France du 17 novembre 2025, plusieurs projets ont été confirmés. OpCore (coentreprise Iliad-InfraVia) et EDF proposeront une puissance de "plusieurs centaines de mégawatts" sur le site de l'ancienne centrale thermique de Montereau-Vallée-de-la-Seine. En Île-de-France, Altarea annonce des datacenters dédiés à l'IA pour une puissance totale de 520 MW. Eclairion installera de son côté 400 MW sur deux communes en Moselle et OVH va réinvestir un site d'Arcelor Mittal à Strasbourg pour un nouvel équipement. Au total, 63 sites ont été identifiés – essentiellement sur des friches ou à proximité de sites EDF - par une "task force" associant la direction générale des entreprises, Business France et RTE. Ce dernier leur propose une procédure de raccordement électrique accélérée dite "fast-track". Les associations urbaines ont manifesté leur mécontentement face au manque de concertation sur le choix des sites alors que ces équipements pèsent sur la consommation de ressources locales. |