Archives

Transports - Pour la Fnaut, l'avenir du TER ne passe pas par la route

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a demandé à des experts de comparer les coûts du train et de l'autocar pour la desserte des zones peu denses. Les résultats de cette étude, présentés ce 6 février, vont à l'encontre des idées reçues sur les bénéfices du transfert sur route des services ferroviaires.

Faut-il maintenir des dessertes ferroviaires TER pour irriguer des territoires à faible densité de population, qu'il s'agisse de petites villes ou de zones rurales ? Difficultés budgétaires obligent, la question est souvent évoquée par les acteurs du ferroviaire - Etat, régions, RFF, SNCF - qui estiment au vu de la fréquentation sur certaines lignes que le recours à l'autocar est préférable. Dans son rapport de novembre 2009 sur les TER, la Cour des comptes abondait d'ailleurs en ce sens puisqu'elle préconisait de développer des transports routiers de substitution comme des autocars à horaires cadencés sur les lignes les moins fréquentées, qu'elle évaluait à 7.800 km (le quart du réseau ferré). Depuis, certaines régions ont commencé à rogner sur leurs services ferroviaires en effectuant des transferts sur autocars aux heures creuses et la tentation est grande dans certains endroits de faire basculer certaines lignes en totalité sur la route.

L'autorail plus confortable et plus rapide...

 Pour éclairer le débat, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a demandé à trois experts reconnus dans le domaine des transports – Jean-Marie Beauvais, Pierre-Henri Emangard et Gérard Guyon – de comparer les performances techniques, économiques et écologiques du train et de l'autocar pour déterminer de manière objective leurs avantages respectifs. Les résultats de ce travail, présentés ce 6 février, font apparaître que le créneau pertinent pour les transferts sur route est en fait très étroit. Tout d'abord, sur le plan technique, l'autorail le plus couramment utilisé sur les lignes desservant les zones peu denses – le modèle diesel X 73500 de la SNCF, plus connu sous son surnom de "cigare" – s'avère supérieur à l'autocar standard de 55 places utilisé sur la plupart des réseaux. En termes de confort pour l'usager, l'autorail offre ainsi un espace environ 1,8 fois supérieur à l'autocar. Il peut de surcroît absorber plus facilement les trafics de pointe en acceptant des voyageurs debout, ce qui évite des doublages dispendieux de véhicules, avec des retours à vide. Surtout, soulignent les experts, il est toujours plus rapide que l'autocar : en circulant en site propre, les TER, même lorsqu'ils effectuent des services omnibus atteignent des vitesses moyennes rarement inférieures à 60 km/h alors que les autocars, soumis aux aléas de la circulation et des aménagements routiers (déviations d'agglomération, multiplication des ronds-points) peinent à dépasser les 40 km/h.
En outre, les usagers vivent mal le passage du train à l'autocar, qu'ils considèrent comme une régression du transport public. Une étude de l'Observatoire régional des transports des Pays de la Loire, dépendant du ministère de l'Ecologie a ainsi montré que la moitié des voyageurs préfèrent alors passer à l'automobile, l'autocar ne conservant que la clientèle captive. A contrario, lorsqu'il y a eu des transferts vers le rail, la fréquentation a été dopée. Sur la relation Nantes-Pornic, entièrement basculée sur rail en 2001-2002, le nombre de voyageurs a été multiplié par 3,6 entre 2000 et 2005. La ligne Tours-Chinon a vu sa clientèle diminuer de 20% lors de sa fermeture en 1980 malgré un renforcement de la fréquence des cars, et l'a retrouvée immédiatement lors de sa réouverture en 1982. En 1987, le trafic atteignait 500.000 voyageurs, soit 30% de plus qu'en 1979.

Des coûts d'exploitation du train plus élevés que dans les pays voisins

En termes de performances économiques, les experts qui ont travaillé pour la Fnaut donnent aussi l'avantage au train à condition de comparer ce qui est comparable. Gérard Guyon a calculé le coût du kilomètre parcouru hors charges d'infrastructure. Ce coût s'établit à 7 euros pour l'autorail X 73500 de 81 places et à 1,8 euro pour l'autocar standard de 53 places assises, soit un écart de 1 à 4. Mais cette donnée brute est jugée peu significative. L'écart n'est que de 2,6 si on ramène le coût d'exploitation à la place assise offerte et il est voisin de 2 si on ramène le coût d'exploitation au voyageur transporté, l'autorail attirant environ deux fois plus de voyageurs que l'autocar, souligne l'étude. En outre, "ce n'est pas l'autorail qui est cher, c'est la SNCF, insiste-t-elle. Son coût d'exploitation en France est bien plus élevé qu'à l'étranger, d'environ 30%. Il pourrait être abaissé par l'utilisation d'un matériel roulant et d'une signalisation mieux adaptés aux faibles trafics, et par la suppression de l'accompagnement, justifié seulement pour des trafics de plus de 100 personnes par convoi", suggère-t-elle. Autre argument mis en avant : en cas de transfert sur route d'un service ferroviaire il faudrait, doubler les fréquences, pour maintenir la fréquentation, donc augmenter fortement le coût d'exploitation du mode routier.
Enfin, les experts considèrent qu'il est faux d'affirmer que le train est plus énergivore que l'autocar. Certes, la consommation de diesel est de 56 litres aux 100 km pour un autorail X 73500 contre 33 litres pour un autocar standard. "Le roulement fer sur fer est intrinsèquement économe en énergie, mais l'autorail est lourd pour pouvoir résister à des chocs à vitesse élevée", rappelle en effet l'étude. Par place assise offerte, la consommation est de 0,69 litre pour l'autorail et 0,62 litre pour l'autocar. Mais "lorsqu'un autocar circule en remplacement d'un train, il transporte en gros deux fois moins de passagers que le train. La consommation par voyageur transporté est donc pratiquement la même pour l'autorail et pour l'autocar contrairement à ce qu'affirme la Cour des Comptes (page 59 de son rapport de 2009)", insistent les experts. De plus, poursuivent-ils, "à la consommation de l'autocar, il faut ajouter celle des automobilistes que l'autocar n'a pas réussi à attirer, soit 6,8 litres aux 100 km pour un automobiliste 'en solo' et environ 5,3 litres en moyenne sachant que le taux d'occupation moyen d'une voiture est de 1,28 personne pour les déplacements de proximité".
On peut aussi concevoir des autorails moins énergivores que le X 73500, estime l'étude. L'A2E qui a circulé sur la ligne Carhaix-Guigamp-Paimpol consommait ainsi 34,1 litres aux 100 km, soit à peine plus qu'un autocar. "Mais la SNCF a toujours refusé d'utiliser un matériel léger et sûr destiné à rouler sur une petite ligne à la vitesse de pointe 90 km/h garantissant une vitesse commerciale de 60 km/h tout en desservant autant de localités que l'autocar", relèvent les experts. Selon leurs calculs, en termes de bilan énergétique, "dès qu'il y a au moins une dizaine de voyageurs dans l'autorail, le transfert sur route est, en moyenne, contreproductif".

500 km de lignes ferroviaires rouvertes en Allemagne

La Fnaut, qui devait présenter ce 6 février les résultats de cette étude à Jacques Auxiette en charge des infrastructures et des transports à l'Association des régions de France (ARF), estime que le transfert sur route ne peut se justifier que pour une très faible proportion de lignes et brandit l'exemple de l'Allemagne, qui a réussi depuis 1996 à rouvrir 500 km de dessertes ferroviaires régionales grâce à une baisse des coûts d'exploitation. Selon elle, de multiples leviers peuvent être activés pour valoriser les lignes régionales aujourd'hui peu utilisées. "Il y a un gros effort commercial pour stimuler la fréquentation des autorails, estime Jean Sivardière, président de la Fnaut. L'offre n'est souvent pas assez connue. Il faut aussi mieux adapter les horaires des trains aux déplacements domicile-travail, améliorer les correspondances avec les TGV et les trains Intercités, coordonner les services ferroviaires régionaux et routiers départementaux, trop souvent en concurrence frontale faute de collaboration entre autorités organisatrices." Le président de la Fnaut juge aussi que les coûts d'exploitation de l'autorail doivent baisser grâce à l'utilisation de matériel plus léger et à la polyvalence du personnel. La réintroduction du trafic fret sur ces lignes régionales pour mieux répartir les charges d'infrastructures lui paraît aussi nécessaires. Au final, juge la Fnaut, "l'alternative au train mal rempli n'est pas l'autocar mal rempli, c'est le train mieux rempli !".