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Habitat - Pour le Sénat, les investisseurs institutionnels ne sont pas prêts de revenir dans le logement locatif

Même si le fait est aujourd'hui un peu oublié, les investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance, mutuelles...) - appelés familièrement les zinzins - ont longtemps joué un rôle important dans l'offre française de logements locatifs. Au début des années 1990, ils détenaient encore 13% du parc locatif privé. Après une rapide décroissance, leur part est tombée à 6% en 2002, avant de se stabiliser aujourd'hui autour de 3% du parc locatif libre (et 0,5% du parc total de logements). Ces investisseurs institutionnels ne détiennent plus désormais qu'un peu plus de 200.000 logements.
Alors que le "choc de l'offre" de logements est devenu une priorité, un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et présenté par Dominique Estrosi Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes, s'efforce donc de répondre à la question "Faire revenir les investisseurs institutionnels sur le marché locatif résidentiel : quelles perspectives ?".

"Une rentabilité courante qui s'est effondrée dans les années 2000"

A cette question, le rapport d'information apporte une réponse clairement négative. Aujourd'hui, l'immobilier ne représente plus que 5,4% de l'actif des investisseurs institutionnels français, soit 108 milliards d'euros sur un portefeuille total de 2.028 milliards, contre 13% pour les actions, 73% pour les obligations et 3,6% pour les liquidités. Et au sein des actifs immobiliers, les locaux d'habitation ne représentent plus que 19,8% du total, contre 52,1% pour les bureaux et 16,8% pour les commerces. Dans le même temps, la part des occupants propriétaires de leur logement - et ne faisant donc plus appel au marché locatif - s'est fortement accrue, passant de 11 millions de logements en 1985 à 17 millions en 2017.
Le recul de la part des investisseurs institutionnels dans le logement locatif s'expliquerait par "une rentabilité courante qui s'est effondrée dans les années 2000", sous l'effet d'une "hausse exceptionnellement forte et rapide du prix des logements en France combinée à une hausse du niveau des loyers qui, elle, est restée maîtrisée". Par ailleurs, d'autres investissements s'avèrent bien plus rentables*.

Un retour qui présenterait des avantages, mais reste peu probable

Selon le rapport du Sénat, le retour des investisseurs institutionnels dans ce secteur présenterait aujourd'hui plusieurs avantages : la perspective d'une contribution au choc de l'offre, les moyens financiers de ces organismes, leur capacité à mener à bien les investissements de rénovation des logements existants (tout particulièrement pour répondre aux objectifs de rénovation thermique), la mutualisation du risque d'impayés (à la différence des propriétaires bailleurs individuels qui, du coup, ont tendance à "sur-sélectionner" leurs locataires)...
Mais le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat juge "improbable" ce retour des investisseurs institutionnels. Un redressement de la rentabilité courante de l'immobilier résidentiel semble en effet exclu à court terme et n'est d'ailleurs "ni souhaitable socialement ni probable économiquement". L'enquête annuelle réalisée par l'Association française des investisseurs institutionnels auprès de ses adhérents confirme ce manque d'appétence pour le logement. L'édition 2017 montre que 77% des investisseurs institutionnels envisagent de maintenir la part de l'immobilier d'habitation dans leur portefeuille, tandis que 10% envisagent même de la baisser.
A plus long terme, le rapport estime que "seule une baisse forte des prix de l'immobilier, permettant une réduction du coût d'entrée sur le marché du logement, pourrait rétablir des perspectives de rendement courant attractives" et inciter les investisseurs institutionnels à revenir. Une baisse qui pourrait être provoquée par un hypothétique "choc de l'offre...".

Quelques freins pourraient être levés

Malgré ce contexte financier "globalement défavorable à un retour massif des investisseurs institutionnels", la commission estime que "quelques freins peuvent néanmoins être levés". Le rapport cite notamment la poursuite de l'action en faveur du développement du logement intermédiaire (avec le taux réduit de TVA de 10% dans les zones tendues), une évolution de la directive Solvency 2 (règles prudentielles applicables aux investissements des assureurs), l'engagement d'une réflexion sur "un cadre règlementaire conciliant de façon plus satisfaisante protection des locataires et attractivité pour les investisseurs", ou encore le renforcement des incitations à transformer les bureaux vacants en logements.

* Sur 10 ans (période 2006-2016), le taux de rentabilité interne (TRI) des SCPI/Sociétés civiles de placement immobilier était, à 6,8%, bien supérieur à celui des logements (3,6%). Le TRI des bureaux (5,9%) et celui des obligations (3,9%) étaient également supérieur. L'assurance-vie (3,1%) et les actions (2,3%) étaient en revanche moins rentables. Le TRI de l'or, à 7,8%, était le plus élevé. A noter également la bonne performance du TRI des logements parisiens (6,3%). Chiffres cités dans le rapport sénatorial, sources IEIF (Institut de l'épargne immobilière et foncière).