Pour les entreprises exportatrices, confinement ne doit pas rimer avec attentisme

Alors que l'économie mondiale est confinée, la Team France Export déploie de nouveaux services pour aider les entreprises exportatrices à préparer dès à présent l'après-crise. Informations détaillées pays par pays, offre d'intermédiation, études de marchés, webinaires… tout est mis en œuvre pour que ces entreprises ne perdent pas leur "réflexe export".

Attendre que la crise passe ou réagir immédiatement ? Alors qu'une bonne partie du commerce international est paralysé, les responsables de la Team France Export n'ont pas hésité longtemps. Et leur choix a été clair : ils ont décidé d'aider les entreprises à faire face aux difficultés liées au coronavirus, sur le plan financier mais aussi et surtout sur le volet export, le cœur de métier de cette équipe.

Leur action s'inscrit dans le cadre du plan national de soutien aux entreprises exportatrices, lancé le 31 mars 2020 par Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, pour sécuriser la trésorerie des entreprises et anticiper le rebond d'après crise. Ce plan, qui s'ajoute au plan d'urgence économique lancé plus tôt, prévoit un renforcement des garanties que propose l'État à travers Bpifrance pour les cautions et les préfinancements de projets export afin de sécuriser la trésorerie des entreprises exportatrices. Il repose aussi sur la prolongation d'un an des assurances-prospection en cours d'exécution (permettant de protéger les entreprises pendant la démarche de prospection) et sur une capacité de 2 milliards d'euros apportée à l'assurance-crédit export de court terme. Il s'agit ici de garantir les factures des entreprises non plus sur 17 pays mais sur tous les pays du monde... Enfin, le plan prévoit un renforcement de l'accompagnement de la Team France Export (TFE).

Déployée en 2018 à travers l'union des acteurs publics au service de l'internationalisation des entreprises françaises (Business France, les CCI et Bpifrance notamment) et des acteurs privés offreurs de solutions, en partenariat avec les conseils régionaux, cette équipe propose en temps normal aux PME et aux ETI un dispositif destiné à développer leurs exportations à travers des guichets uniques régionaux et des correspondants à l'étranger. Le dispositif a mis du temps à s'installer, mais il a commencé à révéler son efficacité : en 2019, la Team France Export est entrée en contact avec 13.000 entreprises et a permis à la France d'obtenir une croissance de 3,3% de ses exportations pour les biens, supérieure à la croissance mondiale qui s'établissait autour de 1%. "Par ailleurs nous sommes parvenus à augmenter de 3.500 le nombre d'entreprises exportatrices françaises en un an, explique à Localtis Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, c'est le point faible de la France avec seulement quelque 120.000 entreprises exportatrices. Là d'un coup, nous avons augmenté ce nombre de 2,5% !"

Ecouter les besoins des entreprises

Alors que la France souffre d'une balance commerciale fortement déficitaire, l'enjeu est d'empêcher au maximum que la crise du coronavirus viennent déstabiliser ces soubresauts, puisqu'elle "touche au cœur de ce qu'est l'aventure de l'export : les déplacements en avion, les frontières, les salons internationaux, les rencontres à l'international… Tout le contraire du confinement", souligne le directeur général de Business France. L'équipe s'est rapidement réorganisée, cherchant en premier lieu les besoins principaux des entreprises.

"Nous avons tout de suite appelé les entreprises en masse, détaille Philippe Bagot, directeur de projet Team France Export pour CCI France, la semaine dernière nous avons pu contacter plus de 1.000 entreprises pour faire le point sur les missions collectives et individuelles qu'elles avaient programmées à l'export, sur les salons internationaux auxquels elles devaient participer qui ont été annulés ou reportés au deuxième semestre." 

En Occitanie, les conseillers internationaux prennent contact avec les entreprises de leur portefeuille afin de faire le point sur leur situation et leur proposer les offres du plan de soutien TFE tout en faisant le lien avec les équipes des cellules de crise des chambres de commerce et d'industrie d’Occitanie (212 collaborateurs mobilisés) pour les accompagner au mieux dans la recherche de financement, les demandes de chômage partiel... "Il y aura de la perte en matière d'export, car des entreprises vont disparaître, mais ce que l'on voit c'est que les entreprises qui sont bien implantées à l'export, avec des marchés à niches vivent mieux la période de crise", détaille Hervé Holz, directeur de la TFE Occitanie.

Les besoins recueillis localement sont ensuite remontés au niveau national. "Nous avons de la chance car nous avons mis en place avant la crise nos outils communs entre les CCI, Business France et Bpifrance, avec une plateforme commune et un logiciel de gestion de la relation client (CRM-customer relationship managment) permettant à chaque conseiller d'intégrer ses données et de les partager à tout le réseau, précise Philippe Bagot, ces outils nous permettent de réaliser une consolidation des informations au niveau national."

La météo de l'export

Naturellement les entreprises se tournent vers leurs interlocuteurs habituels, les CCI. "Elles œuvrent comme des médecins généralistes, explique Philippe Bagot, ensuite si les entreprises ont besoin d'aides pointues, les CCI les orientent vers les bons interlocuteurs, Bpifrance pour le financement, Business France pour les missions à l'étranger, voire la Direccte pour le chômage partiel." Elles sont aussi demandeuses de retours précis sur l'état des marchés d'exportation. "Elles nous ont dit qu'elles étaient submergées d'information de nature sanitaire et économique, mais qu'elles avaient besoin d'une information plus fine, une sorte de météo de l'export, avec les endroits où il y a encore du soleil pour l'export, les endroits où il y a une éclaircie, ou de l'orage", détaille Christophe Lecourtier. Ce service complet d'informations en ligne, le "Info Live Marchés", propose une cartographie mentionnant le degré d'ouverture des frontières, les conditions logistiques et les évolutions réglementaires pays par pays.

Des webinaires pour des informations pays par pays

Et pour affiner encore davantage les informations, l'équipe a rapidement mis en place un cycle de webinaires gratuits orientés chacun sur une zone géographique spécifique. Les deux premiers (un sur l'Asie, l'autre sur l'Afrique) ont réuni chacun plus de 1.500 participants. "Nous prévoyons 150 autres colloques de ce type sur trois mois pour dresser en détail la situation des différents pays, détaille Christophe Lecourtier, nous toucherons ainsi entre 60.000 et 100.000 entreprises." Ces webinaires s'appuient sur les expertises marchés des services économiques des ambassades de France et acteurs de solutions référencés (les CCI de l'étranger et les opérateurs privés partenaires). "Nous avons besoin d'informations, notamment sur la situation financière des distributeurs de nos produits, car nous avons de grosses difficultés en matière de transports, avec des commandes que nous avons du mal à livrer, la Team France Export peut nous aider dans ce domaine", explique Frédéric Bardet, directeur du développement international de Thuasne, fournisseur de matériel médical orthopédique (basé à Levallois-Perret), qui prévoit une baisse considérable de son chiffre d'affaires, en partie réalisé à l'international.

L'information de la Team France Export peut aussi s'appliquer aux normes et autres réglementations. Elle a ainsi épaulé l'entreprise Tesalys, près de Toulouse. Spécialisée dans les solutions de traitement des déchets à risque infectieux, cette entreprise a été contactée par des importateurs chinois pour adapter ses machines au traitement des déchets issus du coronavirus. "Nous sommes connus et travaillons beaucoup à l'international mais pas encore en Chine, explique à Localtis Miquel Lozano, président de Tesalys. Deux machines sont parties là-bas dans le cadre de la crise, et la Team France Export nous a aidés sur la question de leur homologation."

Une digitalisation des contacts à l'international

Le confinement peut quelquefois avoir du bon en obligeant à adapter ses pratiques. Ainsi de l'utilisation des visioconférences pour entrer en contact avec de nouveaux prospects. "Nos équipes peuvent jouer le rôle d'intermédiation, présenter des produits et services à la place des entreprises et organiser des rendez-vous en visioconférences", souligne Christophe Lecourtier. Une présentation de vin du sud-ouest a ainsi été organisée au Japon sous cette modalité, les vignerons français pouvant commenter à distance les dégustations ! "Les équipes de la Team France Export organisent des rendez-vous en visioconférence pour nous, avec des prospects à Singapour ou Taïwan, témoigne Manon Saurel, du domaine de vins et spiritueux familial Montirius qui réalise son chiffre d'affaires à 50% par l'export, normalement nous faisons les rendez-vous sur place, là tout se fait en ligne, et cela se passe plutôt bien." A tel point que le domaine pense sérieusement à modifier, à l'issue de la crise, son mode de prospection en rendant systématique le rendez-vous en ligne avant de se rendre sur place. "Nous pouvons faire découvrir en direct le domaine, au milieu des vignes, c'est beaucoup mieux que de montrer seulement le produit ! Cela nous permet aussi de vérifier que le contact est vraiment intéressé et de ne pas perdre de l'argent et du temps pour le rencontrer chez lui, à l'étranger", souligne Manon Saurel, qui compte bien utiliser cette modalité pour entrer sur le marché russe.

Des études de marché pour ne pas perdre le "réflexe export"

Enfin, la Team France Export propose aux entreprises d'utiliser leur budget export pour anticiper leurs actions à l'international à travers la réalisation d'études de marchés sur une zone géographique ou un pays qu'elles souhaitent explorer. "Comme les entreprises ont plus de temps, avec l'arrêt d'une bonne partie de leurs activités, elles sont à l'écoute de cette offre rebond et ainsi on ne perd pas le 'réflexe export'", explique Hervé Holz.

Il est bien trop tôt pour entrevoir le bout du tunnel alors que cette crise a engendré un effondrement inédit de l'offre et de la demande. Alors que la question de l'interdépendance des chaînes d'approvisionnement et de production se pose dans de nombreux pays, l'avenir reste très incertain. "Il risque d'y avoir un ralentissement dans ces activités, une frilosité", estime Philippe Bagot, selon lequel les équipes de la Team France Export pourront continuer à jouer le rôle d'intermédiaire et de représentation à l’étranger en attendant le passage complet de la crise.

L'équipe travaille ainsi déjà sur la phase de relance avec l'État et les régions. "Il faudra faire vite, fort et simple, affirme Christophe Lecourtier, il ne faudra pas être les derniers à repartir !"