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Ressources humaines - Projet de loi sur les contractuels, à quoi peut-on s'attendre ?

Le ministre de la Fonction publique, François Sauvadet, a présenté la semaine dernière en Conseil des ministres le projet de loi sur les contractuels. Localtis vous avait alors proposé un tour d'horizon des principales mesures contenues dans ce texte élaboré après consultation des organisations syndicales (voir notre article ci-contre du 7 septembre). Or, nous ne disposions pas à ce moment précis d'un document très précieux dont on néglige trop souvent la lecture : "l'étude d'impact". Ce rapport, d'une soixantaine de pages, a été rédigé par les services ministériels  - probablement par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, DGAFP - , pour expliquer aux parlementaires quel est l'impact prévisible des mesures que le gouvernement leur propose d'adopter. Mais il y a un certain nombres de détails dans ce texte qui devraient intéresser au-delà des cercles parlementaires. Et en particulier les contractuels qui se demandent si ce texte fera évoluer leur situation, et à quelle échéance.

Un constat, deux réponses

Le rapport s'ouvre sur un constat partagé : les contractuels représentent aujourd'hui une part importante de la fonction publique (entre 800 et 900.000 personnes), en dépit des différents plans de titularisation. La part de non-titulaires a d'ailleurs augmenté ces dernières années passant de 14,4% des effectifs des trois fonctions publiques en 1998 à 16,5% en 2008. La territoriale est, en la matière, championne toute catégorie avec un agent sur 5 non-titulaire. De plus, le droit actuel ne parvient pas à empêcher des renouvellements abusifs de contrats à durée déterminée. Le rapport dresse ensuite la liste des motifs justifiant le recrutement de contractuels en distinguant trois cas : répondre à des besoins permanents, répondre à des besoins temporaires, et enfin tous les cas spécifiques prévus par les statuts particuliers. Citons pour exemple le recrutement de secrétaires de mairie dans les communes de moins de 1.000 habitants. Mais, globalement, les "motifs de recours au contrat sont insuffisamment définis dans le statut général" estime la DGAFP. Il n'y a par exemple pas de procédure précise s'agissant du recrutement des agents non-titulaires ou de la gestion des fins de contrats. De plus, la CDIsation mise en place en 2005, c'est-à-dire le fait de pouvoir transformer des CDD successifs en contrat indéterminé, demeure fragile juridiquement et soumise à des interprétations diverses.
Face à ces différentes difficultés, le gouvernement souhaite apporter une réponse immédiate aux agents en situation précaire (par les deux moyens que sont la titularisation ou la CDisation) d'une part, et éviter la reconstitution d'un volant excessif de non-titulaires en précisant les cas de recours au contrat et en harmonisant les durées des contrats dans les trois fonctions publiques, d'autre part.

Attendre de voir pour croire

Le dispositif de titularisation devrait donc concerner les agents contractuels dont l'emploi répond à un besoin permanent de l'administration et qui justifient d'une ancienneté totale de 4 ans (dont deux ans au moins avant le 31 mars 2011). La DGAFP souligne qu'il n'y a pas de condition de diplôme pour être titularisé, que ce mode d'accès au statut de fonctionnaire visera à "reconnaître l'expérience professionnelle" (p.23-24). Attention tout de même, pas de faux espoirs : cette mesure (comme d'ailleurs la CDIsation) devrait "être neutre en termes d'emploi public". "Le nombre d'agents éligibles sera déterminé dans le cadre de chaque administration en fonction de ses besoins afin d'éviter d'éventuels effets d'aubaine pour les agents ainsi que des situations de tension budgétaire pour les collectivités". Chaque employeur public aura "la liberté de déterminer le volume de titularisations afin de maîtriser sa soutenabilité en matière de gestion de ressources humaines". Le sujet sera discuté et voté au niveau local dans le cadre du comité technique puis de l'assemblée délibérante (rapport, p.36). En tout cas , il est hors de question que "la loi crée une obligation d'ouvrir autant de postes que de candidats potentiels" (rapport, p.32).
Ce mouvement de titularisation devrait avoir un impact financier limité pour les collectivités : concernant les rémunérations, la "mise en œuvre du dispositif se fera à coût constant" car "l'agent ne pourra se présenter qu'à des postes de niveau équivalent ou inférieur à celui qu'il occupe précédemment". Il pourrait seulement y avoir un surcoût, selon la DGAFP, sur les cotisations vieillesse et retraite (surcoût estimé à 200 millions d'euros dans l'hypothèse maximale de 130.000 agents territoriaux titularisés, rapport p.38). Le rapport souligne également la souplesse et le caractère économique de la procédure de sélection envisagée, avec une seule épreuve orale à passer.
Concernant les délais, il faut attendre pour voir les effets concrets de ce texte. Il y a tout d'abord le passage du texte devant les deux chambres puis la publication de deux décrets d'application (rapport, p.40). Ensuite, chaque collectivité déterminera son calendrier. Au total (titularisation et CDIsation), l'administration estime qu'il est "techniquement impossible" à ce jour de déterminer la population concernée.

Une réflexion sur la rémunération des contractuels

Au-delà de cette question de la titularisation, le rapport souligne le besoin en formation et en information des personnels non-titulaires. Ainsi, de nombreux contractuels ignorent qu'ils peuvent se présenter à la plupart des concours internes.
Le rapport annonce par ailleurs la volonté d'engager une "réflexion" sur la rémunération des contractuels, "selon des critères objectifs et harmonisés entre les trois fonctions publiques" (rapport, p.30). A plus court terme, si la loi est adoptée en l'état, les contractuels et leurs services ressources humaines devraient surtout voir un changement concernant les durées de contrats . Actuellement dans la fonction publique territoriale, les contrats pour répondre à un besoin temporaire sont de 3 mois renouvelables une fois dans le cas général. La durée pourrait passer à 12 mois pour faire face à un "accroissement temporaire d'activité", six mois pour les "besoins saisonniers". Mais surtout, ce texte devrait clarifier la législation en vigueur pour que les acteurs locaux sachent clairement quand, pour combien de temps et sur quels postes ils peuvent recruter des contractuels… ce qui n'est pas le cas actuellement.
La deuxième partie du projet de loi est consacrée à des dispositions diverses concernant l'ensemble de la fonction publique. L'étude d'impact détaille le contenu de chacun des articles. On lira en particulier avec attention les modifications statutaires visant à faciliter les détachements : le gouvernement semble revenir partiellement sur un point de la loi Mobilité qui avait aboli la comparabilité des corps en fonction des indices pour apprécier la "nature des missions" (rapport p.46 à 62). L'objectif est toujours de faciliter les mobilités inter-corps ou cadre d'emploi, y compris entre des filières métiers différentes mais en revenant à une étude statutaire.
Enfin, pour la pointe d'humour administratif du rapport, il ne faut pas manquer deux paragraphes. Premièrement, celui de la page 53 où le gouvernement s'inquiète du phénomène d'évasion des conseillers d'Etat de leur prison dorée du Palais-Royal. Deuxièmement, la justification page 63-65 de l'article 62 de la loi qui permettrait, s'il est adopté en l'état, aux contractuels de travailler jusqu'à 67 ans, et même de confier à des septuagénaires des activités temporaires. Les employeurs publics pourraient ainsi "faire appel, de manière souple, à des compétences particulières". Des exemples ? Rédaction d'études, rapports d'expertise ou participation à un jury de concours…. L'histoire ne dit malheureusement pas si des contractuels septuagénaires pourront décider un jour de la titularisation de leurs petits-enfants !