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Réforme de l'Etat local - Qui a vu la RGPP ?

La révision générale des politiques publiques a quatre ans. On n'est pas très grand à quatre ans, mais déjà suffisamment pour produire quelques effets sur son entourage. Une mission sénatoriale vient d'entamer des travaux sur les conséquences de la RGPP pour les collectivités.

Lancée en 2007, cette politique visant à la modernisation de l'Etat se compose de 300 réformes, complétées en juin 2010 par l'annonce de 150 nouvelles mesures. Il serait curieux qu'un mouvement d'une telle ampleur n'ait pas quelques effets sur les collectivités territoriales. Mais lesquels précisément ? Que perçoivent les régions, les départements et les communes de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ? C'est à ces questions que la mission sénatoriale sur les conséquences de la RGPP pour les collectivités territoriales doit répondre. Ses travaux viennent de commencer par trois auditions ce 9 février : celles de Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), de Bruno Bourg-Broc, président de la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) et de Philippe Richert, ministre chargé des Collectivités et ancien président de la région Alsace.

"Les préfets de département sont les sous-préfets du XXIe siècle"

Premier constat : les collectivités n'ont pas été consultées lors du lancement de la RGPP. Claudy Lebreton le regrette, mais "comme il s'agissait avant tout d'une réforme de l'Etat, le gouvernement avait alors répondu que les collectivités n'étaient pas concernées". Quoi qu'il en soit, pour le président de l'ADF, une réforme des services déconcentrés était nécessaire. Il y avait urgence à adapter l'Etat local à la nouvelle donne qu'est la décentralisation. Sur le terrain, les départements "commencent tout juste à voir la RGPP. Il est encore tôt pour faire un bilan, on sentira vraiment les effets dans cinq ans". Au point qu'il est difficile de voir cette fameuse RGPP au-delà des nouvelles plaques sur les murs des DDE devenues directions départementales des territoires (DDT) ?
Certes, "les préfets de département [désormais sous l'autorité des préfets de région, ndlr] sont les sous-préfets du XXIe siècle", constate le président de l'ADF. Mais de toute façon, "les préfets sont d'abord des partenaires des départements". Que ce soit le préfet de département ou le préfet de région qui ait la main est finalement de peu d'importance. L'essentiel est d'avoir un "rapport de force intelligent et constructif avec ses interlocuteurs", d'être "toujours dans la négociation et la concertation". RGPP ou pas, pour les routes des Côtes-d'Armor, il est de toute façon inutile d'appeler le préfet des Côtes-d'Armor, c'est le préfet de la région Bretagne qui a le pouvoir. Autant éviter de déranger le premier pour rien. 
Sur le contrôle de légalité, Claudy Lebreton n'avait "pas d'attente", ce qui lui évite d'être déçu. Si ce n'est en matière de conseil juridique, mais celui-ci "a disparu depuis longtemps". De toute façon, ajoute-t-il, en matière de compétences juridiques, "on a de meilleurs agents qu'eux".
C'est d'ailleurs pourquoi plusieurs départements sont en capacité de reprendre la place laissée vacante par les services de l'équipement en matière d'ingénierie publique. Le président de l'ADF plaide donc pour un contrôle de légalité aléatoire, qui prendrait acte de la maturité juridique des collectivités : "On n'est plus dans la situation de liberté surveillée de 1982." Quant aux relations avec les services déconcentrés hors préfecture, tout est là aussi question de personnel. "Bien sûr, les Ddass sont réduites à peau de chagrin. Et ce n'est pas nouveau. Mais chez nous on a réglé le problème : l'ancien directeur adjoint de la Ddass, je l'ai recruté. D'ailleurs, les préfets et sous-préfets sont de plus en plus nombreux à passer dans la territoriale." Un point de vue repris un peu plus tard par Gérard Bailly, sénateur UMP du Jura : "Les bons agents de catégorie A de l'Etat viennent dans nos collectivités." Ou partent en préfecture de région, là où désormais se prennent les décisions.

"Le pire, c'est l'effet domino"

Tout autre son de cloche du côté des maires des villes moyennes. Pour la FMVM, le plus important dans la RGPP n'est pas la réforme des services administratifs mais la multiplication des fermetures de services publics : fermetures d'hôpitaux, de casernes, de prisons, de tribunaux, menace sur les effectifs des sous-préfectures... Ainsi, pas de doute, Serge Gloaguen, maire de Digne-les-Bains (18.000 habitants), l'a vue, lui, la RGPP. En deux ans, sa ville a fait face à la fermeture de son tribunal de commerce, de son tribunal des affaires sociales, de plusieurs services à l'hôpital… et le "coup de grâce a été d'apprendre par la presse la fermeture de la maison d'arrêt à l'horizon 2015". Si, certes, "le train de vie de l'Etat doit être réduit", explique cet ancien expert-comptable, "quand tout s'abat sur une même ville, c'est très dur". Déplorant d'avoir le sentiment d'être "baladé", ce maire demande donc avant tout une parole cohérente : "Que l'Etat nous dise clairement ce qu'on peut faire ou pas, sans minimiser les conséquences de chacune de ces fermetures."
Car toutes ces fermetures ont des "effets en cascade", a complété Bruno Bourg-Broc, président de la FMVM : "L'emploi public a des conséquences directes sur l'emploi privé", et "fermer une maison d'arrêt ou un tribunal, c'est fragiliser un commissariat déjà menacé". Bref, pour le maire UMP de Châlons-en-Champagne, "ne pas remplacer un fonctionnaire qui part en retraite sur deux, d'accord, mais à condition d'avoir une politique intelligente de l'aménagement du territoire". Car les villes moyennes "se sentent profondément démunies face à cette hémorragie de services publics qui menace leur avenir".

"La Datar doit reprendre du poil de la bête"

Sans transition, la mission auditionnait ensuite Philippe Richert, tout jeune ministre des Collectivités, conseiller général du Bas-Rhin depuis 1982 et ancien président de la région Alsace. Pour lui, "la RGPP progresse de façon harmonieuse avec la réforme des collectivités territoriales". L'important est d'assurer un "meilleur service aux usagers" et d'adapter les missions de l'Etat au XXIe siècle : "Pas la peine de se battre pour des cabines téléphoniques quand on a besoin de haut débit." Le ministre "n'a pas eu retour de frustrations d'élus qui après la réorganisation des services de l'Etat ne trouveraient pas leurs interlocuteurs ou seraient obligés de se déplacer à la préfecture de région". "A titre personnel", Philippe Richert trouve que "nous avons gagné en efficacité". Il y a certes des "préfets de département qui ont un peu de mal avec leur nouveau rôle", mais ils conservent des compétences propres par exemple de maintien de l'ordre. Quant aux sous-préfets, ils "semblent, en Alsace, bien dans ce rôle d'animateur du développement des territoires". "C'est vrai que les fermetures de services publics posent problème lorsque c'est cumulatif", a reconnu le ministre. Le gouvernement a travaillé "par colonne" et "la coordination n'a pas été à [son] avis à la hauteur de ce qu'elle aurait pu être". C'est pour cette raison que le gouvernement "a demandé à la Datar de reprendre du poil de la bête pour mieux coordonner les différentes politiques".

Mais au fait, c'est quoi la RGPP ?

Les auditions se sont conclues sur ce problème de coordination de l'action gouvernementale. Cependant, le président de la mission, François Patriat (PS, Côte-d'Or) a dû rester sur sa faim : pendant les trois heures d'audition, il a répété inlassablement qu'il souhaitait comprendre quels étaient les effets concrets des réorganisations administratives de l'Etat sur les collectivités, si effectivement il y avait eu économies, et si le service rendu à la population était meilleur. Mais personne n'a pu vraiment lui répondre.  Michèle André (PS, Puy-de-Dôme), qui a publié à l'automne un rapport parlementaire très riche observant la RGPP de l'intérieur des préfectures (voir notre article du 20 octobre 2010), a dû répéter à plusieurs reprises "que la RGPP était là et bien là". Mais en toute fin de séance, Adrien Gouteyron (Haute-Loire, UMP), s'adressant à Philippe Richert, a peut-être mis le doigt sur l'essentiel : "De la RGPP, le public ne retient que deux choses : l'éloignement des services et la suppression d'un fonctionnaire sur deux. C'est très réducteur. Tout n'est pas défendable, tout n'est certainement pas utile, mais il faudrait, en cette période de turbulences, rappeler l'esprit de la RGPP." Soit entre les deux mots d'ordre retenus par le public et les 450 mesures annoncées, rien de moins que préciser le champ et les objectifs de la RGPP aujourd'hui. Un exercice pas seulement rhétorique et qui aurait l'avantage d'aider la mission à savoir sur quoi porter son regard. Les prochaines auditions doivent avoir lieu mercredi 16 février.

 

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