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Restauration de Notre-Dame : l’Assemblée rétablit le régime dérogatoire en commission

Après l’échec de la commission mixte paritaire, le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris devrait poursuivre son chemin de croix, en nouvelle lecture, devant l’Assemblée nationale lors de la séance du 2 juillet. Le passage en commission, ce 26 juin, a d’ores et déjà permis aux députés de rétablir pour l’essentiel leur version du texte, notamment le controversé régime dérogatoire de l’article 9, duquel ont toutefois été retranchées les règles en matière de commande publique et de construction. 

La commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale a adopté, ce 26 juin, le projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet, examiné en nouvelle lecture après l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) réunie le 4 juin dernier. Sur les dix articles que comportait le texte initial pour répondre au défi de reconstruction en cinq ans de l’édifice incendié, seul l’article 6 a été adopté conforme par le Sénat, qui a en revanche supprimé le régime dérogatoire aux règles d’urbanisme et d’environnement prévu par l’article 9 et ajouté deux articles additionnels. L’autorisation à légiférer par ordonnance figurant à l’article 9 a en effet focalisé les critiques, en l’absence de diagnostic précis des dégâts engendrés par l’incendie et surtout compte tenu du manque de précision sur la nature exacte et l’ampleur des dérogations envisagées. Sans surprise, la commission a rétabli cette disposition controversée, tout en retirant du champ des adaptations et dérogations les règles en matière de commande publique et de construction, tandis que les groupes politiques de tous bords exprimaient leurs réserves. La rapporteure, Anne Brugnera (LREM), a rappelé les engagements pris en séance afin d’encadrer plus strictement le recours aux ordonnances (prévues aux articles 8 et 9), en particulier via la création d’une mission d’information chargée d’en assurer la préparation et le suivi.

Contours de l'établissement public ad hoc

Sur la création (par ordonnance) de l'établissement public dédié aux travaux de restauration de la cathédrale, la commission a également rétabli pour l’essentiel le texte adopté par l’Assemblée, reprenant les missions retenues par les députés (art. 8). Si le placement de l’établissement sous la tutelle du ministre de la Culture est conservé, la rapporteure n’a pas jugé utile d’associer à sa gouvernance le Centre des monuments nationaux, en sus des représentants de la Ville de Paris et du diocèse, "au risque d’alourdir le mode de fonctionnement de l’établissement". La commission renvoie par ailleurs à un décret la composition du conseil scientifique placé auprès du président de l’établissement et supprime l'accord préalable obligatoire de ce conseil sur les études et opérations de restauration, "en pratique très difficile à mettre en œuvre". Le principe d’une dissolution de l’établissement dès l’achèvement des travaux est lui aussi retranché du texte. La dérogation relative à l’âge des dirigeants dudit établissement réintroduite. 

Aménagements des abords

À l’article 2, qui définit la destination de la souscription nationale, la commission a là encore réintroduit la version de l’Assemblée, en supprimant des précisions jugées superflues ajoutées par le Sénat (notamment la référence au patrimoine mondial de l’ONU). De même, s’agissant des exigences en matière de communication sur l’emploi de matériaux différents de ceux en place avant le sinistre, considérées à ce stade  "prématurées dans la mesure où la phase de diagnostic du bâtiment n’est pas encore achevée". La date du 16 avril est réintroduite pour l’ouverture de la souscription en cohérence avec l’annonce faite par le président de la République dès le lendemain de l’incendie. Le texte rétablit également la possibilité, supprimée par le Sénat, que le recueil et la gestion des fonds versés dans le cadre de la souscription, ainsi que leur contrôle, relèvent de l’État "ne serait-ce que dans l'attente de la création d'un établissement public à cet effet", justifie la rapporteure (art. 3 et 7). La commission est aussi revenue sur le caractère systématique des conventions entre le Centre des monuments nationaux ou les fondations reconnues d’utilité publique et l’établissement public ad hoc. La question de l'aménagement des abords de la cathédrale a resurgi à la faveur d’un amendement socialiste qui permet également d'y flécher le produit des dons et versements affectés aux fondations afin de pouvoir procéder, durant les travaux, "à des installations d’accueil du public, de présentation des collections et du chantier". L’article 8 bis - introduit au Sénat- qui prévoyait la présentation, à l’automne, d’un projet de loi de programmation de redressement des crédits et effectifs publics affectés à la restauration de la cathédrale est quant à lui supprimé. 

Suppression malencontreuse du régime fiscal attractif des donations

Sur proposition de la commission des finances - saisie au fond des articles 4, 5 et 5 bis -, les éléments introduits au Sénat sur le traitement budgétaire et comptable des versements effectués par les collectivités territoriales dans le cadre de la souscription nationale ont été ôtés du texte. Pour la rapporteure Marie-Ange Magne, ils ont vocation à être précisés par voie d'instruction budgétaire et comptable. Les députés ont par ailleurs maintenu la suppression de l’article 5, retranché du texte en commission des finances la veille, faute de majorité, suite à l’adoption d’un amendement porté par Charles de Courson (Libertés et territoires), avec le soutien de la gauche et du Modem. Cet article clef sur le régime fiscal des donations des particuliers - qui leur permet de bénéficier d'un taux de réduction d’impôt sur le revenu de 75% dans la limite de 1.000 euros - devrait en toute logique réapparaître en séance dans l’hémicycle.