Restauration, transports, industrie… les difficultés de recrutement au plus haut

Alors que les créations d’emplois continuent d’être dynamiques, les entreprises françaises se disent toujours confrontées à d’importantes difficultés pour recruter leurs futurs collaborateurs.

Si le taux d’emplois vacants, toujours élevé en 2022, confirme le dynamisme de l’économie française, l’impatience se fait jour au gouvernement : le 12 septembre, Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion, lançait les huit chantiers de la feuille de route de l’exécutif destinée à réduire le chômage tout en répondant aux besoins de personnel des entreprises (voir notre article). Pour passer à la vitesse supérieure, le ministère a même chargé Pôle emploi de constituer des "viviers" de candidats employables rapidement dans les secteurs les plus en difficulté.

Et pour cause, 84% des entreprises anticipent des difficultés de recrutement pour le troisième trimestre 2022, soit 30 points de plus qu’en septembre 2020, selon le baromètre Apec (Agence pour l’emploi des cadres) paru début septembre.  En 2021, les tensions sur le marché du travail avaient déjà atteint leur plus haut niveau depuis 2011, selon la Dares : 7 métiers sur 10 sont fortement, voire très fortement concernés par cet enjeu. L’an dernier, c’est avant tout la forte intensité des embauches qui a joué, selon l’analyse de l’institut statistique du ministère du Travail. Les difficultés se sont notamment accrues dans l’industrie et le bâtiment, deux secteurs déjà concernés avant la crise. Idem pour le métier d'infirmier.

L’hôtellerie-restauration, les transports et l’industrie à la peine

La Dares souligne que dans l’industrie, où la quasi-totalité des métiers sont en tension, "les disparités géographiques de l’offre et de la demande sont le plus souvent importantes et les tensions peuvent varier d’un territoire à un autre". En Auvergne Rhône-Alpes, 52% des établissements de ce secteur indiquent avoir rencontré davantage de difficultés en 2021, selon la direction régionale de Pôle emploi.

Dans l’hôtellerie-restauration, la crise sanitaire a marqué un tournant qui concerne de nombreux territoires français. "À l’été 2022, les postes qui étaient occupés avant le Covid n’ont pas tous été pourvus. On se demande où sont passés les salariés qui travaillaient dans ce secteur jusqu’à la crise sanitaire", s’interroge Jean-Luc Lamoure, responsable d’affaires publiques à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nouvelle-Aquitaine.

En amont de la rentrée, la situation du transport scolaire a suscité de fortes inquiétudes. Cet été, la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) estimait en effet à 8.000 le manque de conducteurs de cars. Si la situation a finalement pu être gérée, via des réaffectations de conducteurs dédiés habituellement à d’autres activités ou des réorganisations de circuits opérés avec les régions, l’organisation alerte sur le fait que ces solutions ne sont "pas viables" à long terme. Keolis, Transdev comme la RATP développent désormais l’apprentissage. Une manière de toucher une cible de candidats plus jeunes, qu’ils n’avaient pas l’habitude de recruter car ils ne disposaient pas du permis D.

"Aller vers", recrutement par simulation…

Pour répondre aux besoins des employeurs, les démarches visant à "aller vers" les personnes en recherche d’emploi sont mobilisées. C’est le cas de la Place de l’emploi et de la formation, financée par le Plan d’investissement dans les compétences. Initié par Pôle emploi, ce village itinérant poursuit sa route cet automne sur les routes d’Auvergne-Rhône-Alpes pour aller à la rencontre des publics, inscrits ou non à Pôle emploi. Objectif : permettre à tous d’accéder facilement à des informations sur l’emploi et la formation, de bénéficier de conseils et de rencontrer des entreprises recrutant en proximité.

En Normandie, on continue de réduire la distance entre chômeurs et recruteurs, à travers des techniques de recrutement par simulation. Début 2022, les agences rouennaises de l'opérateur public ont lancé le projet de "restaurant éphémère", en partenariat avec l’Union des métiers et industries de l’hôtellerie. Le principe : permettre aux demandeurs d’emploi de longue durée de servir un repas à une poignée de restaurateurs qui seraient susceptibles de les recruter. Les candidats ayant réussi ce service test accèdent ensuite à des entretiens avec les recruteurs présents.

En Bretagne, État, région et CCI ont lancé de concert, en février 2022, le dispositif AREDeM (Agir pour le recrutement d’emplois durables dans le Morbihan) dédié à l’insertion des demandeurs d’emploi de longue durée. Tandis que le service public de l'emploi va chercher les candidats, la CCI du Morbihan présente les métiers, mobilise les entreprises, organise les rencontres avec les candidats voire participe à leur intégration. Des "formations adaptation" de courte durée sont aussi utilisées. Expérimentée en 2020, l’opération "Escales métiers" s’est élargie cette année à d’autres secteurs en tension.

  • Le pari du recrutement sans CV

Une tendance se distingue par ailleurs de plus en plus dans le paysage national : le recrutement sans CV. Un concept plébiscité par de grands groupes tels Thales, qui entend embaucher 250 personnes en Ille-et-Vilaine, ou Accor, qui a organisé au mois de juin 2022 une série de journées de recrutement sans CV à Bordeaux, Lyon et Paris. Plus que les diplômes, ce sont les "soft skills", les motivations et la disponibilité des candidats qui sont ainsi appréciés lors de ces entretiens pas comme les autres. Une stratégie permettant de toucher un public plus large et d’accélérer le processus de recrutement.