RSA recentralisé : derrière le soutien des sénateurs, des départements "qui n’en peuvent plus" financièrement

Les sénateurs ont adopté le principe de la prolongation de l’expérimentation qui recentralise le financement du RSA dans trois départements. Un geste en soutien à ces trois collectivités qui révèle aussi le besoin de solutions face au coût de cette aide sociale dans les dépenses locales. 

Adopté par les sénateurs en début de semaine, le projet de loi de finances 2026, qui fera l’objet d’une commission mixte paritaire vendredi 19 décembre, prévoit de prolonger l’expérimentation qui "recentralise" le financement du RSA. Depuis 2022, trois départements métropolitains, la Seine-Saint-Denis, l’Ariège et les Pyrénées-Orientales, testent la formule que trois amendements ont prolongée de cinq ans, jusqu’en 2031.

Pour rappel, cette expérimentation prévoit que l’État prenne en charge le RSA à hauteur de la moyenne des dépenses sur les trois dernières années de référence dans les départements concernés, mais en contrepartie d’une reprise par l’État d’un pourcentage des ressources de ces derniers ainsi que d’un investissement supplémentaire dans les politiques d’insertion. 

Début décembre, la question du devenir de ce test s’est invitée dans le débat budgétaire. Deux sénateurs directement concernés sur leur circonscription, l’élu centriste de la Seine-Saint-Denis Vincent Capo-Canellas ainsi que le membre du parti Les Républicains Jean Sol pour les Pyrénées-Orientales, ont défendu la prolongation de l’expérimentation prévue jusqu’ici pour se terminer au 31 décembre 2026.  

Des départements pilotes "gagnants"

Et pour cause. Les dépenses de RSA des trois départements concernés étant plus élevées que leurs ressources, l’opération s’est révélée "gagnante" dans leur cas. Dans un rapport publié en novembre 2025 sur la situation financière des départements, la Chambre régionale des comptes de l’Occitanie, souligne que l’Ariège et les Pyrénées-Orientales ont "fortement diminué leurs dépenses en matière d’aides directes" grâce à cette "recentralisation".

Dans un contexte où la crise sanitaire a frappé les recettes des départements et en particulier leurs droits de mutation à titre onéreux (DMTO), "cette recentralisation a eu un impact significatif sur leur exposition au risque de retournement économique ainsi que sur leurs équilibres budgétaires", soulignent les auteurs. 

L’État, lui, a donc dû payer une partie de la facture : 35 millions d’euros en 2022 et 68 millions d’euros en 2023, selon un rapport du Sénat datant de l’an dernier (lire notre article).

Visibilité budgétaire 

L’anticipation dont font preuve les sénateurs pour prolonger une expérimentation qui ne prend fin que dans un an est donc sans surprise saluée par le département de la Seine-Saint-Denis. Désireux de "sanctuariser l’expérimentation dès ce PLF", il réclame une "lisibilité dans les recettes et les dépenses à venir", nous indique-t-il par mail. Grâce à cette expérimentation, la Seine-Saint-Denis a pu "repenser en profondeur sa politique d’insertion" et a plus que doublé ses crédits dédiés à cette politique. 

"Le premier bilan réalisé dans le cadre d'un contrôle budgétaire par nos collègues Éric Bocquet et Arnaud Bazin (lire notre article) fait état du succès de cette expérimentation qui a permis, faut-il le rappeler, le renforcement des ambitions et des moyens de nos départements expérimentateurs et surtout un meilleur pilotage territorial des politiques d'insertion", a aussi souligné Jean Sol lors des débats début décembre, rappelant le caractère "transpartisan" de ce soutien. 

L’Yonne veut rejoindre l’expérimentation

Alors que le chômage ne diminue plus et que les finances des départements sont dans le rouge, d’autres sénateurs ont exprimé leur intérêt pour un élargissement de l’expérimentation ou à tout le moins le besoin de trouver enfin une solution au problème du financement du RSA. Car les départements "n’en peuvent plus", comme l’a souligné la sénatrice communiste de la Loire, Cécile Cukierman. 

Outre le socialiste et élu de la Sarthe Thierry Cozic, à l’origine de l’un des amendements, le sénateur Renaissance de l’Yonne Jean-Baptiste Lemoyne s’est lui aussi exprimé en faveur de l’élargissement de l’expérimentation à d’autres départements, la qualifiant de "bouffée d’oxygène". 

Le président divers droite de l’Yonne, Grégory Dorte, a envoyé en décembre un courrier à Matignon demandant de rejoindre l’expérimentation en raison du coût "exorbitant" du RSA (60 millions d’euros) dont 50% n’est pas compensé par l’État, souligne-t-il auprès de Localtis : "On est vraiment dans une logique de guichet et les départements sont peu associés aux évolutions du dispositif. Si je ne décide de rien, je ne veux plus payer."

Un groupe de travail État-Départements

Lors du vote, le ministre délégué auprès de la ministre de l’Action et des Comptes publics, David Amiel, a reconnu le besoin d’une "réforme structurelle des compétences sociales" pour "l’ensemble du territoire". 

Après avoir annoncé un projet de loi sur l’allocation sociale unique (lire notre article), le Premier ministre Sébastien Lecornu s’est engagé, dans un courrier adressé aux départements, à aborder la "recentralisation" du financement du RSA dans le cadre d’un groupe de travail Etat-départements. Alors qu’aux Assises de Départements de France à Albi, il semblait pourtant vouloir évacuer la question (lire notre article). 

Qu’en sera-t-il ? Sur LinkedIn et X, la ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel, a en tout cas affiché ce point de discussion lors de sa rencontre, vendredi 12 décembre, avec le président du département de la Loire-Atlantique, Michel Ménard. 

 

 

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