Sécurité : quand les collectivités renvoient la balle à l'État

Réunir le CLSPD annuellement et tirer au même rythme le bilan de ses actions, évaluer la convention de coordination entre la police municipale et les forces de l'État… les recommandations adressées par la chambre régionale des comptes (CRC) du Centre–Val de Loire à la ville d'Orléans sur sa police municipale valent sans doute bien au-delà de ce cas d'espèce. Comme doivent également être partagées les sources de préoccupations de la ville mises en avant par le maire dans sa réponse à la CRC, lesquelles renvoient souvent la balle vers l'État. Au premier rang, le manque d'effectifs de la police nationale.

La chambre régionale des comptes du Centre–Val de Loire vient de publier un rapport, globalement positif, sur la police municipale d'Orléans, avec pour principal bémol "un pilotage des instances partenariales perfectible". L'avis ne manquera pas d'intéresser au-delà du cercle loirétain, tant les recommandations adressées par la chambre à la ville ont sans doute une portée nationale. Ne serait-ce que parce que trois d'entre elles concernent directement l'État.

De la nécessité de réunir le CLSPD et de tirer le bilan de ses actions…

Sur les quatre recommandations émises, deux concernent le fonctionnement du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), instance à laquelle le ministre François-Noël Buffet entendait récemment "redonner plus de muscle", considérant que les CLSPD avaient "trouvé une forme de limite" (lire notre article du 11 avril). Première d'entre elles : "réunir le CLSPD en formation plénière au moins une fois par an" – soit le rythme fixé par les textes (la CRC pointe le fait qui ne l'a été "qu'à deux reprises entre 2019 et 2024", une nouvelle réunion s'étant depuis tenue en juillet). Une recommandation a priori d'importance, puisqu'alors secrétaire général du CIPDR, Frédéric Rose, désormais préfet des Yvelines après avoir été le conseiller sécurité d'Emmanuel Macron, enseignait que le succès de cette instance repose beaucoup sur l’engagement des élus et des référents, et à la condition qu’ils soient réguliers et "très opérationnels" (lire notre article du 31 janvier 2020). La CRC relève néanmoins qu'en l'espèce, "les partenaires privilégient la formation restreinte", peut-être plus propice à cette "opérationnalité".

Deuxième recommandation, d'évidence : "réaliser un bilan annuel des actions engagées" par ce même CLSPD, ce que prévoit d'ailleurs son règlement intérieur. Le maire d'Orléans s'y engage, non sans souligner "que la qualité et la portée de ce bilan dépendent également de l'implication de l'ensemble des partenaires, notamment les services de l'État […]". 

… comme d'évaluer annuellement la convention de coordination avec l'État 

Dans la même logique, la CRC recommande de "procéder à une évaluation annuelle de la convention de coordination [des interventions] entre la police municipale et les forces de l'État" et "a minima, lors de chaque renouvellement". Là encore, dans sa réponse, le maire opine, tout en renvoyant la balle à son partenaire : "Nous devons faire part de notre préoccupation majeure concernant les effectifs de la police nationale à Orléans", en observant que "cette évolution s'inscrit dans une tendance nationale plus large de pénurie d'effectifs policiers" (voir encadré ci-dessous), conduisant la police municipale à assurer "de plus en plus de missions complémentarité directe, parfois en substitution, avec la police nationale". Une crainte régulièrement exprimée lors des différentes réunions du Beauvau des polices municipales. 

Un manque d'effectifs qui, sans nécessairement conduire à la "substitution" des forces, n'est pas sans compliquer le quotidien des policiers municipaux. Dans son rapport, la CRC relève ainsi les "difficultés" évoquées par les services de la police municipale "pour contacter la DIPN et obtenir la communication des informations contenues dans les fichiers lors des contrôles conduits sur la voie publique". Elle note encore que "l'accès au réseau police nationale n'est toujours pas effectif et que les instructions des OPJ territorialement compétents s'avèrent très variables". Et de conclure que "malgré les ambitions affichées en termes de lutte contre la délinquance, les prérogatives de la police municipale restent limitées, notamment en raison de l'impossibilité de recourir à la procédure des amendes forfaitaires délictuelles". Un plaidoyer que ne renierait sans doute pas François-Noël Buffet.

Derrière les bureaux ou sur le terrain ?

Dernière recommandation de la CRC, toujours dans la même veine, "renforcer les outils et indicateurs de suivi de l'activité de la police municipale". Si le maire indique là-encore partager l'objectif, il met en exergue la difficulté d'améliorer les outils de pilotage "sans renfort de moyens administratifs dédiés", "difficile à réaliser dans le contexte budgétaire actuel et compte tenu des ponctions, déjà réalisées en 2025 et annoncées par l'État sur les finances des collectivités en 2026". Et de faire valoir que "la municipalité, jusqu'à présent, fait le choix de prioriser l'action sur le terrain". Ultime coup de pied de l'âne, l'explication, "en partie", de "la hausse du nombre de personnes en situation de vagabondage ou de mendicité sur l'espace public" constatée par le rapport par "les transferts de personnes opérés par l'État depuis Paris vers des grandes villes de province en amont et à la suite des Jeux olympiques de Paris". Serge Grouard avance "plus de 700 personnes, souvent en situation irrégulière" ainsi transférées, dont un certain nombre restent en centre-ville "sans solution pérenne".

› Manque d'effectifs de policiers nationaux partout en France, et singulièrement à Nice ?

Le maire d'Orléans n'est, loin s'en faut, pas le seul à déplorer le manque d'effectifs de la police nationale. Parmi d'autres, son voisin blaisois s'en était naguère ému auprès du ministre de l'Intérieur dans un courrier largement rendu public (lire notre article du 12 décembre 2024). Non sans résultat, puisque 18 nouveaux policiers ont récemment rejoint les commissariats de Blois et Vendôme. Un événement que la préfecture ne manquait pas de célébrer en organisant, le 1er septembre dernier, une réception officielle en ses salons pour accueillir ces nouveaux agents. "Dix-huit policiers, cela dépasse toutes mes espérances !", confessait alors le procureur de la République auprès de la Nouvelle République, le journal local. La ville de Nice connaîtra-t-elle le même succès ? Ce 25 septembre, son maire a officiellement saisi le Premier ministre face aux manques de policiers nationaux, mais aussi d'agents pénitentiaires et de personnels hospitaliers dans sa ville. Une pénurie qu'il explique par une situation singulière et "anormale" : alors que le coût de la vie niçoise "est supérieur de plus de 12% à la moyenne nationale, directement lié à un marché immobilier parmi les plus tendus de France, Nice n'est pas reconnue comme une zone où la vie est chère", l'État n'ayant "pas classé notre territoire parmi ceux ouvrant droit à une indemnité de résidence renforcée". Et de demander en conséquence au Premier ministre, dans le budget 2026, "d'examiner le passage de l'indemnité de résidence de 1 à 3% pour les fonctionnaires d'État des Alpes-Maritimes". 

 

 

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