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Social / Emploi - Services à la personne et prévention de la perte d'autonomie : un rapport appelle à plus de coordination

Comment mieux coordonner les efforts de soutien aux services à domicile et les politiques dédiées à l'accompagnement des publics fragiles et, en particulier, des personnes âgées en perte d'autonomie ? Un rapport examiné le 9 décembre par le comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale fait le point sur l'état des questionnements et formule 15 propositions, dont certaines font débat au sein même de la mission parlementaire.

Le 10 juillet dernier, la Premier président de la Cour des comptes remettait au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale son rapport sur "Le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie" (voir notre article du 11 juillet 2014). Ce dernier mettait notamment l'accent sur l'absence d'articulation entre les objectifs de soutien à l'emploi et de solidarité en direction des publics fragiles. Le rapport pointait aussi un "impact sur l'emploi limité" des aides sociales et fiscales destinées à soutenir le secteur.
Suite à la remise de ce rapport et pour mener à terme la mission d'évaluation que le CEC leur avait confiée en décembre 2013, les députés Martine Pinville (socialiste, Charente) et Bérengère Poletti (UMP, Ardennes) ont animé un groupe de travail parlementaire dont ressort un rapport final d'"évaluation du développement des services à la personne", examiné par le CEC le 9 décembre.

Le "coût net" des aides aux services : une donnée manquante

En conclusion, le "bilan" est "contrasté". Reprenant les analyses de la Cour des comptes, les deux députées mettent en avant le "coût brut élevé" des aides sociales et fiscales destinées à soutenir les services à la personnes, qui a "plus que doublé depuis 2003". Toutefois, cette dépense de 6 milliards d'euros "engendre aussi des recettes" pour l'Etat et la sécurité sociale et permet de créer des emplois. Afin de mesurer l'efficacité de ces aides, il est nécessaire de prendre en compte ces impacts positifs et de raisonner en "coût net", ce que les données disponibles ne permettent actuellement pas de faire.
A partir de ce constat, les deux députées ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur une même ligne de préconisations. Si Martine Pinville propose de "réserver aux personnes dépendantes les aides publiques liées aux services à domicile 'de confort'", tels que des travaux de jardinage ou des cours à domicile, Bérengère Poletti appelle à "la plus grande prudence". "Selon la direction générale des entreprises, exclure les services de confort ne permettrait en effet que de très faibles économies tout en favorisant le travail informel", peut-on lire dans le rapport. Bérengère Poletti estime donc qu'il est nécessaire d'"évaluer le coût net des aides publiques pour chaque activité de service à la personne" avant toute "modification de la liste des activités aidées sur l'emploi dans les secteurs concernés".

Aides aux familles et prise en charge de la dépendance : ne pas tout mélanger ?

En outre, alors que la députée de Charente préconise de "réorienter" les crédits et réductions d'impôts vers ceux "qui en ont le plus besoin" - et, notamment, vers les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) -, son homologue des Ardennes appelle en revanche à "conforter" ces aides fiscales "dans leur logique incitative créatrice d'emplois dans un contexte de crise économique". A en croire le rapport, les débats ont été vifs entre ses deux auteurs : "Mme Bérengère Poletti ne souhaite pas s'associer à une politique de démantèlement de la politique familiale pour financer la prise en charge de la dépendance qui doit bénéficier d'une politique et de moyens dédiés." Les deux députées se rejoignent en revanche sur le "ciblage" des exonérations de cotisations sociales sur les personnes âgées d'au moins 80 ans et les personnes en perte d'autonomie (GIR 5).
Ces deux approches - le "ciblage" ou l'"universalité" des aides - font écho aux débats parlementaires récents à l'issue desquels l'élargissement de l'exonération de charges sociales de 0,75 à 1,5 euro par heure travaillée a finalement été réservé – dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 et selon l'avis du gouvernement – au seul cas de la garde d'enfants de 6 à 14 ans (voir notre article du 27 novembre 2014).

Des "passerelles" pour renforcer l'attractivité du métier et la qualité du service

Sur un sujet nettement plus consensuel, les parlementaires appellent à "mieux structurer et professionnaliser" le secteur, tant pour en renforcer l'attractivité et "faire face à un fort besoin de recrutement" que pour améliorer la qualité du service rendu. Cela passerait en particulier par la simplification du système de formation et par le décloisonnement du secteur professionnel – en prévoyant des "passerelles" entre médicosocial et sanitaire, entre services à la personne et travail en établissement - et son intégration "dans une logique de filières".
Consacrée aux "défis du maintien à domicile des personnes âgées", la deuxième partie du rapport met en évidence qu'"à politique inchangée, la progression de la part des personnes âgées en établissement progresserait plus rapidement que celle des personnes vivant à domicile".
Pour mieux "repérer les situations de perte d'autonomie", les deux députés formulent différentes pistes pour assurer davantage de cohérence entre les différents intervenants. Il s'agirait par exemple d'"élargir la formation des auxiliaires de vie à domicile en y intégrant une formation à la prise en charge de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer".

Des plans d'aide APA intégrant aussi les "services connexes" 

Plus globalement, la mission appelle à "favoriser la coexistence harmonieuse des acteurs de la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie", en valorisant davantage "la contribution des services d'aide et d'accompagnement à domicile" à cette politique. "Il s'agit de mieux intégrer ces services dans une politique d'ensemble en supprimant les freins réglementaires et techniques à une meilleure coordination avec les acteurs de la prévention et du soin." Sur cet enjeu, le rapport revient sur trois niveaux de coordination : entre les acteurs de la prévention (caisses d'assurance vieillesse, centres communaux d'action sociale, etc.), la coordination liée à "la coexistence d'une offre de services privés aux tarifs libres avec une offre planifiée et réglementée par les conseils généraux" et "entre les services d'aide à la personne et les acteurs du soin autour de la personne âgée en perte d'autonomie".
Pour une appréhension plus globale des besoins de la personne, les députés proposent une "nouvelle présentation des plans d'aide de l'APA à domicile" qui ferait figurer, outre le "socle de services liés à la prise en charge de la dépendance de la personne aidée", les "services connexes" répondant à "des besoins relevant du bien-être de la personne". "Si une telle présentation souligne les limites de la prise en charge collective, elle comporte également un aspect pédagogique et responsabilisant qui fait défaut dans le dispositif actuel qui laisse cette responsabilité aux services et aux aidants sociaux, en face à face avec les familles."

Contractualisation départements-services : "des avancées certaines", à confirmer

Quant à l'évolution de la tarification, le rapport fait le point sur les expérimentations de la contractualisation avec les services d'aide à domicile engagées par treize départements. Sur la base d'un questionnaire adressé à vingt conseils généraux, dont les treize expérimentateurs, les députés constatent que la mise en place de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) permet "des avancées certaines" – notamment dans le renforcement des liens de partenariat et la formalisation des objectifs de prise en charge – "mais qui ne sont pas encore traduites par des dispositifs pleinement opérationnels". 

 

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