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Social / Santé - "Silence vaut accord" : le ministère des Affaires sociales consulte avant de généraliser

Le ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes lance une consultation publique sur les projets de décrets pris pour l'application de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, dans le champ de compétence de ce département ministériel. Ouverte le 2 septembre, cette consultation s'étendra jusqu'au 16 du même mois. En sachant que ce ministère n'est pas le seul à lancer une consultation sur le sujet, celui de l'Ecologie en ayant récemment fait de même dans son propre champ (voir ci-contre notre article du 26 août).

Plus que deux mois avant l'échéance

La loi prévoit que le principe "silence vaut accord" doit s'appliquer à compter du 12 novembre 2014 pour les actes relevant de la compétence des administrations de l'Etat et de ses établissements publics administratifs - en l'occurrence celles de la sphère sanitaire et sociale -, puis le 12 novembre 2015 pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que pour ceux des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif.
La présente consultation porte uniquement sur la première échéance. Les collectivités territoriales sont toutefois indirectement concernées dès à présent, compte tenu de l'existence, dans le secteur médicosocial, d'un certain nombre de décisions conjointes entre préfet, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) et président du conseil général.

Des exceptions justifiées par le respect de principes à valeur constitutionnelle

L'un des documents accompagnant la consultation consiste en un tableau recensant toutes les décisions prises sur demande dans le champ du ministère : 273 procédures relèvent du champ de la santé, 41 du secteur de la cohésion sociale, et 7 de celui de la sécurité sociale. Certaines décisions ont été écartées de cette liste pour différentes raisons : demandes ne relevant pas du champ de la loi du 12 avril 2000, demandes émanant uniquement d'une personne publique (comme celles de l'Etablissement français du sang), demandes pour lesquelles une décision implicite de rejet est déjà prévue par la législation et qu'il n'a pas paru pertinent de modifier cette situation (il serait intéressant de connaître les cas de figure concernés). Pour chaque décision, le tableau précise notamment la référence juridique, l'autorité compétente pour prendre la décision (ministre, préfet directeur général d'ARS, autorité indépendante...), ainsi que le régime actuel et le délai.
Mais la consultation proprement dite porte sur trois projets de décrets qui fixeront les exceptions au principe "Silence vaut accord". Le premier, qui concerne pas moins de 54 procédures proposées à titre d'exception, couvre uniquement le champ de la santé. Il regroupe en effet les demandes pour lesquelles un accord implicite de l'administration serait incompatible avec le respect des principes à valeur constitutionnelle de protection de la santé, de respect de l'intégrité du corps humain, ou de sauvegarde de l'ordre public (par exemple, les décisions autorisant l'utilisation de l'eau à des fins de consommation humaine, celles relatives aux autorisations de mise sur le marché des médicaments, les autorisations d'exercice des professions médicales...).

Quinze décisions à caractère médicosocial exemptées du "Silence vaut accord"

Le second projet de décret - qui concerne 89 décisions - liste les demandes qui devraient échapper au principe du silence valant accord pour des motifs de bonne administration ou pour tenir compte de l'objet même de la décision. Ce cas de figure couvre notamment les autorisations d'exercice des professions paramédicales, mais aussi - dans le champ médicosocial - les autorisations de création, d'extension et de transformation des établissements et services sociaux et médicosociaux et des lieux de vie et d'accueil soumis à la procédure d'appel à projets, ou encore l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et l'autorisation de dispenser des prestations prises en charge par l'Etat ou l'assurance-maladie. Au total, quinze décisions relevant du Code de l'action sociale et des familles (CFAS) devraient ainsi faire exception au principe "Silence vaut accord".

Délais rallongés pour certains accords tacites

Enfin, le troisième projet de décret prévoit que, dès lors que l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie, les demandes qu'il liste donnent lieu à une décision implicite d'acceptation uniquement à l'expiration du délai qu'il précise. Il s'agit en l'occurrence de préciser les exceptions à l'application du délai de deux mois prévu pour la naissance des décisions implicites d'acceptation.
Quarante-huit décisions sont recensées à ce titre, dont trois relèvent du CFAS. Parmi celles-ci figurent l'agrément des conventions collectives et autres accords applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médicosociaux à but non lucratif (quatre mois de silence avant autorisation tacite), ainsi que l'autorisation de porter le titre ou d'occuper un emploi d'assistant de service social accordée aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (quatre mois).
Si l'on met en balance le nombre de décisions potentiellement concernées et celles qui font l'objet d'une exception, il apparaît que le principe "Silence vaut accord" sera appliqué de façon bien tempérée dans le secteur sanitaire et médicosocial. En dépit de ces limites - dont une bonne partie s'explique d'ailleurs sans peine -, le basculement qui doit s'opérer le 12 novembre prochain n'en constituera pas moins une petite révolution. En attendant le tour des collectivités territoriales en 2015...