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Loi de finances 2013 - Taxe sur les logements vacants : le Conseil constitutionnel valide, mais formule trois réserves

Le Conseil constitutionnel considère comme contraires à la Constitution plusieurs articles concernant le logement introduits par la loi de finances pour 2013 publiée au Journal officiel du dimanche 30 décembre 2012. S'il valide le durcissement de la taxe sur les logements vacants, il émet trois réserves dont l'une sort du champ d'application de la taxe les logements vacants qui nécessiteraient des travaux "importants" pour être remis sur le marché locatif. Une faille de taille.

Si l'attention s'est surtout focalisée sur l'annulation de la taxation à 75% des revenus annuels supérieurs à un million d'euros, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 décembre 2012, s'est aussi penché sur plusieurs autres articles de la loi de finances pour 2013. C'est notamment le cas du paragraphe I de l'article 16, qui modifie l'article 232 du Code général des impôts relatif à la taxe sur les logements vacants.
Certes, le Conseil constitutionnel valide les modifications apportées à cette taxe par la loi de finances pour 2013. Celles-ci élargissent ainsi son champ d'application aux communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants - et non 150.000 habitants comme indiqué dans la décision du Conseil -, "où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social".
De même, la loi de finances ramène de deux ans à un an le délai de vacance au terme duquel la taxation peut être appliquée. Elle porte également le taux de la taxe à 12,5% de la valeur locative la première année d'imposition et à 25% à compter de la deuxième. Enfin, elle porte de 30 jours à 90 jours consécutifs par an la durée d'occupation d'un logement en deçà de laquelle ce dernier est regardé comme vacant.

Une réduction du champ d'application de la taxe

Le Conseil constitutionnel valide ce net durcissement de la taxe sur les logements vacants, qui a pour objet "d'inciter les personnes redevables de cette taxe à mettre en location des logements susceptibles d'être loués". Mais il rappelle "qu'il résulte des principes constitutionnels d'égalité devant la loi et les charges publiques que la différence de traitement fiscal instaurée par cet article à l'égard des personnes redevables de cette taxe n'est conforme à la Constitution que si les critères d'assujettissement retenus sont en rapport direct avec l'objectif poursuivi" et "que ladite taxation ne peut, dès lors, frapper que des logements habitables, vacants et dont la vacance tient à la seule volonté de leur détenteur". Le Conseil constitutionnel assortit donc de trois réserves sa validation de la réforme de la taxe sur les logements vacants.
La première prévoit "que ne sauraient être assujettis à cette taxe des logements qui ne pourraient être rendus habitables qu'au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur". Cette réserve est, de loin, la plus importante en termes de conséquences. Son impact final est toutefois lié à la définition que le gouvernement et/ou la jurisprudence donneront de la notion de "travaux importants".
La seconde réserve exclut du champ d'application de la taxe les logements meublés affectés à l'habitation et, comme tels, assujettis à la taxe d'habitation. Enfin, la troisième réserve précise "que ne sauraient être assujettis des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, faisant obstacle à leur occupation durable, à titre onéreux ou gratuit, dans des conditions normales d'habitation, ou s'opposant à leur occupation, à titre onéreux, dans des conditions normales de rémunération du bailleur". Le Conseil constitutionnel donne notamment pour exemples "les logements ayant vocation, dans un délai proche, à disparaître ou à faire l'objet de travaux dans le cadre d'opérations d'urbanisme, de réhabilitation ou de démolition, ou les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur".
Les réserves du Conseil constitutionnel ayant un caractère obligatoire - sous peine de voir les dispositions d'application annulées par le Conseil d'Etat -, le gouvernement devra donc les prendre en compte dans les textes et les modalités d'application de réforme de la taxe sur les logements vacants.

Jean-Noël Escudié/PCA

La réforme de l'imposition des plus-values sur les terrains à bâtir censurée

L'article 15 de la loi de finances pour 2013 a été déclaré contraire à la Constitution. Cet article modifiait le régime d'imposition des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir (pour les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2015). En augmentant l'imposition des plus-values sur ces terrains - soumises jusqu'alors à un prélèvement forfaitaire de 19% -, l'objectif affiché était à la fois d'accroître les recettes fiscales dans le cadre du redressement budgétaire et de lutter contre la rétention des ressources foncières par les propriétaires, libérant ainsi des terrains destinés à la construction de logements. En outre, l'article supprimait tout abattement pour durée de détention à compter du 1er janvier 2013, à l'exception des cessions pour lesquelles une promesse de vente avait acquis date certaine avant cette échéance et pour lesquelles l'acte de vente aurait été signé avant le 1er janvier 2015.
Si le Conseil constitutionnel ne remet pas en cause le principe d'une fiscalité particulière pour les plus-values sur les terrains à bâtir, il censure en revanche le caractère confiscatoire de la mesure et l'atteinte à l'égalité devant l'impôt. L'article 15 prévoyait en effet de soumettre les plus-values immobilières sur les terrains à bâtir au barème de l'impôt sur le revenu (au lieu du prélèvement forfaitaire de 19%), mais aussi à toute une série d'autres prélèvements : contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, prélèvements sociaux... Après calcul, le Conseil constate "que ces dispositions peuvent conduire, après déduction d'une fraction de la contribution sociale généralisée, à un taux marginal maximal d'imposition de 82% qui aurait pour effet de faire peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de cette capacité contributive ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article 15 de la loi déférée portent atteinte à l'égalité devant les charges publiques".
Outre une perte de recettes de l'ordre de 180 millions d'euros, ce nouvel épisode complique encore un peu plus - après le retard pris dans la vente de terrains libérés par l'Etat (voir notre article ci-contre du 25 octobre 2012) - la mise à disposition de terrains à bâtir, indispensable pour espérer tenir l'objectif de construction de 500.000 logements par an sur la durée du quinquennat.

J.-N.E. / PCA

Fin de l'exonération sur la transmission des biens immobiliers en Corse

Le Conseil constitutionnel a mis fin à deux siècles d'exception fiscale en Corse en déclarant contraire à la Constitution l'article 14 relatif à la prorogation du "régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur les immeubles situés dans les départements de Corse". Cet article "conduisait, sans motif légitime, à ce que la transmission de ces immeubles soit exonérée de droits de succession", ont estimé les sages, et en cela il "méconnaissait le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques".
Les députés avaient adopté deux amendements visant à prolonger de cinq ans ce régime dérogatoire instauré en 1801, alors que sa disparition était programmée pour la fin 2013. Le gouvernement ne s'y était pas opposé. "Il n'y a pas de volonté des Corses d'échapper à l'impôt mais de rentrer dans le droit commun", pour François Pupponi, député du Val-d'Oise et Corse d'origine, un des signataires des amendements, "il faut juste un peu de temps pour élaborer des actes qui n'existent pas". "La prorogation de cinq ans devait justement permettre au GIRTEC (Groupement d'intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété de Corse, NDLR) de poursuivre son travail", souligne Me Alain Spadoni, président du conseil régional des notaires de Corse. Selon lui, il y a plus de 27.000 "biens non délimités" en Corse-du-Sud et 47.000 en Haute-Corse (contre une moyenne de 1.000 par département, au niveau national), dans une île où "l'indivision est 40 fois plus importante que la moyenne des régions françaises". Et si la succession n'a pas été réalisée sur plusieurs générations - comme c'est souvent le cas -, les personnes devraient payer une taxation dépassant alors la valeur des biens transmis, explique-t-il. Simon Renucci, maire (DVG) d'Ajaccio craint "que les appétits spéculatifs se déchaînent, accélérant de fait la folle spirale de la dépossession".
L'Assemblée de Corse avait également demandé, en juillet dernier, la prorogation pour cinq ans de ce dispositif. Cette Assemblée planche sur une réforme institutionnelle visant à donner plus d'autonomie à l'île, notamment en matière fiscale et foncière, comme l'ont rappelé les indépendantistes de Corsica Libera et les autonomistes de Femu A Corsica. Une réforme qui nécessiterait une modification de la Constitution française…

V.L. avec AFP

Références : Conseil constitutionnel, décision 2012-662 DC du 29 décembre 2012 ; loi 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 (Journal officiel du 30 décembre 2012).