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Salon de l'agriculture - Territoires ruraux : le triomphe de l'urbanité et ses conséquences

La 45e édition du Salon de l'agriculture ouvre ses portes le 23 février à Paris. L'occasion pour les citadins de (re)découvrir la campagne. Pourtant, ce sont bien les campagnes qui vont devoir s'adapter aux modes de vie urbains... Bertrand Hervieu, secrétaire général du Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM) et auteur des "Orphelins de l'exode rural : essai sur l'agriculture et les campagnes du XXIe siècle" (L'Aube), analyse les transformations en cours dans les territoires ruraux.


Localtis : quels sont les principaux mouvements observés dans les territoires ruraux ?

Bertrand Hervieu : A partir des années 1860 et pendant plus de 120 ans, la France a connu un exode rural continu. Cet exode a cessé autour des années 1980 avec un mouvement très massif de populations qui sont venues s'installer à la campagne. Aujourd'hui, près de 23 millions de personnes vivent dans des communes rurales avec quatre grands ensembles d'espaces ruraux : le périurbain, à la couronne des grandes villes, la rurbanisation, à une trentaine de kilomètres des métropoles régionales, voire une centaine pour Paris, les "bourgs-centres", qui voient leur population largement augmenter ces derniers temps, et enfin, seul ensemble au solde migratoire négatif, le rural profond.

Quelles sont les conséquences de ces mouvements ?

Il s'agit d'un véritable changement identitaire : ces nouvelles populations viennent dans les campagnes pour y habiter et non pour y travailler, et aspirent à un mode de vie plus paisible intégrant tous les services et équipements de la grande ville : crèches, maisons pour adolescents, services pour les personnes âgées, routes, assainissement, etc. C'est un énorme changement à terme. Les campagnes françaises assistent au triomphe de l'urbanité. Les gens vivent à la campagne sur un mode de vie urbain.

Et quelles sont les conséquences pour les collectivités territoriales ?

La grande nouveauté pour ces collectivités, c'est que la fonction résidentielle l'emporte sur la fonction de production. On attend d'elles une approche urbaine en termes de gestion et la mise en place des équipements nécessaires. Le deuxième problème, probablement plus complexe, que doivent traiter les collectivités correspond à la tension qui risque de surgir entre ces populations nouvellement installées et les populations de souche, dont les agriculteurs, qui peuvent avoir le sentiment d'être dépossédées de leur culture locale et abandonnées par les pouvoirs locaux. De leur côté, les agriculteurs sont habitués à être minoritaires dans leur métier (ils représentent 3,5% de la population active seulement). Maintenant, il faut qu'ils s'habituent à être minoritaires chez eux...

Propos recueillis par Emilie Zapalski

 

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