Territoires zéro chômeur : un projet “innovant” mais coûteux, selon la Cour des comptes

Dans un rapport, la Cour des comptes estime que l’expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée "fait localement la preuve de son utilité" mais exige "des moyens élevés". Elle formule toutefois des préconisations dans la perspective d’une pérennisation qui sera discutée au Parlement à l’automne. 

 

Le rapport tombe à point nommé. La Cour des comptes publie ce vendredi 20 juin son évaluation de l’expérimentation "territoires zéro chômeur de longue durée", alors que les députés vont reprendre, à l’automne, l’examen de la proposition de loi visant à pérenniser ce dispositif. Les premiers débats qui ont eu lieu le 4 juin à l’Assemblée nationale (lire notre article) ont révélé les doutes d’une partie des députés comme du gouvernement. La ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, n’a pas hésité à évoquer un risque de “gâchis d’argent public”. 

La plus haute juridiction financière se montre plus prudente dans ses conclusions. "Cette expérimentation fait localement la preuve de son utilité, en particulier pour répondre à des publics pour lesquels aucune autre solution n’était proposée", écrivent les magistrats financiers. Ils saluent "un projet territorial innovant" ainsi que des activités "utiles aux territoires".

Fin 2024, 3.290 personnes étaient employées en CDI dans 86 entreprises à but d’emploi pour répondre à des besoins locaux et dont l’activité n’entre pas en concurrence avec le tissu économique local. La Cour des comptes observe que le dispositif a bénéficié à des publics "particulièrement fragiles au regard du marché du travail" : personnes en situation de handicap, seniors, parents isolés, aidants, personnes confrontées à des difficultés de mobilité. 

A la recherche du "juste montant"

Cependant, les auteurs du rapport observent que le dispositif exige des "moyens financiers et humains élevés, ce qui rend incertaine sa pérennisation". En 2023, son coût s’élevait à 28.000 euros par ETP, un montant supérieur à celui des contrats en entreprise adaptée (18.000 euros) ou en entreprise d'insertion (12.000 euros). Ce montant, pris en charge par l’Etat et les départements, est "en augmentation significative" depuis le début de l’expérimentation. 

Le 4 juin dernier, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet contestait la "neutralité budgétaire" du dispositif. Autrement dit : un coût global qui excède les dépenses "passives" évitées qui viennent habituellement compenser la privation d’emploi et ses conséquences, qu’ATD quart monde avait évaluées à 18.000 euros par personne et par an. Un coût débattu, l’Igas et l’IGF estimant en 2019 qu’il n’était “que” de 5.000 euros environ. 

Si elle s’interroge sur le "juste montant de la prise en charge des emplois créés", la Cour des comptes ne tranche pas ce débat, renvoyant la balle au comité scientifique (lire notre article) dont les conclusions sur le rapport coûts-bénéfices de l’expérimentation devraient être connues cet été. Elle réclame "une méthodologie d’actualisation du coût du chômage de longue durée", évaluée périodiquement afin de fixer le montant de la contribution au développement de l’emploi. "Il restera toujours des activités non rentables et le financement des conséquences du chômage de longue durée doit pouvoir être supporté par la solidarité nationale", rappelle-t-elle néanmoins. 

Intégration dans le droit commun

En attendant, les magistrats formulent une série de recommandations dans la perspective d’une pérennisation. Pour renforcer le pilotage de l’expérimentation, ils réclament notamment la mise en place d’un outil de suivi des données relatives à la situation socio-professionnelle des personnes recrutées en entreprise à but d’emploi et la mise en place d’un indicateur de sortie vers l’emploi durable. 

"Afin de capitaliser ses effets positifs, tant pour les salariés des entreprises à but d’emploi que pour les territoires, la Cour considère nécessaire de rechercher des complémentarités et des synergies avec les dispositifs de droit commun", écrit-elle. Ainsi, elle appelle à intégrer les comités locaux pour l’emploi (chargés d’identifier les personnes privées d’emploi et de vérifier la non-concurrence des activités en EBE) dans les comités territoriaux pour l’emploi créés par la loi du 18 décembre 2023. Ou encore de "s’assurer que toute embauche dans une entreprise à but d’emploi est précédée de l’analyse de l’ensemble des solutions possibles d’insertion dans l’emploi et la conditionner à un avis favorable du représentant territorial de France Travail". 

La Cour des comptes invite enfin à confier la gestion des fonds et la mise en œuvre de l’expérimentation directement au ministère du Travail et de l’Emploi et aux services territoriaux de l’État, et de les inscrire dans des contrats avec les cofinanceurs locaux. 

 

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