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Energie - Transition énergétique : la commission des finances du Sénat remet à plat le financement de l'électricité "verte"

La commission des finances du Sénat a apporté le 21 janvier plusieurs modifications au projet de loi relatif à la transition énergétique dont elle était saisie pour avis. Elle souhaite notamment une réforme de fond de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et des précisions sur les modalités d'exercice des sociétés de tiers financement majoritairement détenues par les collectivités territoriales et chargées d'octroyer des crédits aux particuliers et aux copropriétés réalisant des travaux de rénovation énergétique.

Saisie pour avis du projet de loi sur la transition énergétique, la commission des finances du Sénat a adopté le 21 janvier douze amendements de son rapporteur, Jean-François Husson (UMP, Meurthe-et-Moselle). La principale modification vise à réformer la contribution au service public de l'électricité (CSPE) acquittée par le consommateur. Deux principes guident cette refonte, selon l'exposé des motifs : "d'une part, resserrer le champ des charges que finance la contribution sur le seul surcoût dû à la production d'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables (ENR), d'autre part, rendre le fonctionnement de cet impôt plus transparent et démocratique, en fixant dans la loi son taux ainsi que le plafond du montant des charges compensées". "Il est absolument anormal que la fixation d’un impôt dont le produit dépasse d’ores et déjà celui de l’ISF, et qui est acquitté par l’ensemble des foyers, relève d’une autorité administrative, la CRE [Commission de régulation de l'énergie, ndlr] jouant d'ailleurs un simple rôle de 'notaire'", estime Jean-François Husson.

Transparence pour le financement des énergies renouvelables

Le niveau total de la CSPE serait donc fixé dans la loi à 22,5 euros par mégawattheure et plafonné par filière de production, à hauteur de près de 6,4 milliards d’euros au total. Le surcoût de CSPE serait, à titre d’exemple, plafonné à un peu plus de 2 milliards d’euros pour l’éolien, et près de 3 milliards d’euros pour le photovoltaïque. "Il ne s’agit évidemment pas de bloquer le développement des filières, les niveaux proposés pour les achats et pour le tarif de la 'nouvelle' CSPE en 2016 correspondant au développement anticipé de ces filières sur la base des connaissances actuelles, note le rapporteur. Il s'agit, en revanche, de faire en sorte que les choix opérés par le Parlement en matière d'énergies renouvelables puissent s'effectuer, à l'avenir, de façon transparente, en mettant en balance les avantages pour la société du développement des ENR et les coûts induits pour le contribuable par ce développement." Du fait de la refonte proposée, Jean-François Husson veut aussi exclure du champ de la CSPE le financement du chèque énergie. Il constate "l’absence de définition précise des contours du chèque énergie – en particulier du champ de ses bénéficiaires et de son montant". Il souhaite en outre préciser le critère de revenu utilisé pour déterminer les ménages éligibles au chèque énergie en substituant au terme de "revenus" la notion de "revenu fiscal de référence", qui selon lui "reflète davantage les capacités contributives de chaque foyer".
En matière d'énergies renouvelables, la commission prévoit de "supprimer la possibilité offerte aux installations de production d’électricité d’origine renouvelable ayant déjà bénéficié d’un contrat d’obligation d’achat de percevoir, à l’issue de ce contrat, le complément de rémunération" créé par le projet de loi en remplacement des tarifs d’achat. "L’enchaînement de ces deux types d’aide n’apparaît pas justifié dans la mesure où le mécanisme de tarifs d’achat garantis, financé par une imposition (la CSPE), doit permettre de rentabiliser les investissements réalisés dans les installations concernées aux termes du contrat, justifie le rapporteur. La condition de la réalisation d’un nouveau programme d’investissement pour bénéficier du complément de rémunération à l’issue du contrat d’obligation d’achat ne semble pas suffisante pour écarter les effets d’aubaine." Jean-François Husson préconise aussi de "limiter la durée des contrats de complément de rémunération" à 20 ans, voire 25 ans dans les collectivités d’outre-mer. "Il est proposé qu’une durée maximale soit définie par arrêté pour chaque filière d’énergies renouvelables."
Parmi les autres amendements votés, la commission recommande la remise au Parlement d’un rapport gouvernemental détaillant les conséquences financières de l’objectif de baisse de 75 à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique à l’horizon 2025. Le rapport devra indiquer "le nombre de réacteurs nucléaires qu’il sera nécessaire de fermer d’ici à 2025 pour que la France atteigne cet objectif tout en s’inscrivant dans la trajectoire de réduction de la consommation d’énergie" de 50% en 2050 par rapport à 2012, prévue par le projet de loi. De même devront être abordées la question de l’indemnisation d’EDF en fonction de la durée d’utilisation des réacteurs qu’autorisera l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ainsi que "les conséquences de la réduction de la part du nucléaire dans la production électrique sur l’évolution de la CSPE", détaille l’exposé des motifs.
La commission a aussi voté la suppression de la modulation, à compter du 1er juin 2015, de -3,10% à +4,5%, du taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les immeubles d’habitation répondant à des critères d’efficacité énergétique – alors que le taux "normal" est de 3,8%. Pour le rapporteur, "le taux maximum de 4,50% a déjà été instauré dans 93 départements et il est dès lors peu probable que les conseils généraux utilisent la possibilité de modulation offerte, qui reviendrait à une perte de recettes". La mesure "s’ajoute à une multitude de dispositifs fiscaux et financiers visant à inciter les propriétaires à améliorer la performance énergétique de leur logement, qui mériteraient d’être évalués". Par ailleurs, l’entrée en vigueur du dispositif au 1er juin 2015, alors qu’il nécessite un décret d’application, interroge "sur la capacité des propriétaires à anticiper cette nouvelle contrainte". Le rapporteur juge enfin "inopportun d'ajouter une contrainte supplémentaire sur les ventes d'habitations et de créer ainsi une nouvelle 'usine à gaz' pour des résultats plus qu'incertains".

Ratios prudentiels pour les sociétés de tiers financement

La commission a aussi modifié l'article 6 du texte qui concerne les sociétés de tiers-financement (sociétés publiques locales spécialisées dans la mise en œuvre et le financement de travaux de rénovation thermique). L'essentiel de leurs conditions d'exercice sera déterminé par un décret en Conseil d’État qui devra fixer "les ratios prudentiels (ratios de solvabilité et de liquidité dits 'Bâle III') applicables à ces sociétés. "Les sociétés de tiers-financement autorisées à octroyer des prêts sont majoritairement détenues par les collectivités territoriales, explique Jean-François Husson dans l'exposé des motifs de son amendement. Compte tenu du risque pour les finances publiques locales en cas d’impayés, il importe qu’elles soient dotées de normes de gestion exigeantes."
Plusieurs mesures concernant le vélo sont supprimées par la commission des finances. C'est le cas du crédit d’impôt accordé aux entreprises qui mettent gratuitement à disposition de leurs salariés une flotte de vélos. "On peut douter de l’efficacité d’une nouvelle dépense fiscale pour inciter les entreprises à se doter d’une flotte de vélos, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire que les salariés les utiliseront", souligne le rapporteur. Et "les salariés peuvent déjà se faire rembourser par leurs employeurs une partie de leur abonnement à un service de type Vélib’". De même, l’indemnité kilométrique vélo devrait être supprimée. "Le plan d’actions pour les mobilités actives avait estimé le coût de cette mesure à 110 millions d’euros et les bénéfices en termes de santé publique à 35 millions d’euros, rappelle Jean-François Husson. "Avant toute décision, il conviendrait qu’un chiffrage plus précis puisse être réalisé et transmis au Parlement", estime-t-il.
Enfin, la commission a voté la suppression de deux modulations de la dotation de solidarité rurale (DSR). Une première visait à répartir 15% de la fraction "péréquation" de cette dotation en fonction du nombre de points lumineux non éclairés pendant au moins cinq heures par nuit. Pour Jean-François Husson, "les communes ont déjà intérêt à réduire leur consommation d’électricité, et donc la durée de fonctionnement des points lumineux, afin de maîtriser leurs dépenses d’énergie (…). Il convient plutôt de faire confiance aux maires pour déterminer une solution permettant de garantir la sécurité des citoyens tout en maîtrisant la consommation d’énergie de leur commune". Une deuxième modulation avait pour objet de doubler la longueur de voirie prise en compte dans la répartition d’une part de la fraction 'péréquation' de la DSR "pour les communes pratiquant une réduction d’au moins 50% du volume de leur éclairage public".
Après la commission du développement durable, qui a présenté ses propres amendements le 21 janvier (lire notre article ci-contre), c'est au tour de la commission des affaires économiques d’examiner le texte, le 27 janvier prochain. L'examen en séance publique commencera le 10 février.