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Trois sénateurs se mobilisent pour sauver les ZRR

Estimant l'avenir des zones de revitalisation rurales (ZRR) menacés, trois sénateurs formulent dans un rapport des pistes pour prolonger le dispositif d'un an et le réformer après 2021. De son côté, le gouvernement a récemment annoncé "une nouvelle géographie prioritaire pour les territoires ruraux" après 2020, dans le cadre de l'Agenda rural.

"Ce serait un comble après la crise des gilets jaunes et ce sentiment d'abandon qui ressort que l'on supprime un dispositif ancien, certes à améliorer, mais qui fonctionne et qui ne coûte pas une fortune !" Le sénateur Rémy Pointereau (LR, Cher) et ses collègues Bernard Delcros (Union centriste, Cantal) et Frédérique Espagnac (PS, Pyrénées-Atlantiques) s'inquiètent de l'avenir des zones de revitalisation rurale (ZRR), dans un rapport présenté à la presse jeudi 10 octobre.

Le dispositif, créé en 1995, permet de reconnaître la spécificité des territoires ruraux les plus fragiles. Il a été revisité au fil des années, et régulièrement remis en question, son efficacité étant jugée parfois incertaine. Dernière réforme en date : celle de 2015, avec la définition de nouveaux critères, dont les conséquences se verront en 2020 avec la sortie du dispositif d'un grand nombre de communes.

Le dispositif serait aujourd'hui particulièrement menacé, estiment les trois sénateurs. "Au 1er juillet 2020, 4.074 communes vont sortir du dispositif (14.000 y resteront, ndlr) et rien n'est inscrit dans le projet de loi de finances 2020 pour les maintenir. Et fin 2020, toutes les exonérations fiscales tombent", fait savoir Bernard Delcros. Cette évolution résulte du rapport de 2018 des députées Anne Blanc et Véronique Louwagie rédigé à l'issue d'une mission flash sur l'efficacité du dispositif. Les deux députées avaient en effet proposé de revoir les critères de classement et de ne pas reconduire après 2020 les exonérations fiscales et sociales. L'ensemble des 300 millions d'euros ainsi économisés permettent d'alimenter la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). "Or, la DETR correspond à des subventions aux collectivités, ce qui n'est pas le cas du dispositif ZRR qui est destiné à soutenir les activités économiques et sociales", précise Bernard Delcros.

Un dispositif qui compte dans le choix d'installation des médecins 

Le rapport des sénateurs, examiné par les commissions des finances et de l'aménagement du territoire mercredi 9 octobre, met en avant les bienfaits du dispositif : un soutien transversal aux différents secteurs d'activité (commerces de proximité, entreprises artisanales...), mais aussi à l'offre de soins et au maillage des pharmacies. D'après leurs données, il permet à un infirmier libéral d'économiser entre 20.000 et 30.000 euros par an, 4.500 euros pour un boulanger, 5.000 pour un restaurateur, ou encore 11.000 euros pour une entreprise d'hébergement et d'animations touristiques. Les aides sont particulièrement importantes pour le secteur de la santé. Le montant des exonérations pour un médecin généraliste peut atteindre 40.000 euros par an. Des allègements qui comptent dans le choix des médecins de s'installer dans les territoires ruraux. "Pour un Ehpad, les sommes économisées peuvent atteindre jusqu'à 200.000 euros par an", précise Frédérique Espagnac.

Pour les sénateurs, le dispositif est donc indispensable, surtout à l'heure de la lutte contre la désertification médicale. Ils demandent en premier lieu au gouvernement de le proroger dans totalité jusqu'à fin 2021 (en maintenant les communes qui sont censées en sortir en 2020). Une demande à laquelle le gouvernement, que ce soit par la voix d'Édouard Philippe, Premier ministre, ou de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, se seraient engagés. "Mais rien n'est écrit dans le projet de loi de finances pour 2020", déplore Bernard Delcros.

Six critères, trois niveaux de zonage

Les sénateurs formulent également des pistes pour réformer le dispositif après 2021, à partir de trois zonages définis sur la base de six critères : la densité démographique, le déclin démographique sur plusieurs années, le revenu par habitant, la dévitalisation constatée par l'évolution du nombre d'artisans, d'agriculteurs et de commerçants, l'âge moyen de la population, et le nombre de logements et/ou de bâtiments d'exploitation vacants. Selon son niveau de zonage, le territoire bénéficierait de mesures spécifiques dont des exonérations fiscales et des cotisations patronales. Les sénateurs préconisent aussi une bonification de la dotation globale de fonctionnement et une majoration des dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales proportionnées à la fragilité des territoires concernés.

Les sénateurs envisagent enfin la création d'un fonds spécifique aux ZRR accordant des aides directes aux entreprises localisées dans les territoires les plus fragiles. Le tout pourrait s'inscrire dans les missions de la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Déroulant son Agenda rural devant les maires ruraux réunis à Eppe-Sauvage (Nord) le 20 septembre, Édouard Philippe avait assuré que les 4.000 communes sortantes au 1er juillet 2020 seraient maintenues dans le dispositif jusqu'à la fin 2020, le temps de mettre en oeuvre "une nouvelle géographie prioritaire pour les territoires ruraux".