Un nouveau service national, "purement militaire", pour répondre aux besoins des armées
Le président de la République a annoncé ce 27 novembre vouloir instituer, dès l'été prochain, un nouveau service national de 10 mois, ni universel, ni obligatoire (sauf "crise majeure"), et "purement militaire", afin de répondre aux besoins des armées. Il aspire à recruter 50.000 jeunes en 2035. Les volontaires seraient sélectionnés au cours de la journée Défense et Citoyenneté, laquelle deviendrait "Journée de mobilisation" et se recentrerait "sur les fondamentaux".
© @Elysee/ Emmanuel Macron
Comme il l'avait annoncé dans son discours aux armées le 13 juillet dernier, veille de la présentation de la revue nationale stratégique*, et dessiné lors de ses vœux aux armées le 20 janvier, et comme l'avait laisser entendre le Premier ministre (lire notre article du 22 septembre), le président de la République a présenté ce 27 novembre, à Varces, les contours du nouveau service national, qu'il espère voir instituer "progressivement dès l'été prochain", et qui va remplacer l'actuel service national universel (SNU).
Un service pour répondre aux besoins de l'armée…
"Là où nous soutenions l'ambition d'un service national universel pour conforter la cohésion au sein d'une classe d'âge, l'accélération des crises, le durcissement des menaces, me conduisent à proposer aujourd'hui un service national purement militaire qui sans être universel peut engager toute une génération", explique Emmanuel Macron.
Son objectif premier est bien de répondre au "besoin de mobilisation" de l'armée. Face à l'essor "des menaces hybrides qui nous entourent", qu'il avait mises en lumière en juillet dernier, le président entend en effet déployer "un modèle hybride d'armée", "prête à toutes les bascules". Elle sera composée : d'une armée d'active ("un noyau dur, un socle") ; de professionnels de la réserve ("près de 45.000 aujourd'hui et que nous porterons à 80.000 en 2030") ; et, donc, "d'un appui en profondeur au cœur de la nation", "cette nouvelle force issue de la jeunesse". Cette dernière "ne pouvant avoir de sens que si [elle] a de l'ampleur", le président fixe pour ambition de recruter "50.000 jeunes en 2035" dans ce nouveau service national. En commençant par 3.000 l'été prochain, puis une "augmentation progressive des promotions", avec comme point d'étape "10.000 jeunes incorporés en 2030". In fine, Emmanuel Macron assure que ce nouveau modèle "permettra de renforcer nos capacités, de donner une nouvelle épaisseur aux armées et à la jeunesse, de diffuser l'esprit de défense et d'endurcir l'esprit de résistance de la nation".
… et donc "purement militaire"
Les jeunes recrutés, "sélectionnés pour répondre aux besoins de nos armées" seront ainsi "dotés d'un uniforme, d'une solde et d'un équipement" (solde de 800 euros par mois minimum pour chaque volontaire, qui sera logé et nourri, selon l'Élysée). Après une formation initiale d'un mois "où ils apprendront ensemble les rudiments de la vie militaire, acquerront l'esprit de discipline, se formeront au maniement des armes, à la marche au pas, aux chants, à l'ensemble des rituels qui nourrissent la fraternité de nos armées et concourent à la grandeur de la nation", ils seront "ensuite affectés durant neuf mois au sein d'une unité militaire où ils effectueront les mêmes missions que l'armée d'active", en participant "à toutes les missions, de Sentinelle à l'assistance aux populations, à tous les postes, du terrain à l'état-major", à une exception près : "Ils serviront sur le territoire national, et uniquement sur le territoire national", insiste-t-il (lire notre encadré ci-dessous). Après leur service, ils pourront rejoindre l'armée d'active ou poursuivre leurs études ou se lancer dans la vie professionnelle civile, "tout en intégrant la réserve opérationnelle".
Pas un service universel…
Ce service ne sera pas universel, "une idée portée par ceux qui méconnaissent la réalité de ce que sont nos armées aujourd'hui […]. Nos armées n'ont plus vocation à encadrer ni à accueillir la totalité d'une classe d'âge, ce qui représente entre 600.000 et 800.000 jeunes. Surtout, un tel modèle de conscription obligatoire et universel ne correspond pas aux besoins de nos armées ni aux menaces", explique le président de la République, jugeant que vouloir y revenir ne serait "ni sérieux, ni utile".
Au passage, il donne quitus à la décision, "juste", de Jacques Chirac de l'avoir suspendu en 1996, à un moment où "la guerre froide avait rendu inutile un modèle de masse", et alors que ce service n'était devenu "ni véritablement universel, ni véritablement équitable" : "Un jeune sur trois y échappait. Le brassage social espéré n'était plus une réalité, les missions confiées étaient souvent peu valorisantes et les talents parfois pas assez reconnus." Last, but not least, "les coûts structurels d'un tel modèle avaient fini par devenir disproportionnés par rapport à son efficacité".
… mais purement volontaire, sauf "crise majeure"
Ce service s'adressera donc aux seuls jeunes majeurs "qui auront exprimé leur volontariat lors de la journée Défense et Citoyenneté" (pour la première promotion, sur candidatures, qui pourront être déposées à compter de mi-janvier). Laquelle va par ailleurs se muer en "journée de mobilisation", en "se recentrant sur les fondamentaux" (elle "redeviendra demain un moment de temps retrouvé avec les armées", annonçait déjà le président en janvier). Et plus exactement, parmi ces volontaires, à ceux qui auront été sélectionnés par les armées, "les plus motivés et ceux qui répondent le mieux à leurs besoins". Ainsi, "nos armées bénéficieront […] de jeunes Français dont les motivations auront été repérées, l'engagement éprouvé, les compétences exercées".
Une exception toutefois, et de taille, à ce volontariat : "En cas de crise majeure, le Parlement pourra autoriser de faire appel, au-delà des seuls volontaires, à ceux dont les compétences auront été repérées durant cette journée de mobilisation. Et alors le service national deviendrait obligatoire."
2 milliards d'euros
Ce nouvel "effort de défense" sera financé "par l'actualisation de la loi de programmation militaire 2026-2030, qui prévoit un budget supplémentaire de plus de 2 milliards d'euros" à dessein. "C'est un effort important. Il est indispensable", indique Emmanuel Macron. Lequel souligne qu'"il nous faut dès maintenant commencer à construire des hébergements, des infrastructures pour que les jeunes soient accueillis correctement dans les garnisons et dégager progressivement un nombre suffisant de cadres pour former et commander ces jeunes" (un défi effectivement de taille, alors qu'au même moment le plan de construction de 239 brigades de gendarmerie est à l'arrêt - lire notre article du 3 novembre).
Un service complémentaire
Enfin, le président l'assure, ce nouveau service a vocation à compléter, et non à remplacer "les dispositifs actuels d'engagement", comme le service civique. Exception faite du SNU donc, "plus adapté au contexte stratégique, aux besoins de la période", concède l'Élysée. Et qui n'a jamais réellement emporté la conviction, au point même d'avoir failli être supprimé par le Parlement (lire notre article du 31 octobre 2024).
Le nouveau service sera en revanche complété par d'autres mesures visant elles aussi à "renforcer le pacte noué à notre nation et notre armée". Emmanuel Macron précise ainsi que "les jeunes devront participer à au moins une cérémonie commémorative par an dans chaque établissement". Ils seront en outre incités "à effectuer leur stage de seconde dans nos armées". Autre disposition annoncée, "la durée des classes de défense et de sécurité globales va passer de un à trois ans". "Thucydide ne nie pas l’importance des vaisseaux et des remparts de la cité, mais il nous rappelle qu’ils céderont sans force morale. Et cela nous impose donc de faire un effort essentiel pour l’éducation et l’engagement de la jeunesse", déclarait déjà, le 14 juillet 2022, le président de la République aux armées.
Pas d'unanimité
Tout juste présenté, ce nouveau projet n'a pas manqué d'essuyer les critiques. Ancien ministre des Armées et président de la région Normandie, Hervé Morin voit ainsi dans ce "service national volontaire un oxymore, un exemple de plus du 'en même temps'", et même "une tromperie". "Par nature, le service national ne peut qu'être obligatoire, option devenue trop complexe et coûteuse à remettre en place" – comme l'a récemment jugé la Cour des comptes à l'égard du SNU (lire notre article du 13 septembre 2024). "À l'inverse, s'il est volontaire, ce nouveau service national correspond en réalité à une nouvelle forme de recrutement pour nos armées, ce qui n'a rien à voir avec l'esprit originel du service national. Par son caractère volontaire, ce service perd […] sa dimension d’utilité républicaine. [Il] ne s’adressera pas aux sauvageons qui ont oublié qu’ils étaient Français." Et de conclure : "En définitive, cette annonce a pour seul mérite de reposer la question de la montée en puissance des réserves en vue de constituer une véritable garde nationale, question essentielle pour nos armées mais à laquelle ne répond que très partiellement cet énième coup de communication."
* Dans laquelle il est notamment indiqué qu'"il devient nécessaire que la nation tout entière se tourne à nouveau vers sa défense et sa sécurité. Il s’agit notamment de renforcer la cohésion nationale et de créer un réservoir de personnes mobilisables en cas de crise. À ce titre, un service militaire volontaire rénové pourrait être créé pour proposer aux Français majeurs de recevoir une formation militaire socle pouvant déboucher sur un engagement."
› Congrès des maires : la fameuse intervention du général Mandon"Il faut vraiment, en tout cas tout de suite, supprimer toute idée confuse qui consisterait à dire qu'on va envoyer nos jeunes en Ukraine", déclarait Emmanuel Macron le 25 novembre dernier. Une réaction faisant suite à l'intervention "remarquée" du chef d'état-major des armées au dernier Congrès des maires de France. Le général Mandon y invitait notamment les maires "à parler dans [leurs] communes" de la probabilité d'une guerre de solidarité "avec des pays qui sont aujourd'hui sur le flanc Est de l'Otan, qui pourraient être attaqués et qu'on ira protéger". "Et à ce moment-là on engage les jeunes femmes et les jeunes hommes qui ont choisi de servir sous l'uniforme. Moi j'ai donné aux armées un objectif qui est d'être prêt dans trois ou quatre ans. Mais j'ai besoin que la nation soit prête à soutenir cet effort si on devait le faire", a-t-il notamment prévenu. |