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Insertion - Une proposition de loi entend renforcer les pouvoirs du département pour lutter contre la fraude au RSA

La lutte contre la fraude au RSA continue d'inspirer les parlementaires de l'opposition, parfois eux-mêmes présidents de départements. Après les propositions de loi Courtial et Doligé, voici la proposition de loi Ciotti...

La lutte contre la fraude au RSA (revenu de solidarité active) continue d'inspirer les parlementaires de l'opposition, parfois en liaison avec l'Assemblée des départements de France (ADF). Il y a un mois, une proposition de loi déposée à la fois à l'Assemblée et au Sénat entendait ainsi renforcer les contrôles sur les bénéficiaires (voir notre article ci-contre du 29 octobre 2015). Aujourd'hui, une nouvelle proposition de loi - déposée par Eric Ciotti, député (Les Républicains) et président du conseil départemental des Alpes-Maritimes et une cinquantaine de ses collègues - veut renforcer les prérogatives 
du président du conseil départemental en matière de lutte contre la fraude au RSA.

Assurer la pérennité du système

Dans leur exposé des motifs, les auteurs précisent que "dans un contexte de crise budgétaire et pour assurer la pérennité de notre système de protection sociale, il est nécessaire de lutter avec la plus grande fermeté contre toutes les formes d'abus et de fraude, en particulier en renforçant les prérogatives du président du conseil départemental". Même s'il n'est pas exprimé ouvertement, il y a aussi le sentiment, chez certains responsables départementaux, que les CAF n'exercent pas un contrôle suffisant.
Partant du constat que les exécutifs départementaux ne disposent pas de pouvoirs suffisants pour assurer leur mission de contrôle, la proposition de loi prévoit la mise en place d'un certain nombre d'aménagements ou de mesures nouvelles. Si certains articles de la proposition de loi - comme celui relatif au caractère administratif des radiations - n'apportent pas grand-chose ou modifient des dispositions dont l'abrogation est programmée au 1er janvier 2016 avec la mise en place de la prime d'activité (par exemple l'article L.262-53 du Casf), d'autres ont en revanche une portée nettement moins symbolique.

Seuils plus stricts, carence et délais plus longs

Le texte prévoit ainsi de porter de deux à cinq ans l'ancienneté des faits susceptibles de donner lieu à une amende administrative. De même, il prévoit de remplacer la suppression du RSA pour cause de fraude, prévue par la rédaction actuelle du Code de l'action sociale et des familles (Casf), par une "radiation pour cause de fraude". Dans le même esprit, le seuil du montant de la fraude susceptible d'entraîner une radiation serait ramené de deux fois à une fois le montant du plafond mensuel de la sécurité sociale (3.170 euros en 2015) et la durée maximale de suppression du RSA portée d'un an à deux ans. Dans ce cas de figure, la proposition de loi instaure en outre un délai de carence de six mois avant toute nouvelle demande d'ouverture des droits aux RSA.
En cas de non respect des droits et devoirs du bénéficiaire (et plus particulièrement de non respect du parcours d'insertion), le texte instaure également un délai de carence d'un mois avant la reprise du versement de l'allocation. De même, la proposition de loi ajoute aux motifs pouvant entraîner une suspension du versement du RSA (non respect des dispositions du contrat ou du projet personnalisé d'accès à l'emploi, refus de se soumettre à un contrôle...) le fait de refuser "deux offres d'emploi raisonnables" (ce dernier terme restant à définir).

Des outils renforcés

En prise directe avec l'actualité, un article facilite la suspension du versement du RSA aux personnes se rendant à l'étranger dans le but de participer au djihad. Cette possibilité existe déjà dans le droit actuel, dès lors que le bénéficiaire a quitté durablement le territoire national (le conseil départemental des Alpes-Maritimes l'a d'ailleurs déjà utilisée), mais l'article en question entend faciliter son utilisation. Pour cela, il prévoit notamment que "les services compétents de l'Etat informent le président du conseil départemental de l'identité de tout individu se rendant vers des zones de conflit en vue de participer à des activités terroristes".
Enfin, les deux derniers articles renforcent les outils à disposition du président du conseil départemental pour lutter contre les fraudes. Le premier prévoit la possibilité d'assermenter les agents du département, afin qu'ils puissent établir des procès verbaux (à l'image des contrôleurs des CAF) et d'accéder aux relevés bancaires des bénéficiaires du RSA suspectés de fraude. Le second autorise les agents du département ainsi assermentés à procéder à un contrôle du train de vie des intéressés. Celui-ci est théoriquement possible dans le cadre juridique actuel, mais se révèle aujourd'hui difficile faute d'outils.
A noter : une seconde proposition de loi - datée également du 25 novembre et déposée par Gilles Bourdouleix, député (non inscrit) du Maine-et-Loire - prévoit une déchéance automatique du droit au RSA pour toute personne condamnée pour crime et acte de terrorisme commis sur le sol français ou à l'étranger". Le texte prévoit également une récupération du RSA versé "par le prélèvement sur les revenus que perçoit le condamné sur son compte en détention".

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Assemblée nationale, proposition de loi relative au renforcement des prérogatives 
du président du conseil départemental en matière de lutte contre la fraude au revenu de solidarité active ; proposition de loi visant à récupérer les sommes servies au titre du revenu de solidarité active pour toute personne condamnée pour crime et acte de terrorisme

La recentralisation du RSA, ce n'est sans doute pas pour tout de suite…
Edouard Courtial, député LR et président du conseil départemental de l'Oise auteur de la précédente proposition de loi consacrée au renforcement des contrôles sur le RSA (voir notre article du 29 octobre), a interpellé le gouvernement ce mercredi 2 décembre dans le cadre des questions orales. Il souhaitait notamment réentendre ce que le gouvernement compte faire pour aider les départements confrontés à la courbe explosive de cette prestation. Et demander qu'à défaut de mesures rapides, le gouvernement "donne au moins aux départements les moyens juridiques de contrôler les bénéficiaires du RSA".
Marylise Lebranchu a rappelé que le gouvernement prévoit d'agir en deux temps. Première étape : "une attribution de fonds de secours aux départements les plus en difficulté" (voir notre article du 30 novembre annonçant que cette enveloppe s'élèvera à 50 millions d'euros). Deuxième étape, telle que décrite par la ministre : "Un groupe de travail a établi avec précision le reste à charge des départements et doit conduire, pour la fin du mois de mars de l'année prochaine, à une question forte : doit-on remettre le RSA au niveau national ? Avec tout ce que cela implique, y compris les transferts de ressources (…). Je vous rappelle que si le débat a été ouvert par le Premier ministre (…), il faudra trouver le financement." A entendre ces déclarations, tout laisse penser que la recentralisation du RSA n'interviendra pas au premier trimestre, loin de là, contrairement à ce que certains présidents de départements souhaitent et, à l'instar d'Alain Lambert, jugent faisable. Alain Lambert, président du département de l'Orne, qui se dit d'ailleurs a priori favorable à ces initiatives parlementaires visant à donner plus de moyens aux départements pour maîtriser les "indus".
C.M.