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Sport / Culture - Villes de France : la culture et le sport sans la santé... financière

Le sport et la culture "à l'épreuve des finances locales". Ou "comment optimiser sans sacrifier" ces politiques favorisant le "vivre ensemble". Cette question, choisie pour constituer, les 23 et 24 juin à Beauvais (Oise), le coeur du congrès de Villes de France, a reçu une multitude de petites réponses locales. Car ce qui est désormais bien admis, c'est qu'il ne faut plus attendre grand chose de l'Etat. Les villes moyennes cherchent à faire des économies dans la mutualisation au sein du bloc local, dans l'externalisation auprès des clubs sportifs et, à défaut, dans "l'imagination". Car otpimiser l'usage des équipements par exemple, c'est aussi savoir innover... et savoir répondre aux nouveaux désirs de pratiques sportives des habitants.

Les communes consacrent toujours "près de 20%" de leur budget au sport et à la culture, dans un contexte où "la crise économique et la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités font peser des menaces sur les budgets locaux et impliquent des arbitrages parfois douloureux". Caroline Cayeux n'a pas caché, en ouvrant jeudi 23 juin le congrès de Villes de France consacré cette année au thème du "vivre ensemble à l'épreuve des finances locales" à la lumière des champs du sport et de la culture, que le défi serait difficile à relever. La présidente de Villes de France recevait ce jour-là à domicile, dans la ville de Beauvais dont elle est sénateur-maire, un peu plus de 150 collègues élus de villes "de taille intermédiaire".
Selon une enquête menée par l'association, 90% d'entre eux donnent la priorité de leur budget "sport" aux équipements de proximité. C'est dire si le discours enthousiaste de Patrick Kanner se réjouissant devant eux que "la France devient un grand pays d'accueil des évènements sportifs internationaux" était quelque peu décalé. Tout juste certains veulent-ils bien croire avec le ministre en charge des sports venu conclure le premier jour du congrès que la dynamique économique qui en découle, notamment avec l'Euro 2016, "profite à nos villes".
Quant à l'inflation normative qui sévit non pas du fait de l'Etat mais des fédérations sportives, Patrick Kanner s'est contenté d'appeler les associations d'élus à l'"informer des abus".

"Je ne suis pas là pour dire yakafokon, la culture est un choix... et débrouillez-vous !"

Côté culture, le secrétaire général du ministère de la Culture et de la Communication, Christopher Miles, n'a rien promis non plus. Mais on notera d'une part qu'il était présent (la ministre Audrey Azoulay ne s'était pas déplacée au congrès des maires et n'avait pas envoyé de représentant, voir notre article du 2 juin 2016) et, d'autre part, qu'il n'a pas non plus fait la leçon ainsi que les collectivités locales en avaient pris l'habitude sous Fleur Pellerin (voir notre article du 31 juillet 2015). "Je ne suis pas là pour dire yakafokon, la culture est un choix... et débrouillez-vous !", a-t-il lancé.
Non, Christopher Miles était venu à Beauvais pour reconnaître que les politiques culturelles étaient financées aux deux tiers par les collectivités et au tiers seulement par l'Etat, "c'est-à-dire l'inverse de la répartition des financements publics". "La culture est un élément d'identité fondamental et vous êtes confrontés à une situation économique difficile", a-t-il également compati.

Politiques régionales

Cette fonction "identitaire", la région Hauts-de-France entend bien l'utiliser à son avantage. "Nous pensons que les politiques culturelles peuvent accompagner l'émergence de la nouvelle grande région", a ainsi indiqué son vice-président délégué à la culture, François Decoster, par ailleurs maire de Saint-Omer. L'élu est en pleine phase de concertation avec les élus en charge de la culture sur la grande région, dans l'objectif de parvenir à "une grande politique culturelle" qui n'oublierait pas les territoires ruraux
A Angoulême en revanche, on ne se fait guère d'illusion sur le soutien financier de la grande région "Nouvelle Aquitaine". Fière d'être la ville du festival international de la bande dessinée reconnu par les amateurs du monde entier, Angoulême se sent "une ville parmi douze" auprès de son conseil régional. Son maire, Xavier Bonnefont, croit beaucoup plus aux relations de proximité entre la ville, l'intercommunalité et le département. "Il faut qu'on trouve les ressources intellectuelles, ou en tous les cas l'imagination, pour continuer à faire briller notre territoire", déclare-t-il aussi.

Sport santé, mutualisation...

De l'imagination, les villes moyennes en ont. Ainsi, Blagnac a lancé une nouvelle discipline : "Le sport sur ordonnance". En partenariat avec les CCAS et des agents municipaux "coachs sportifs", 17 médecins agréés prescrivent des ordonnances : les patients souffrant de diabète, d'obésité, d'un cancer du sein ou de maladies pulmonaires pratiquent un sport recommandé, gratuitement pendant un an. La formule est également en vogue à Lambersart, la ville de Marc-Philippe Daubresse, et à Boulogne-sur-Mer, celle de Frédéric Cuvillier, davantage cette fois en direction de personnes isolées "qui ne sortaient plus de chez elles".
Mais à Boulogne, ville qui a choisi de "baisser les impôts sans baisser les subventions", "le seul moyen de parvenir est de jouer sur le personnel et de mutualiser les services", a expliqué Jean-Claude Etienne, maire adjoint au sport de la ville. Le dialogue social prendra un an, prévoit-il. Parallèlement, il entend développer les partenariats avec les clubs sportifs, notamment en subventionnant leur professionnalisation, en échange de quoi ceux-ci s'engagent à intervenir dans les écoles sur les temps périscolaires.
De même, à Cognac, alors qu'en 2008 la mairie mettait 23 emplois à disposition des clubs et associations sportives, elle n'en compte plus que trois aujourd'hui. Les subventions permettent toutefois de compenser. Mais "il faut que chaque club ou association comprenne qu'aujourd'hui, les collectivités ont atteint leur maximum en termes de soutien financier. Et qu'ils doivent donc aussi aller chercher des financements privés", prévient le maire, Michel Gourinchas.

Le maire, le président de club... et l'élu communautaire

Cette relation entre la ville et les clubs représente bien l'un des principaux leviers. Avec toutes les difficultés que l'on connaît. "On est par exemple obligés de rappeler aux présidents de clubs que l'équipement dans lequel ils évoluent ne leur appartient pas", a  illustré Belkhir Belhaddad, adjoint au maire de Metz et co-président de la commission sport professionnel de l'Andes, l'Association nationale des élus en charge du sport.
Plus globalement, Belkhir Belhaddad évoque les "plans d'économies", "réorganisations", et "révisions des politiques tarifaires" auxquels doivent aujourd'hui s'atteler les villes. "On se doit de faire un effort de mutualisation", reconnaît-il lui aussi.
Et parler de mutualisation, c'est évidemment parler de relations commune-EPCI. Là-dessus, le maire de Cognac, également président de la communauté de communes, a témoigné de la façon dont il tente de mener un "reéquilibrage" entre la ville-centre et l'intercommunalité, avec reprise d'un certain nombre d'équipements par la communauté. En distinguant "équipements de proximité" et "projets structurants". Mais "l'exercice a ses limites", concède-t-il, sachant que ce type de transferts n'est pas toujours facile à faire accepter par les élus communautaires (un point dont il fut également question en fin de congrès lors des échanges consacrés à l'actualité des finances locales - lire notre article daté du 28 juin).

Sport en accès libre

Les plans d'économies passent aussi forcément par l'optimisation des équipements - ou comment "faire en sorte que les équipements soient les plus utilisés possibles". Là-dessus toutefois, attention aux fausses bonnes idées ou aux concepts dépassés. Tel celui de la salle polyvalente censée servir à tout... mais impliquant du coup aussi, par exemple, de chauffer cinq mètres de hauteur sous plafond pour un simple match de ping-pong. Mieux vaut alors miser sur des équipements "semi-spécialisés". C'est ce que suggère Gérard Basté, consultant et maître de conférences .
Des équipements désormais considérés comme peu rationnels et inadaptés... On risque d'en trouver de plus en plus, à en croire ce spécialiste des équipements sportifs. Entre autres parce que les collectivités n'ont pas encore toutes perçu à quel point les attentes et les pratiques ont évolué. Et Gérard Basté d'évoquer notamment le fait que "la pratique sportive autonome" est aujourd'hui plus importante que la pratique encadrée. Faire du sport "quand je peux" (c'est-à-dire pas forcément toujours au même moment), faire du sport "avec qui je veux" (y compris pour une activité auto-organisée via les réseaux sociaux), faire des choses diversifiées et nouvelles, courir sur des berges aménagées à cet effet plutôt que sur un stade... Face à ces demandes, les collectivités et les clubs doivent donc développer l'accès libre et les équipements évolutifs, savoir parler d'"urbanisme sportif"... s'ils ne veulent pas être mis sur la touche par l'offre privée qui, elle, "a déjà compris cela depuis longtemps".

Equipements démontables

Sur le terrain de l'investissement, Gérard Basté met par ailleurs l'accent sur l'intérêt des "équipements démontables, que l'on peut construire en quatre mois et qui coûtent trois fois moins chers" tout en étant aussi performants qu'un équipement classique. La patinoire de Reims en est un exemple.
En termes de modalités de financement, c'est Céline Senmartin, directrice adjointe de la direction du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts, qui a apporté certaines clefs aux élus réunis à Beauvais. Prêts à taux zéro pour les équipements nécessitant une renovation thermique (salle polyvalente, piscine...), nouvelle enveloppe de prêts de la BEI à taux fixe pour des projets d'un coût inférieur à 25 millions d'euros, prêts sur livret A "pour des projets à amortir sur une période pouvant aller jusqu'à 40 ans", intervention de la Caisse en tant qu'investisseur aux côtés de partenaires privés... La "panoplie des outils" est large. Sans oublier la dimension "accompagnement" afin d'aider les élus, a souligné Céline Senmartin, à identifier les projets prioritaires et les restructurations nécessaires. Et à penser leurs projets d'équipements y compris dans leur "dimension urbanistique" et leur contribution à l'attractivité du territoire.

Valérie Liquet et Claire Mallet

Des pactes culturels avec les départements et les régions
Rappelant que les "pactes culturels" avec les villes avaient été lancés début 2015 "au moment où on a vu un basculement des crédits municipaux", le secrétaire général du ministère de la Culture a confirmé que des pactes départementaux et régionaux seraient prochainement signés. L'objet ne serait pas cette fois-ci de promettre le maintien des crédits budgétaires de part et d'autre, mais plus globalement de prévoir des "engagements réciproques" entre l'Etat et les collectivités départementales et régionales. Histoire de choisir quels meubles sauver en priorité. Car la baisse des crédits culturels de ces deux niveaux de collectivités ne fait plus aucun doute pour personne. Et Christopher Miles de craindre de gros dégâts sur certains territoires "qui pourraient mettre des décennies à se reconstruire".
Dans l'Oise, face à la baisse de la DGF qui a entraîné "une perte de 29 millions d’euros entre 2014 et 2016 pour le département", le choix a été de "faire des économies sur les compétences facultatives", assume Nadège Lefebvre, deuxième vice-présidente du conseil départemental, chargée de la ruralité et des services publics. Si le niveau d'aides aux investissements sportifs et culturels des collectivités est resté constant, à hauteur de 40 millions d'euros, "on a mis en sommeil nos propres projets patrimoniaux", reconnaît Khristine Foyart, vice-présidente chargée de la culture et de la vie associative. "On a choisi de se déshabiller d'abord", résume-t-elle.
 V.L.

 

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