Vision politique et bénéfices mesurables, clés de la réussite des territoires connectés

Organisée à Granville (50) les 4 et 5 juin 2025, la première Biennale des objets connectés a démontré la vivacité de la dynamique des territoires connectés, qui intègre désormais des territoires au-delà des pionniers. Entre vision politique partagée et bénéfices palpables pour les petites collectivités, les conditions de leur succès se dessinent.

C'est à l'initiative du syndicat départemental Manche numérique qu'a été organisée la première biennale des objets connectés. Tout un symbole puisque cette collectivité ne fait pas partie de lauréats TID-DIAT (1) - très bien représentés dans les expériences proposées par ailleurs -, signe que la démarche dépasse le cercle des pionniers. Il est vrai qu'en ayant déployé un réseau fibre mutualisé, les syndicats départementaux sont particulièrement bien placés pour porter un projet de territoire connecté.

Un portage politique nécessaire

"Se lancer dans un projet IoT est un acte politique", rappelle Xavier Grawitz, vice-président de Manche Numérique, qui "considère le numérique non pas comme une couche supplémentaire de l'action politique, mais comme un fil conducteur qui irrigue toutes nos politiques." L'élu défend par ailleurs l'échelon départemental comme "le bon niveau" pour mutualiser les investissements et "déployer des équipements interopérables accessibles aux petites collectivités". 

Associer les communes

L'association des collectivités en amont du projet, futures utilisatrices du projet, apparait ensuite essentielle. Car comme le rappelle Luc Le Thorel, responsable données de la région Bourgogne-Franche-Comté, "il ne s'agit pas de déployer des capteurs pour déployer des capteurs mais de partir de besoins identifiés". Des besoins qui doivent satisfaire tous les profils de collectivités, à l'image du comptage de flux testé tant à Châteauneuf-en-Auxois, une commune touristique de 81 habitants, que sur la zone d'activité de l'agglomération de Montbéliard. Somme numérique va même un cran plus loin dans cette association en faisant de maires des "ambassadeurs du projet", concertés sur la lisibilité des tableaux de bord de supervision comme sur l'élaboration du modèle économique. "Comme ça, les élus savent combien ça coûte et il sera plus facile de déployer", assure Laurent Parsis, vice-président du syndicat.

Pour convaincre les petites communes utilisatrices, l'un des rares maires non-geeks présents dans la salle a aussi appelé à utiliser des "mots simples", compréhensibles par tous, les "gateways LoRa Wan" et autres "passerelles IOT" tenant plus selon lui "de la science-fiction". 

Formaliser le projet dans un schéma directeur

L'adhésion obtenue, le respect d'un certain formalisme est nécessaire. Cela passe notamment par l'élaboration d'un schéma directeur des objets connectés ou SDRoc. "Le nôtre a été voté à l'unanimité en avril 2023. C'était un gros 'go' pour avancer", se félicite Aurélie Boissier, en charge du smart territoire porté par le syndicat Val de Loire numérique. Audrey Maurel, co-présidente de la commission Territoires Connectés d'Infranum, ajoute que ce document "donne de la visibilité aux industriels et facilite leur passage à l'échelle", surtout s'ils respectent les préconisations techniques de la filière.

Proposer des bénéfices tangibles

Les territoires connectés ont ensuite besoin de résultats tangibles pour convaincre. Les premiers déploiements sont à cet égard plutôt probants, notamment sur la télérelève des compteurs d''eau. "Sur la ville de Carcassonne, nous avons obtenu 10% d'économie d'eau en une année", se réjouit Régis Banquet, président du Syaden. L'instrumentation des bâtiments publics constitue l'autre application phare avec des économies sur la facture d'énergie qui avoisinent souvent 30%.

A ces usages de portée nationale, s'ajoutent des applications répondant à des enjeux locaux. Dans l'Aude, le Syaden a équipé son département de caméras utilisant l'IA pour détecter les départs de feu. "Bilan : deux à trois fois moins d'hectares brûlés sur les deux dernières années, car les pompiers peuvent intervenir beaucoup plus rapidement", se félicite son président.

Bénéfices partagés

Chacun doit par ailleurs y trouver un avantage. Lorient agglomération a ainsi doté ses 12 déchetteries de capteurs. "L'habitant peut connaître en temps réel le taux de fréquentation via son application. Si c'est rouge, pas la peine d'y aller", illustre son responsable innovation Jérémie Gachelin. Un service qui améliore l'expérience usager tout en optimisant sa gestion car la collectivité connait désormais les zones de chalandise des déchetteries et identifie celles souffrant d'un déficit de fréquentation. Dans la Somme, on veille à ce que le service soit calibré pour chaque commune. Les élus du bassin versant ont ainsi pu demander à être prévenus au bon moment – les communes de l'amont n'ayant pas les mêmes besoin que celles de l'aval - afin de pouvoir prendre les mesures adéquates pour limiter les conséquences de la montée des eaux.

Points de vigilance

Le déploiement des territoires connectés soulève ensuite de nouveaux enjeux, aux premiers rangs desquels la cybersécurité. "Il faut penser sécurisation des interfaces, gestion des mots de passe, obsolescence", détaille Grégoire Fourcade du Sipperec, dont le syndicat a développé un accompagnement spécifique sur cette thématique. L'une des opportunités des territoires connectés est de pouvoir recentraliser des usages parfois déployés à l'initiative de directions métiers, sans avoir conscience que les objets connectés déployés – capteurs solaires et autres mobiliers urbains connectés – pouvaient comporter des failles de sécurité.

Cybersécurité rime du reste avec souveraineté des données, au cœur de la plupart des projets. "Nous garantissons la maîtrise de la donnée de sa collecte jusqu'à sa valorisation", insiste Luc Le Thorel de BFC. Une valorisation qui passe aussi par la normalisation, assez aboutie pour la télérelève de l'eau, mais encore balbutiante sur la plupart des capteurs. Ces enjeux dépassent cependant ceux des collectivités. Ariel Turpin, délégué général de l'Avicca, espère du reste que "la nouvelle feuille de route du programme transition numérique des territoires (TNT), présentée normalement ce 6 juin 2025, intégrera pleinement ces sujets". Sans se faire trop d'illusion sur son volet financements.

TID-DIAT (1) : "Territoires intelligents et durables" (TID) et "Démonstrateurs d'IA frugale au service de la transition écologique des territoires" (DIAT) accompagnés par la Banque des territoires.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis