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Urbanisme - Accélération des procédures, stabilisation des règles : le Sénat veut faciliter l'urbanisme de projet

Le groupe sénatorial de travail sur la simplification législative du droit de l'urbanisme, de la construction et des sols a présenté les conclusions de ses travaux le 29 juin. Après une vaste consultation nationale et de nombreuses auditions d'experts, il a élaboré une proposition de loi qui se donne pour objectifs d'accélérer la réalisation des projets locaux et de stabiliser le droit.

Article initialement publié le 1er juillet 2016

Près de 10.500 réponses à une consultation nationale à destination des élus locaux, des fonctionnaires territoriaux, des professionnels de l'urbanisme, de la construction, du patrimoine, de l'architecture mais aussi des citoyens, 22 tables-rondes et auditions, 99 personnalités entendues : c'est fort des éléments recueillis à l'issue d'une vaste démarche participative que le groupe sénatorial de travail sur la simplification législative du droit de l'urbanisme, de la construction et des sols vient de remettre un rapport d'information, accompagné d'une proposition de loi qui pourrait être examinée à l'automne au Palais du Luxembourg, à l'occasion d'une niche parlementaire.

Démarche transpartisane

Ces travaux s'inscrivent dans le cadre de la "stratégie de simplification normative" engagée en 2014 par le Sénat sous l'impulsion de son président, Gérard Larcher, a rappelé Jean-Marie Bockel, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de la Haute Assemblée, lors de la présentation des conclusions du groupe de travail à la presse le 29 juin. "Nous avons choisi une composition transpartisane et représentative des commissions concernées, ainsi que de la délégation aux entreprises", a souligné Rémy Pointereau, président du groupe de travail. Les deux rapporteurs, François Calvet (LR, Pyrénées-Orientales) et Marc Daunis (PS, Alpes-Maritimes), appartiennent respectivement à la majorité sénatoriale et à la majorité gouvernementale. "Nous avons voulu faire un travail consensuel, à partir des éléments remontant du terrain", a-t-il souligné, d'où la large consultation lancée en février dernier. "Nous avons aussi fait le choix de ne pas embrasser tous les domaines", a-t-il poursuivi, l'idée étant d'éviter les "simplifications de façade" ou celles risquant de peser sur les collectivités comme, par exemple, la réduction des délais d'instruction des autorisations d'urbanisme.

Réduire la durée des contentieux

Les résultats de la consultation nationale insistent sur une demande de procédures plus rapides et de davantage de stabilité. La proposition de loi sénatoriale, qui a fait l'objet d'une étude d'impact confiée à un cabinet d'avocat spécialisé pour sécuriser ses dispositions, a donc été bâtie autour de ces deux volets. Elle entend d'abord remédier à la lenteur du contentieux en matière d'urbanisme. Alors que les délais de jugement sont aujourd'hui de l'ordre de 4 ans et demi, le texte se donne pour ambition de les ramener à six mois.
L'article 1er propose pour cela une série de mesures prolongeant et approfondissant les effets de l'ordonnance "Labetoulle"  de 2013. "Il s'agit, par exemple, de donner au juge la possibilité de soulever d'office la cristallisation des moyens alors qu'il doit actuellement attendre une demande des parties, d'imposer aux requérants en matière d'urbanisme la rédaction de conclusions récapitulatives qui lieraient les parties à l'image de la procédure civile, d'instaurer un mécanisme de caducité de l'instance permettant de clore automatiquement un procès si le requérant ne produit pas un élément demandé par le juge", illustrent les rapporteurs. Ils proposent aussi, à l'article 2, de faciliter l'octroi de dommages et intérêts en cas de recours abusif en supprimant l'exigence d'un "préjudice excessif" "difficile à démontrer et peu mobilisé par les juges", soulignent-ils.

Meilleur dialogue Etat-collectivités

Les sénateurs estiment aussi que l'accélération des procédures passe par un "dialogue renforcé entre Etat et collectivités" (article 7 de la proposition de loi). "La consultation nationale a montré la profonde dégradation entre les services de l'Etat (DDT, Dreal, Architectes des Bâtiments de France…) et les collectivités", ont-ils relevé. Ils veulent donc "systématiser les possibilités de dialogue Etat-collectivités sur les projets structurants." Une instance départementale de dialogue devra permettre "de renforcer, dès l'engagement d'un projet, la transversalité entre les services de l'Etat, d'inciter davantage ces services à accompagner les projets et à se placer dans une posture plus facilitatrice que contrôleuse ou répressive", préconisent les rapporteurs qui jugent qu'elle donnera "une visibilité aux collectivités sur les règles auxquelles leurs projets doivent répondre".
Le préfet devra organiser "systématiquement" dans son département un dispositif de référent juridique unique pour aider porteurs de projet et collectivités dans les domaines de l'urbanisme et de l'aménagement, ajoutent-ils. Un dispositif qu'ils voient comme "un élément important de cadrage et de suivi de la procédure que le gouvernement compte mettre en œuvre de permis environnemental unique". "A terme, pronostiquent-ils, les porteurs de projets disposeront d'un véritable rescrit environnemental".
Le préfet aurait aussi la charge de faire remonter au niveau central les difficultés en matière d'application des normes législatives ou réglementaires "pour pallier l'actuel manque de visibilité de l'exécutif en la matière", poursuivent les rapporteurs.

Simplification des règles pour les ZAC, mesures d'ajustement pour l'archélogie préventive

En réponse à des demandes exprimées par les aménageurs, le texte propose par ailleurs une simplification des règles applicables aux zones d'aménagement concerté - ZAC (article 6). Il s'agit, par exemple, de donner à l'aménageur la faculté de fusionner dossiers de création et de réalisation de ZAC, une disposition jugée particulièrement utile pour les ZAC de faible ampleur. La proposition de loi ouvre également la faculté de reporter l'étude d'impact au moment du dossier de réalisation de la ZAC "afin d'éviter les redondances inutiles d'études d'impact".
Le texte comporte également des mesures d'ajustement relatives à l'archéologie préventive (article 8). "Elles visent à donner plus de prévisibilité aux porteurs de projets", insistent les rapporteurs. Dans le cadre d'une demande anticipée de prescription archéologique, il est prévu de supprimer la durée limitée à cinq ans de la renonciation de l'Etat à prescrire un diagnostic lorsque celui-ci est jugé inutile. Autre mesure prévue à l'article 8 : conforter le délai de trois mois dont dispose le préfet de région pour prescrire des fouilles à compter de la réception du diagnostic. "L'avantage de la disposition est faire respecter le délai légal et de donner plus de visibilité aux aménageurs", justifient les rapporteurs.
La proposition de loi crée en outre une procédure accélérée de travaux en cas d'urgence en sites classés (falaises dangereuses nécessitant des travaux, afflux de population soudain nécessitant des constructions…) afin d'éviter de s'en remettre à la jurisprudence (article 12). Elle propose également une expérimentation en matière d'accessibilité aux personnes handicapées (article 11) qui autoriserait les établissements recevant du public (ERP) de petites communes (moins de 2.000 habitants), situés à proximité les uns des autres (50 mètres maximum), à mutualiser les places de stationnement adaptées aux personnes handicapées.

"Cristallisation" des règles du PLU pendant au moins trois ans

Le deuxième volet de la proposition de loi entend répondre à la demande de stabilisation des règles, "unanime de la part des élus et des professionnels", soulignent les rapporteurs. Le texte veut d'abord limiter l'effet perturbateur pour les plans locaux d'urbanisme (PLU) des évolutions imposées par les documents supérieurs - schémas de cohérence territoriale (Scot) ou autres (article 3). La mesure consiste à "cristalliser" les règles du PLU pendant au moins trois ans et de donner de la prévisibilité aux collectivités sur le calendrier d'évolution des PLU en prévoyant un rendez-vous triennal qui poserait la question de leur mise en compatibilité éventuelle.
"Au lieu d'être soumise à des évolutions dictées par les calendriers des documents supérieurs, la collectivité ne se poserait la question de la mise en compatibilité qu'à l'occasion de ce rendez-vous, font valoir les rapporteurs. Il s'agirait aussi d'éviter qu'à l'occasion d'une mise en compatibilité imposée par l'évolution du Scot, du PLH [plan local de l'habitat, ndlr] ou du PDU [plan de déplacements urbains, ndlr], une révision complète ne remette en question les fondements du projet urbain." Selon les auteurs de la proposition de loi, la nouvelle procédure assouplirait le délai de mise en compatibilité puisque l'on passerait d'un délai légal de 3 ans actuellement à un délai adapté à la situation de la collectivité qui serait compris entre 3 et 6 ans.

Maîtriser les circonstances du passage à un urbanisme intercommunal

Le texte vise aussi à "mieux maîtriser les circonstances du passage à un urbanisme intercommunal" (article 4). La rédaction actuelle de l'article 153-2 du code de l'urbanisme prévoit que lorsqu'une commune fait partie d'une intercommunalité à compétence Plu, le lancement d'une révision simplifiée du PLU communal déclenche automatiquement l'élaboration du PLU intercommunal (PLUi). Un changement minime des règles d'urbanisme sur le territoire d'une commune peut donc entraîner le passage de toute une intercommunalité au PLUi. Or, "ce passage doit résulter d'une volonté politique forte et non pas dépendre d'un événement incident", soulignent les rapporteurs. Ils proposent donc que la révision simplifiée d'un PLU communal ne soit plus un motif de passage obligatoire au PLUi et que seule une révision pleine et entière d'un PLU, touchant aux orientations du plan d'aménagement et de développement durables (Padd) déclenche l'élaboration d'un PLUi dans les EPCI compétents.

Régime de protection des abords des monuments historiques : revoir le dialogue avec les ABF

Autre piste de stabilisation des règles : le régime de protection des abords des monuments historiques (article 9). La consultation nationale a fait ressortir de très nombreuses critiques sur l'imprévisibilité et la variabilité des prescriptions des ABF dans ce cadre. Le groupe de travail a donc proposé de donner la faculté à l'autorité responsable du Plu de renforcer l'association des ABF à la définition des règles locales d'urbanisme dans les périmètres de protection des abords de façon à assurer une meilleure prévisibilité et continuité de leurs décisions. En contrepartie, les ABF devraient fonder la motivation de ces décisions sur les prescriptions édictées à l'occasion de leur association. L'idée étant de permettre un meilleur dialogue entre les collectivités et les ABF. La mesure préconisée prendrait la forme d'une expérimentation sur trois ans, limitée à des sites choisis par le préfet, parmi les collectivités candidates "s'agissant d'un domaine sensible et pour ne pas étouffer les services ABF", justifient les rapporteurs.
Par ailleurs, le texte prévoit de renforcer la connaissance et la transparence des actes des ABF par leur publication systématique dans les bulletins municipaux ou d'EPCI ainsi que sur le site internet du ministère chargé de la culture (article 10).

Sécurisation des opérations d'aménagement

Enfin, le texte entend sécuriser les opérations d'aménagement en cas d'annulation du PLU (article 5). Actuellement, dans ce cas de figure, les permis d'aménager délivrés avant l'annulation sont juridiquement sécurisés mais les permis de construire subséquents ne le sont pas, "ce qui n'est pas cohérent car une opération d'aménagement n'a de sens que si elle débouche sur la réalisation des constructions", soulignent les rapporteurs. La proposition pourrait donc sécuriser les permis de construire, dès lors que l'annulation du PLU est fondée sur des motifs d'illégalité externe (incompétence, forme, procédure…). 

 

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