Accès aux soins : avec la suppression du numerus apertus, Yannick Neuder promet "un choc de formation"
Après la suppression du numerus clausus en 2019, le Sénat a entériné le 18 juin 2025 la fin du numerus apertus en faisant des "capacités de formation" un critère "subsidiaire" dans la fixation des objectifs pluriannuels d’ouverture de places. L’objectif : former davantage de médecins, à la hauteur des besoins des territoires. Mais les moyens permettront-ils de traduire cette ambition en actes ?

© Capture vidéo Sénat/ Yannick Neuder au Sénat le 18 juin
La proposition de loi (PPL) visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation a été adoptée définitivement par le Parlement le 18 juin 2025, par un vote des sénateurs sur un texte conforme à la version qui avait été adoptée fin 2023 à l'Assemblée nationale. Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, qui avait porté cette PPL en tant que député avant de la remettre à l’ordre du jour en tant que ministre, s’est félicité de mesures qui permettront selon lui "un choc de formation" pour lutter contre les déserts médicaux.
Le critère des "besoins de santé du territoire" devient prioritaire
"Nous formons le même nombre de médecins qu’en 1970 alors que nous sommes 15 millions de Français en plus, que la population a vieilli, qu’il y a plus de maladies chroniques (…) et que le rapport au travail a changé puisque, quand un médecin part en retraite, il faut entre deux et trois médecins pour le remplacer", explique-t-il dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Le ministre promet donc d’"agir" pour "former dans chaque département en France des étudiants en santé", grâce au pacte présenté en avril par le gouvernement pour lutter contre les déserts médicaux (voir notre article) et la suppression du numerus apertus présenté comme un "goulot d’étranglement" ne permettant pas de répondre aux besoins des territoires.
Mis en place en 2019 en remplacement du numerus clausus, le numerus apertus devait pourtant déjà permettre une augmentation du nombre de places sur la base de deux critères : les capacités des universités et les besoins des territoires. Dans un rapport de décembre 2024, la Cour des comptes appelait à revenir sur ce système, estimant que l’augmentation constatée du nombre de places de formation en médecine était "sans lien évident avec les besoins des territoires" (voir notre article). Désormais, le critère des "besoins de santé du territoire" sera prioritaire et celui des "capacités de formation" subsidiaire. Yannick Neuder appelle à "doter nos universités" des moyens suffisants et à rapatrier par la même occasion les 1.600 étudiants français qui partent chaque année se former à l’étranger, faute de places en France.
Un risque de dégradation de la qualité des enseignements ?
Si l'ambition du texte est partagée par tous, de sérieuses réserves ont été exprimées lors de l’examen sur son efficacité réelle, alors que les moyens alloués aux étudiants en médecine font déjà l'objet de critiques dans les universités. "Ne nous faisons pas d'illusion : les universités ne pourront pas former davantage d'étudiants que leur capacité d'accueil réelle simplement parce qu'on le leur demande, sauf à dégrader la qualité des enseignements", a alerté la sénatrice socialiste Émilienne Poumirol. Plusieurs sénateurs ont ainsi appelé le gouvernement à se donner les moyens de son ambition lors des prochains débats budgétaires de l'automne, qui s'annoncent très tendus en raison des économies recherchées par l'exécutif pour faire face au dérapage du déficit public.
"Cette proposition ne permettra pas de résoudre l'ensemble des difficultés constatées dans les études de santé, mais les mesures qu'elle porte seront utiles pour augmenter le nombre d'étudiants", a de son côté jugé Philippe Mouiller, président LR de la commission des affaires sociales du Sénat qui porte lui-même une PPL sur le même sujet de l’accès aux soins dans les territoires (voir notre article).
Les mesures de la loiArt. 1 : Pour déterminer les capacités d'accueil des formations en deuxième et troisième années de médecine, les objectifs pluriannuels seront définis en fonction des "besoins de santé du territoire puis, à titre subsidiaire, des capacités de formation". Si les capacités d’accueil d’une université "ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels arrêtés", selon l’agence régionale de santé (ARS) ou le conseil territorial de santé (CTS) concerné, l’ARS "peut être appelée à mettre en œuvre des mesures visant à accroître ses capacités d’accueil", selon des modalités qui seront précisées par décret. Art. 2 : Pour "combattre la fuite des cerveaux", le gouvernement remettra dans les six mois un rapport au Parlement sur les étudiants français inscrits en formation de médecine à l’étranger. Art. 3 : Pour "développer l’accès aux soins médicaux par la formation des professionnels paramédicaux", le gouvernement remettra au Parlement, dans les six mois, un rapport visant à lever les freins aux reconversions vers la profession de médecin et à renforcer les passerelles. Art. 4 : Un autre rapport du gouvernement sera remis au Parlement afin d’examiner l’offre de formation en médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique dans les déserts médicaux et de proposer "l’implantation de nouveaux lieux de formation" pour "garantir l’équité territoriale". |