Accueil de datacenters : le gouvernement déroule son argumentaire
La Direction générale des entreprises (DGE) a publié un guide pour accompagner l'implantation de centres de données en France. Un document-plaidoyer qui cible principalement les territoires, interlocuteurs indispensables à la concrétisation des 109 milliards d'euros d'investissements annoncés lors du sommet IA de février 2025.
© DGE et Adobe stock
Si les annonces d'investissements dans l'IA se chiffrent en milliards d'euros, leur concrétisation passe par la mobilisation des territoires pour trouver du foncier disponible. C'est la raison pour laquelle les élus sont le cœur de cible du "guide d'implantation des datacenters" que vient de publier la Direction générale des entreprises. A la différence de celui d'Infranum sur les centres de données de proximité (notre article du 26 novembre 2025), il s'intéresse à tous les équipements, et notamment aux méga datacenters dédiés à l'IA.
Saturation de l'Ile-de-France
La DGE rappelle tout d'abord les atouts de la France dans la compétition mondiale autour de l'IA avec une "infrastructure énergétique solide, décarbonée et fiable", grâce à une électricité principalement d'origine nucléaire. L'accueil de data centers sur le territoire national est également présenté comme un enjeu de "souveraineté numérique", permettant de réduire la dépendance aux acteurs américains. Bercy souligne ensuite que l'Ile-de-France, qui concentre aujourd'hui la majorité des datacenters, "subit actuellement une saturation du réseau de transport d'électricité", ce qui oblige à investiguer d'autres régions. Une task force pilotée par la DGE et Business France a déjà identifié 63 sites propices dans 10 régions.
Le guide détaille la typologie des datacenters et leurs besoins fonciers. Ceux-ci vont de quelques centaines de m² pour les petites installations de proximité, dites "edge", à plusieurs dizaines d'hectares pour les infrastructures dites "hyperscales". Il est suggéré de prioriser les friches industrielles pour respecter la stratégie zéro artificialisation nette et faciliter les raccordements électriques. Ces installations ont des besoins allant de quelques mégawatts à plus d'un gigawatt pour les plus grandes, avec une moyenne autour de "50-250 MW pour les projets d'ampleur".
Des retombées économiques
Dans l'argumentaire de Bercy, on retrouve ensuite un gain "d'attractivité" pour l'innovation et la perspective de recettes fiscales (TFPB, CFE, CVAE), les services locaux de la DGFIP étant à la disposition des collectivités pour les évaluer. S'y ajoutent la promesse d'emplois, estimés à environ 50 ETP pour 100MW, et des contreparties "négociables" : formation, récupération de chaleur pour les réseaux urbains, dépollution du site utilisé...
Le guide invite à privilégier les opérateurs de colocation ancrés en France (Data4, Digital Realty, Equinix, Telehouse), les fournisseurs cloud français et européens (OVHcloud, Orange Business Services, OpCore, 3DS Outscale) et des acteurs émergents du "neo-cloud" comme le français Sesterce, tout en reconnaissant implicitement que les principaux investisseurs restent les hyperscalers américains. Pour les sites publics, le guide incite à utiliser une procédure de mise en concurrence du type "appel à manifestation d'intérêt" pour sélectionner les projets.
Encadrement environnemental
Sur les enjeux écologiques, le ton se veut rassurant, avec une mise en avant des avancées technologiques et des engagements de la filière. La consommation d'eau des équipements les plus récents est comparée à "celle de quelques dizaines de foyers" avec le recours à des techniques "en circuit fermé", sans préciser toutefois la taille de l'installation associée. Les territoires sont invités à être vigilants sur la valorisation de la chaleur fatale, les indicateurs d'efficacité énergétique (PUE) et de consommation d'eau (WUE) et l'adaptation des systèmes de refroidissement aux contraintes locales. Cinq profils-types sont distingués (tempérée, stress hydrique, forte humidité, chaude, froide) avec des recommandations techniques pour chaque configuration.
Accélérer ou concerter
Le guide reste toutefois évasif sur les potentiels conflits d'usages, un argument mis en avant par une ville comme Marseille pour demander le déplacement en périphérie d'un mégaprojet de centre de données. Il mentionne cependant que RTE prend en compte "les potentiels enjeux de tension sur le réseau et de concurrence avec d'autres activités économiques". Il est aussi rappelé que "l'autorité administrative" peut refuser un projet en zone de stress hydrique structurel. Le projet d'étendre aux datacenters le statut de projet d'intérêt national majeur (PINM) est aussi évoqué. Mais celui-ci ne va pas dans le sens de la concertation en promettant, si le projet de simplification de la vie économique achève son parcours législatif, d'accélérer l'obtention des autorisations d'urbanisme et des dérogations sur les espèces protégées.
Les porteurs de projets français peuvent contacter la DGE, les étrangers devant se tourner vers Business France. Au niveau local, les DREETS et agences régionales de développement assurent l'interface entre projets et territoires.