Astrid Panosyan-Bouvet appelle à changer de regard sur les "travailleurs expérimentés"
Alors que l’examen au Sénat du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social démarre, le gouvernement entame en parallèle une campagne de communication destinée à "changer le regard" porté sur ceux qu’il ne faut plus désormais appeler "les seniors".

© Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Astrid Panosyan-Bouvet l’a rappelé devant la presse lundi 2 juin : elle souhaite à travers ce texte qui entame son parcours au Sénat mercredi "changer les pratiques" et "changer les regards" sur ceux qu’il convient désormais de qualifier de "travailleurs expérimentés". Car, veut croire la ministre en charge du Travail et de l’Emploi, pour lutter contre les préjugés, l’enjeu est avant tout sémantique. C’est l’objectif d’une campagne de communication lancée en début de semaine, largement diffusée sur les ondes comme sur les réseaux sociaux, avec l’ambition de contribuer à faire évoluer les mentalités, notamment chez les recruteurs.
A l’origine de cette démarche, il y a un constat, a rappelé la ministre : le maintien en emploi comme le recrutement des travailleurs expérimentés est un maillon faible des politiques de l’emploi en France. L’Hexagone reste en effet "très en retard" en comparaison de ses voisins européens ainsi que de la moyenne des pays de l’OCDE : à 61,5%, le taux d’emploi des 55-64 ans est inférieur de 15 points à celui de l’Allemagne ; pour les 60-64 ans, la ministre évoque même "un décrochage" avec un taux de 37% très largement inférieur à celui de l’Allemagne (67%) comme des pays scandinaves (70%) qui pratiquent davantage le temps partiel et les dispositifs de retraite programmée. "Derrière ces statistiques, il y a un immense gâchis humain et économique", a martelé la ministre qui y voit "un sujet majeur".
Combiner accompagnement collectif et individuel intensif
Si le taux de chômage des 50+ est relativement bas à 5,5%, la ministre souligne néanmoins la surreprésentation des chômeurs de longue durée qui traduit une réelle difficulté à retrouver un emploi. Pour y remédier, "France travail doit évoluer dans sa manière d’aborder le sujet", a expliqué Astrid Panosyan-Bouvet. Cela passera dès septembre prochain par une formation spécifique des agents à ces problématiques ainsi que par la mise en place progressive de dispositifs d’accompagnement collectifs et individuels dédiés. En premier lieu, elle a évoqué la généralisation progressive dès 2026 d’un dispositif expérimenté en Ile-de-France, dédié à la reconversion, et qui propose un accompagnement intensif sur 4 mois. En parallèle, dès l’automne prochain France travail lancera le dispositif Boost 50+ qui vise à accélérer le retour à l’emploi à travers un programme de 8 à 12 semaines qui combine accompagnement collectif et individuel avec un travail spécifique sur la définition du projet du demandeur d’emploi expérimenté, pour lequel un changement de métier doit pouvoir être étudié, a insisté la ministre. Le déploiement de ce programme dans les 900 agences de France travail devrait être finalisé d’ici 2027.
Au sujet du traitement de la reconversion, la ministre a insisté sur le fait que "nos outils ne sont pas suffisamment adaptés" et qu’il convient désormais de généraliser ces "modules de formation intensifs" qui débouchent sur "des taux de réinsertion très élevés" de l’ordre de 85%. Dans son entreprise de communication, France travail inaugure ce mois-ci un cycle de conférences et de job dating dans plusieurs villes françaises qui va démarrer à Lille avant de passer par Nantes, Bordeaux ou encore Rouen. Un dispositif complété par un site dédié qui renvoie les usagers vers "l’écosystème de l’emploi".
Au-delà, l’ambition de cette campagne de communication pour laquelle le gouvernement engage 1,5 million d’euro, consiste à "changer le regard" sur les travailleurs expérimentés et à lutter contre les préjugés au sein même des entreprises alors que "celles qui marchent bien misent sur l’intergénérationnel", a expliqué la ministre qui estime nécessaire de mieux "valoriser l’expérience" des 50+. La ministre a ainsi appelé à "déconstruire les stéréotypes" en changeant la sémantique afin de construire une représentation "qui s’éloigne de l’image des personnes âgées", d’où l’abandon de la terminologie "séniors" au profit de "travailleurs expérimentés". Enfin, face à des situations loin d’être "uniformes", la ministre a plaidé pour davantage de souplesse dans les entreprises, avec notamment la généralisation de la retraite progressive et du temps partiel qui répond, a-t-elle estimé, aux aspirations des travailleurs ciblés, même si à 50 ans "on est encore très loin de la retraite et de l’inactivité".