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"Beauvau de la sécurité" : et les policiers municipaux ?

Mis à part un renforcement des coopérations entre police municipale, forces de l'État et justice, le discours de clôture du "Beauvau de la sécurité" d’Emmanuel Macron a fait peu de cas de la "troisième force de sécurité" du pays. À voir si la Lopsi préparée par le ministre de l’Intérieur, attendue pour début 2022, sera plus diserte. Un texte programmatique qui ne pourra être examiné avant la fin du quinquennat. Mais vise déjà plus loin.

Promis lors du lancement du "Beauvau de la sécurité", le grand "projet de loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure" est bien à l’ordre du jour. Il englobera même "les" sécurités intérieures, a précisé Emmanuel Macron, le 14 septembre à Roubaix, en concluant ce "Grenelle des forces de l’ordre" qu’il avait lui-même appelé de ses vœux en décembre, en pleine affaire "Michel Zecler". Ses déclarations sur les contrôles aux faciès avaient suscité l’ire des syndicats de policiers. L’exercice aura duré sept mois, comme "les sept péchés capitaux" identifiés par Gérald Darmanin (manque de formation, réforme du contrôle, besoins matériels, captations d’images…). Le ministre de l’Intérieur présentera le texte en conseil des ministres "début 2022". Mais l’encombrement du calendrier parlementaire ne laissant pas espérer un examen avant la fin du quinquennat, il s’agit surtout de poser un cadre pour la campagne qui s’annonce… et de donner rendez-vous après l’élection présidentielle. Le choix de se rendre sur les terres de Xavier Bertrand ne doit d'ailleurs sans doute rien au hasard. "La Nation est aux côtés de sa police et de sa gendarmerie, pas en mots, en bricolage, mais en profondeur (…). N’écoutez jamais les cris de haine, ils sont indignes", a clamé Emmanuel Macron devant un parterre de policiers et gendarmes réunis sur le parvis de l’École nationale de police de Roubaix.

"Mettre du bleu dans la rue"

Le chef de l'État dit vouloir s’inscrire dans le "temps long" car "on ne peut pas piloter notre politique de sécurité à l’embardée, à l’émotion". L’objectif : penser la police et la gendarmerie de "2030" et s’adapter "aux nouvelles formes de délinquance", comme la cybercriminalité. Il veut aussi impulser un "virage" au ministère de l’Intérieur en matière de transformation numérique. Le chef de l’État promet de "doubler sous dix ans" la présence sur la voie publique des policiers et gendarmes et de les "dégager des tâches administratives". Il a redit vouloir "mettre du bleu dans la rue" pour "rassurer les habitants" et "dissuader les délinquants". Il a demandé que "d’ici au 1er janvier 2022", une réforme sur les "cycles horaires" soit finalisée pour que la présence des forces de police corresponde mieux "aux réalités du terrain". Il a aussi annoncé le lancement des "plaintes en ligne" (et non seulement des pré-plaintes) à partir de 2023. Comme l’avait déjà annoncé Gérald Darmanin (voir notre article du 25 juin 2021), la Lopsi s’attèlera en outre à l’aménagement des casernes, dont le coût est important pour les collectivités…

500 millions d'euros de plus

Mais le chef de l’État a aussi annoncé des mesures immédiates comme une rallonge de 500 millions d’euros sur le budget de de la sécurité, qui passera à 1,5 milliard d’euros en 2022 (c'est toutefois bien moins que les 900 millions d'euros de plus récemment évoqués par Jean Castex). De quoi "investir dans l’humain à court terme". "95% des mesures qui ressortent du Beauvau de la sécurité concernent le matériel, les investissements, les conditions de travail, et ne relèvent que marginalement du catégoriel", a-t-il signalé.
Toutes ces mesures s’inscrivent dans une "stratégie complète". Il s’agit aussi d’apporter une "réponse radicale" à la délinquance. L’amende pénale forfaitaire qui, selon lui, a permis une "vraie politique de pilonnage sur les points de stupéfiants" va être étendue à deux nouveaux domaines : les occupations illicites par les gens du voyage et les occupations de halls d’immeubles (voir notre article). Elle permet de "frapper au porte-monnaie".
Sévère à l’égard des "180.000 rappels à la loi" amenés à disparaître, Emmanuel Macron souhaite plus globalement une réforme de la procédure pénale. Il a demandé une "simplification drastique" du cadre des enquêtes, avec la généralisation des procès-verbaux de synthèse pour les petits délits. "Ce sujet mérite mieux que des débats d’estrades", a-t-il jugé. À l’approche de l’ouverture des "États généraux de la justice", il a demandé au garde des Sceaux, également présent dans la salle au côté de Gérald Darmanin, de lui proposer des "mesures de simplification très concrètes de procédure pénale".

Renforcement du contrôle et de la formation

Autre thème de ce Beauvau de la sécurité : le contrôle des policiers. Emmanuel Macron se refuse à réformer l’IGPN, la "police des polices", souvent critiquée pour son manque d’indépendance, ou l’IGGN (pour la gendarmerie). Mais il a retenu l’idée d’une instance parlementaire de contrôle de l’action des forces de l’ordre, sur le modèle du contrôle parlementaire du renseignement. "Nous n’avons rien à craindre d’une surveillance accrue", a-t-il tenu à rassurer, rappelant les données du Défenseur des droits. Sur les 7.564 appels reçus depuis le lancement de la plateforme anti-discriminations, le 12 février 2021, seulement 4% concernaient les forces de l’ordre. "Les forces de l’ordre dans leur immense majorité font preuve de déontologie", mais "quand on aime les forces de l’ordre, on ne leur passe pas tout", a-t-il dit.
Le président de la République a également insisté sur le besoin d’un renforcement de la formation initiale des policiers, qui pourrait être rallongée de huit à douze mois. De plus, la formation d'officier de police judiciaire sera intégrée à la formation initiale. La formation continue des policiers et gendarmes augmenterait, elle, de "50%". Il s'engage en outre à ce que le délai entre la réussite du concours et l’entrée en formation soit ramené à six mois maximum, alors qu'il peut aller jusqu'à deux ans. À noter également que les policiers ne porteront plus de casquette mais un calot. 
Le déploiement des caméras embarquées dans les véhicules devrait être effectif "dès 2023". La mesure figure dans le projet de loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure qui sera débattu lors de la session extraordinaire qui s'ouvre la semaine prochaine.
Les policiers municipaux, qui avaient réussi à se faire inviter à la dernière minute à ce Beauvau de la sécurité, ont à peine été effleurées dans le discours du chef de l’État. Celui-ci a tout juste salué la contribution de l’Association des maires de France et des associations d’élus, rappelant que les collectivités territoriales se mobilisaient pour les réseaux de vidéoprotection. Et souligné que le renforcement des coopérations entre police municipale, police nationale et gendarmerie nationale et la justice est "indispensable".

 

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