Concours financiers de l'État : les collectivités menacées d'une "année blanche" en 2026

Le gouvernement pourrait proposer que les concours financiers versés par l'État aux collectivités locales soient gelés, voire réduits, en 2026. L'hypothèse est bien sur la table de la préparation du projet de budget pour l'an prochain, comme vient de le confirmer le cabinet de la ministre de l'Action publique aux représentants des associations d'élus locaux. 

Les élus locaux et les techniciens des associations d'élus locaux rencontraient le 26 mai les collaborateurs d'Amélie de Montchalin, ainsi que de ses collègues François Rebsamen (Aménagement du territoire) et Éric Lombard (Économie). Il s'agissait de la première réunion des groupes de travail sur les finances locales, mis en place dans la foulée de la conférence financière des territoires du 6 mai (voir notre article).

Dans une note de cadrage transmise aux participants du groupe de travail dédié à "la prévisibilité pluriannuelle des recettes, notamment d'investissement", les cabinets ministériels avaient indiqué que l'un des "enjeux serait d'analyser différents scénarios d'évolution (y compris une 'année blanche') en recettes et dépenses de fonctionnement". Ce qui n'a pas échappé aux élus locaux et à leurs représentants. Ils ont évidemment questionné leurs interlocuteurs sur ce qu'il fallait comprendre par ces termes. Une réponse n'a été formulée par ces derniers qu'au cours de la "deuxième partie de la réunion" du matin, relate Franck Claeys, délégué adjoint de l'association France urbaine. Interrogé par Localtis, il poursuit : les représentants des cabinets ministériels "nous ont confirmé qu'ils étudiaient différentes hypothèses de gel, voire de ponction (mais ils n'ont pas utilisé ce terme) des fonds de concours aux collectivités, en affirmant qu'au moment où nous nous parlions, c'était encore à l'état de réflexion".

Contradiction

"L'éventualité" du "gel d’une part des recettes des collectivités" a été évoquée, indique de son côté l'Association des petites villes de France (APVF) dans un communiqué. À travers cette mesure, le gouvernement projetterait de réduire le besoin de financement des collectivités, lequel s'est creusé ces deux dernières années, notamment du fait de la croissance rapide de l'investissement local.

Nicolas Méary, maire de Brétigny-sur-Orge, qui représentait l'association Villes de France aux réunions, confirme l'information. Mais "la situation est encore floue" et "rien n'est arbitré" s'agissant de cette idée d'une année blanche", nuance-t-il.

En tout cas, les élus locaux sont déjà très sceptiques sur la pertinence de cette piste. "Ce n'est pas la meilleure solution : une année blanche va conduire à décaler les projets d'investissement, c'est tout", considère Nicolas Méary. À France urbaine, Franck Claeys pointe même "une contradiction entre cette hypothèse de gel ou réduction des concours financiers de l'État et l'objectif de réduction à zéro du besoin de financement" du secteur public local. En effet, fait-il remarquer, "toutes choses égales par ailleurs" [donc dans l'hypothèse d'une stabilité de l'investissement local] l'impact de la mesure étudiée sur le budget des collectivités, "c'est une réduction de l'autofinancement", c'est-à-dire la part des recettes de fonctionnement qui permet de financer les investissements. 

Appels à projets : la logique "à bout de souffle"

Toutefois, pour le gouvernement, les collectivités peuvent surmonter cette apparente contradiction en freinant, voire en réduisant, leurs dépenses de fonctionnement, notamment en matière de personnels. Il défend notamment l'idée que les collectivités pourraient ne pas remplacer tous les agents territoriaux qui vont être de plus en plus nombreux à partir en retraite dans les prochaines années. Mais les associations d'élus locaux sont là encore très réservées. La masse salariale est "le deuxième levier qui est activé dans les politiques de rationalisation menées par les petites villes", reconnaît Emma Chenillat, responsable finances et fiscalité à l'association qui regroupe les communes de cette strate, l'APVF. Mais ces dépenses "continueront à augmenter ces prochaines années", notamment compte tenu de la hausse des cotisations vieillesse des employeurs jusqu'en 2028 et des créations de postes qui découlent des nouveaux besoins, y compris ceux qui sont créés par les décisions de l'État", pointe-t-elle.

Le gouvernement se dit aussi prêt à étudier les modalités d'un "moratoire" sur les nouvelles normes, très attendu par les élus locaux. Mais ses premières annonces concernant le droit de l'urbanisme et la gestion des ressources humaines, laissent à penser qu'ils "l'abordent sous l'angle de la simplification", constate Emma Chenillat.

Pour faire passer la pilule en ce qui concerne la possible atonie des recettes des collectivités en 2026, le gouvernement promet aux élus locaux d'améliorer la visibilité sur celles-ci. Mais sans dire précisément par quel levier cela passerait. Sur ce sujet, plusieurs élus ont, eux, pointé la "logique à bout de souffle" des appels à projets. Ceux-ci posent "de véritables difficultés quant à la capacité des communes à planifier des projets et rendent très difficile le débat démocratique avec les concitoyens, car ils nous rendent très dépendants d'un oui ou d'un non de l'État qui arrive très tard", explique le maire de Brétigny-sur-Orge.

 

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