Coût de Paris 2024 : la singulière gymnastique du Crédoc
Une étude du Crédoc pour le compte du haut-commissariat à la Stratégie et au Plan divise par deux le coût des Jeux olympiques de Paris 2024 tel que l'avait estimé la Cour des comptes. Pour parvenir à ce chiffre, le centre considère que l'investissement dans les infrastructures est tout autant un héritage qu'un coût et fait appel à un "scénario fictif" découlant de la "satisfaction" des spectateurs.
© CHANG W. LEE/The New York Times/Redux -REA
Combien ont réellement coûté les Jeux olympiques de Paris 2024 ? La Cour des comptes a chiffré à 6,65 milliards d'euros le total des dépenses publiques engagées pour organiser la compétition (lire notre article du 29 septembre). Pas du tout ! répond le Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) dans une étude commandée par le haut-commissariat à la Stratégie et au Plan et publiée ce 16 décembre. Pour lui, le "coût net" de Paris 2024 s'élève plutôt à 2,8 milliards d'euros.
Comment le Crédoc en arrive-t-il à ce chiffre si éloigné de celui de la Cour des comptes ? Parce qu'il a cherché à savoir, "au-delà des coûts budgétaires", quels étaient les "bénéfices pour aujourd'hui et demain". "Si on se limite à certains acteurs, explique Clément Beaune, le haut-commissaire à la Stratégie et au Plan, on a une approche limitée et non pas une approche qui enrichit. Avec notre méthode, on entre dans une logique d'investissement."
"Valeur d'héritage"
Quand la Cour des comptes, par exemple, estime à 3,6 milliards d'euros le coût des infrastructures construites pour Paris 2024, le Crédoc, lui, y voit "des retombées de long terme" et émet "certaines hypothèses, qui pourront être affinées au fil du temps" pour établir qu'en réalité leur "valeur d'héritage" s'élève à 2,9 milliards d'euros. Comment ? En supposant "forfaitairement" que cette valeur d'héritage représente 100% des fonds publics alloués aux infrastructures de transport, aux équipements scolaires ou à la baignabilité de la Seine, et 50% des investissements plus directement liés aux Jeux, comme les sites de compétition ou d'entraînement. Autrement dit, en partant du principe qu'une dépense publique offre à la collectivité un service d'une valeur économique... peu ou prou équivalente à son coût.
Et pour ne pas se limiter à certains acteurs, l'étude prend en compte des revenus privés pour faire baisser le coût net des Jeux. Elle estime ainsi à 57 millions d'euros le montant de la "hausse du profit des propriétaires" qui ont loué un bien immobilier à des visiteurs durant les Jeux. Après avoir soustrait les 13 millions d'euros de manque à gagner des hôteliers franciliens sur la même période, le Crédoc crédite ce qu'il appelle les "bénéfices hors recettes publiques et hors héritage" d'un montant de 44 millions d'euros au titre du tourisme. Il en est de même pour les 530 millions d'euros de "surplus" de rémunération touchés par les salariés mobilisés pour l'événement, principalement issus du secteur public.
"Surplus" des spectateurs
Si l'on peut discuter du fait que des revenus privés puissent être soustraits du coût public des Jeux, au moins ces dernières sommes ont-ils le mérite d'exister. Ce qui n'est pas le cas d'une autre catégorie retenue par le Crédoc : le "surplus" des spectateurs et des téléspectateurs, correspondant à la valorisation de la "satisfaction ressentie", soit le "montant additionnel" que spectateurs et téléspectateurs auraient été prêts à payer pour assister aux épreuves au-delà de leurs dépenses effectives. "Nous nous sommes inscrits dans la théorie économique afin de monétiser des choses qui a priori ne sont pas monétaires", justifie le Crédoc. D'après une enquête du ministère des Sports, une large majorité des spectateurs auraient été prêts à payer leurs billets en moyenne 30% de plus que le prix effectivement payé. "Par rapport à ce scénario fictif [sic], écrit le Crédoc, le surplus des spectateurs français peut être estimé à 320 millions d'euros." Quant aux téléspectateurs, une enquête du Crédoc réalisée avant les Jeux leur attribuait "un consentement à payer [un prix] moyen de 21 euros pour les foyers ayant suivi les JOP à la télévision". Conclusion : "La satisfaction nette des téléspectateurs est estimée à 291 millions d'euros."
"Autres choix méthodologiques"
D'autres bénéfices et coûts sont plus conformes aux réalités économiques. L'étude estime à 163 millions d'euros les recettes d'impôts et de cotisations engendrées par les quelque 9.000 emplois équivalents temps plein créés pour l'organisation des Jeux, elle évalue à 244 millions d'euros le bénéfice lié à l'augmentation de 6,4% de la pratique sportive licenciée en France – la valorisation monétaire de cette pratique en termes de santé étant établie –, et enfin, elle chiffre à 193 millions d'euros le "coût carbone" des Jeux pour la France.
Voilà comment le Crédoc atterrit à un "coût net" des Jeux de 2,8 milliards d'euros selon des "hypothèses très prudentes". "D'autres choix méthodologiques" – portant par exemple sur les "surplus" issus de la "satisfaction" des volontaires ou des usagers des fans-zones et des réseaux sociaux – pourraient en effet "représenter au total un ordre de grandeur d'un milliard d'euros", pour un coût "socioéconomique" des Jeux réduit à environ 1,5 milliard d'euros, anticipe le Crédoc en pensant déjà aux Jeux d'hiver Alpes 2030.