Dédoublement de classes : un dispositif "peu efficace"
Un rapport parlementaire juge la politique de dédoublement des classes à l'école primaire "peu efficace". Il pointe également un coût important et l'oubli des zones rurales.

© @NBelloubet
Une politique coûteuse qui n'a pas produit de résultat significatif et a laissé de côté les écoles rurales, c'est ainsi qu'Anthony Boulogne, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, juge la politique du dédoublement de classes dans le premier degré, dans un rapport déposé le 18 juin 2025.
Mis en place progressivement entre 2017 et 2024 dans les classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1 des établissements du premier degré public classées REP et REP+, le dédoublement a consisté à "renforcer considérablement le taux d'encadrement des élèves en faisant bénéficier les établissements scolaires concernés d'effectifs supplémentaires pour accompagner les élèves en difficulté" – en l'occurrence, en formant des classes de douze élèves au lieu de vingt-quatre –, avec l'objectif que 100% des élèves maîtrisent les enseignements fondamentaux à la sortie de l'école primaire.
Un coût inconnu pour les collectivités
Côté financier, le rapport s'en remet à une récente évaluation du dispositif par la Cour des comptes (lire notre article du 12 mai 2025) : 15.987 emplois équivalents temps plein supplémentaires ont été consacrés au dédoublement, soit un surcoût en emplois de près de 800 millions d'euros par an. En outre, le rapporteur spécial relève que cette politique "vient renchérir le coût de la politique de l'éducation prioritaire pour l'État, qui est déjà élevé", avec un passage de 1,4 milliard d'euros en 2016 à 2,6 milliards en 2023.
Ce coût est même beaucoup plus élevé si l'on prend en compte les moyens financiers supplémentaires déployés par les collectivités territoriales pour l'adaptation des locaux scolaires découlant de la mise en œuvre des dédoublements de classes. Un coût plus élevé donc, mais toutefois... inconnu. "Faute de données, la contribution financière des collectivités en faveur du réaménagement du bâti scolaire pour le dédoublement ne peut pas être chiffrée", souligne le rapport.
"Dégradation des conditions d'apprentissage"
Si le coût de cette adaptation des locaux reste à chiffrer, le rapporteur pointe un autre point noir : le manque d'anticipation. Ici, il a fallu réutiliser des salles dédiées à d'autres activités ; là, des salles ont été séparées en deux par une simple cloison ; ailleurs, de petites pièces de l'école, non destinées à l'enseignement, ont été transformées en salles de classe, tout comme des constructions modulaires ont été installées dans les cours de récréation. Mal anticipé, le dédoublement "a pu conduire à une dégradation des conditions de travail des enseignants et des conditions d'apprentissage des élèves", pointe le rapporteur, à l'image des "tensions entre les enseignants" générées dans le cas où deux classes cohabitaient dans la même salle. Par ailleurs, la mise en place du dédoublement devait être accompagnée d'une évolution des pratiques pédagogiques, ce qui n'a pas été le cas.
Autre point noir du rapport – et sans doute le plus important : le dédoublement des classes se révèle peu efficace. "La politique de dédoublement a des effets positifs à court terme sur la progression des élèves, [mais] ceux-ci ne perdurent pas à moyen terme", rapporte Anthony Boulogne. En effet, "cette politique ne semble pas avoir d'effet supplémentaire significatif après le CP", un constat notamment étayé par les résultats des évaluations passées par les élèves à l'entrée en CP, en CE1 et en sixième. Parmi les explications, le rapport met en exergue "un risque de 'sur-assistance' des élèves, entravant le développement de leur autonomie, une homogénéisation excessive des groupes ou encore une baisse de la dynamique de groupe". Autant de points faibles qui se manifesteraient notamment au retour à des classes à effectif ordinaire en CE2.
Les zones rurales oubliées
L'originalité du rapport d'Anthony Boulogne est enfin de mettre en lumière la grande absente de la politique de dédoublement : les campagnes. Le député estime en effet que les zones rurales sont "oubliées par la réforme, malgré des besoins tout aussi grands". Certes, reconnaît-il, la politique de dédoublement n'a pas dégradé le taux d'encadrement dans ces zones. Toutefois, elle ne leur a pas non plus profité en raison de la quasi-absence de REP situés à la campagne – les communes rurales ne rassemblant que 2% des élèves de l'éducation prioritaire. Surtout, par les ressources qu'elle a accaparées, la politique de dédoublement "contribue à empêcher une réallocation des moyens au profit de certains territoires ruraux subissant les mêmes difficultés économiques et sociales que les REP et REP+". Le rapport pointe notamment les 745 écoles publiques ayant un indice de position sociale (IPS) inférieur à 80 situés hors REP et rappelle que "le maillage scolaire en zone rurale est fragilisé par les fermetures de classes".
Parmi les recommandations, on relève une révision de la carte de l'éducation prioritaire qui passerait "à un système de labellisation des écoles fondé sur leurs caractéristiques sociales et économiques propres et prenant en compte un indice d'éloignement". Parallèlement, le rapporteur souhaite la réalisation d'une étude de "l'impact des fermetures de classes sur le taux d'encadrement des élèves, la transmission des savoirs fondamentaux, les résultats des élèves et le climat scolaire", ainsi qu'"un moratoire sur les fermetures de classes en attendant la révision de la carte scolaire de l'éducation prioritaire [...]".
› Le haut-commissariat au plan se penche sur la baisse du niveau scolaireLe niveau scolaire baisse en France selon de nombreuses études internationales, mais les causes de cette baisse sont encore inconnues, nous dit le haut-commissariat à la stratégie et au plan dans une note d'analyse publiée le 18 juin 2025. "En comparaison internationale, les élèves français du primaire, du collège, voire au début du lycée, ont aujourd'hui un niveau globalement moyen, voire faible, notamment en mathématiques et en sciences", peut-on lire dans la note. Précision importante : "Ce constat n'est pas spécifique à certains publics, mais est général : il touche tous les profils d'élèves." "Si le constat est clair, ses causes sont nettement plus difficiles à déterminer", poursuit le haut-commissariat. Parmi les hypothèses, il met en avant "une formation initiale des enseignants inadaptée" qui ferait aujourd'hui "l'objet d'une forte insatisfaction des enseignants" et dont le "format est éloigné de ce qui se pratique ailleurs". Afin de confirmer ou infirmer l'importance de cette hypothèse comme d'autres, le haut-commissariat se propose de conduire une exploitation systématique des données disponibles pour retracer les évolutions de toutes les variables susceptibles d'affecter le niveau général des élèves français et de confronter ces variables à celle d'autres pays comparables. Un travail, conclut-il, qui "pourra nous aider à identifier les pistes d'action les plus prometteuses pour remédier à une situation particulièrement préoccupante pour notre société". |