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Assises des villes moyennes - Des "villes d'équilibre" dans la mondialisation

Une quarantaine des villes moyennes fortement industrialisées présentent des "facteurs de vulnérabilité", selon un panorama de l'Insee, présenté lors des Assises des villes moyennes à Quimper, les 9 et 10 juin. Mais pour leur nouveau président, Christian Pierret, pas question de baisser les bras : les "villes d'équilibre" doivent "relever le gant de la mondialisation".

"La mondialisation est notre cadre, alors relevons le gant de la mondialisation et montrons que nous sommes capables de relever ce défi." Le tout nouveau président de la Fédération des maires de villes moyennes (FMVM), élu le 9 juin à l'unanimité, veut imposer son style. Christian Pierret est le maire de Saint-Dié-des-Vosges, une ville de 23.000 habitants qui se bat pour sauver son tissu industriel, assurer sa transformation technologique en passant des produits à bas coûts aux services innovants. Tout un symbole. "A nous de renverser la charge de la preuve, martèle l'élu. Il faut des villes d'équilibre sans lesquelles les grandes métropoles et le monde rural seront irréconciliables." Délaissées par des pouvoirs publics qui ont les yeux de Chimène pour leurs grandes sœurs, les "villes mondes", dont elles ne semblent partager que les initiales, les villes moyennes n'en recèlent pas moins de nombreux atouts, d'ordre géographique plus que démographique. Elles pourraient même à l'avenir se trouver un autre qualificatif, plus flatteur, plus raccord avec le contexte mondialisé. Un concours sera lancé dans ce sens. "Villes d'équilibre", comme on désignait les métropoles régionales jusque dans les années 1980 ? L'expression revient souvent. Invité de ces assises, le ministre chargé des collectivités territoriales, Philippe Richert, l'a souvent utilisé, ne tarissant pas d'éloge sur leur compte. "En France, tous les sièges des grands groupes sont à Paris, je crois vraiment dans le rôle et la place des villes moyennes. Il faut renforcer ce maillage pour mieux équilibrer le développement futur", a-t-il asséné, allant chercher de nombreux exemples chez le voisin allemand. "En Allemagne, ce n'est pas Berlin et le désert allemand." Et quelques minutes plus tard, devant les journalistes : "L'aménagement du territoire n'est pas que le rattrapage de nos retards, mais nous place dans des équilibres à construire, la solution est dans la création de réseaux. Les villes moyennes sont ces éléments d'équilibres."

Facteurs de vulnérabilité

Ce rôle charnière, la crise l'aurait–elle mis en exergue ? Un panorama provisoire de l'Insee réalisé à partir des données de 2007, avant la crise, permet de mieux comprendre leur place. Les villes moyennes concentrent 13 millions d'habitants, soit 20,9% de la population nationale, selon ce panorama présenté aux Assises de Quimper et réalisé auprès des 133 aires urbaines dont les villes centres ont entre 20.000 à 100.000 habitants. C'est plus que l'Ile-de-France et ses 11,9 millions d'habitants. Elles concentrent aussi 20,9% de l'emploi en France, mais avec une forte coloration industrielle et avec une proportion élevée de TPE-PME (84% contre 79% au niveau national). Dans le détail, l'étude fait apparaître trois grandes catégories : les villes où dominent les emplois publics, celles qui sont restées très "manufacturières" et celles dont l'évolution suit les métropoles. Dans ces 51 villes, concentrées dans la moitié sud et l'ouest, le profil des emplois est proche des grandes aires régionales avec une légère surreprésentation des fonctions métropolitaines dont elles tirent leur dynamisme : les taux de croissance de la population (0,8% par an) et de l'emploi (1,1% par an) y sont nettement supérieurs à leurs consœurs. Dans les villes sièges d'administration, la population et l'emploi croissent en moyenne à des rythmes voisins des taux nationaux. Mais dans les 56 villes à dominante industrielle, les taux de croissance (0,2% pour la population et 0,5% pour l'emploi) sont nettement inférieurs à ceux des autres groupes. Un quart d'entre elles perdent emplois et population. Selon l'Insee, une quarantaine de ces bassins d'emplois cumulent à la fois une forte spécialisation et une forte concentration de l'activité industrielle. Autant de "facteurs de vulnérabilité" qui vont devoir les amener à s'adapter en priorité et à renouveler leur positionnement industriel.
Après des années d'un fatalisme aveugle sur la désindustrialisation, le discours a changé. Il y a eu les Etats généraux de l'industrie en 2010. Le Sénat et l'Assemblée se sont chacun penchés sur la désindustrialisation. Mais le mal est fait : deux millions d'emplois supprimés depuis les années 1980, selon une étude de la direction générale du Trésor. La part de l'industrie dans le PIB représente encore 30% outre-Rhin, contre 16% en France. "C'est un chiffre affolant ! Il représente la fermeture de combien d'industries, d'usines, d'ateliers dans les villes moyennes ?", s'est alarmé Christian Pierret. Comme si la crise avait servi d'électrochoc. Et les success stories, comme celle souvent citée du Creusot qui, après des années noires, a réussi sa réindustrialisation sur des niches très spécialisées avec Alstom, ne sont que l'arbre qui cache la forêt. "Le quart nord-est et le nord est en capilotade", constate Christian Pierret sur la base de cette étude.

Des élus "coordonacteurs"

Derrière les marques d'amour, le gouvernement ne semble pas avoir beaucoup de projets depuis l'expérimentation sur "les 20 villes moyennes témoins" de 2009. Nombre d'élus sont nostalgiques de la Datar des années Guigou et des contrats de villes moyennes des années 1970.
Pour Philippe Richert, la réforme de la taxe professionnelle apportera une bouffée d'oxygène à ces territoires. "La commune garde la capacité de fixer ses ressources sur un montant global de 41%", estime le ministre, contre 47% avant la réforme. Mais surtout, "les entreprises payent 47 milliards d'euros de moins par an. Moins ponctionnées, elles retrouvent une marge de compétitivité qu'elles n'avaient plus." Toutes ne sont pourtant pas logées à la même enseigne. "Les très grandes gagnantes seront les TPE qui réalisent moins de 3 millions d'euros de chiffre d'affaires. Entre 3 et 7 millions d'euros de chiffre d'affaires, la réforme présente une baisse considérable d'intérêt. D'autres gagnantes sont les entreprises industrielles très importantes", distingue Christian Pierret, qui qualifie de "zakouskis" les correctifs apportés : Ifer, Tascom... "Ce sont des ressources qui au départ sont compensatoires mais qui sont moins dynamiques que celles que nous conquérions auparavant avec la TP." Selon l'ancien secrétaire d'Etat chargé de l'industrie de Lionel Jospin, le nerf de la guerre se situe dans la recherche et développement. Et les élus ont avant tout un rôle de "coordonacteur". Les villes qui réussissent sont aussi celles qui ont su se donner une identité : Albi et sa cité épiscopale classée au patrimoine mondial de l'humanité, Saint-Dié-des-Vosges, capitale de la géographie, Angoulême et la bande dessinée... Tourisme et industrie ne sont d'ailleurs pas antinomiques. En témoigne le succès du "tourisme industriel". Pour exemple, 300.000 visiteurs sont accueillis chaque année dans l'usine marémotrice de la Rance, près de Saint-Malo. "Il n'y a pas de tourisme dans une région qui est un désert", a souligné Christian Pierret.
En conclusion de ces deux journées, le nouveau président de la FMVM a tenu à rendre un hommage appuyé à son prédécesseur, Bruno Bourg-Broc, qui a rendu son tablier après dix ans passés à la tête de la fédération, et à son sens du pluralisme. Il a dressé cinq priorités pour la FMVM : l'aménagement du territoire, le développement économique, la formation-innovation, la culture et les ressources. "Les villes moyennes contre-attaquent", a-t-il martelé en refermant ces Assises.
 

 

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