Emballages : le Sénat contre la consigne pour recyclage, mais favorable à celle pour réemploi

Dans un rapport présenté ce 11 juillet, le Sénat rejette vivement l’instauration d’une consigne pour recyclage des bouteilles en plastique, qualifiée "d’impasse". Plutôt que de se concentrer sur cette "collecte au rabais", la Chambre haute invite le gouvernement à "sortir de mesures ponctuelles" pour "planifier le développement du réemploi". Il dresse 28 propositions (consigne pour le verre, tarification incitative…), dont la plupart ne manqueront pas d’intéresser les collectivités.

Qui sème le vent… En rouvrant précipitamment le débat, aux allures de boîte de Pandore, sur la consigne de la bouteille en plastique l’automne dernier, au zoo de Beauval (voir notre article du 11 octobre 2022), Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie, a suscité une fronde qui ne cesse depuis de grossir. Après les associations d’élus – qui dénoncent "une fausse consigne" (voir notre article du 19 avril) émanant d’une "fausse concertation" (voir notre article du 23 juin) –, c’est au tour du Sénat de mettre "une pression courtoise" sur l’exécutif pour qu’il renonce à ce projet. L’expression est de la sénatrice Marta de Cidrac (Yvelines, LR), qui présentait ce 11 juillet son rapport "relatif à la consigne pour réemploi et recyclage sur les emballages", adopté au terme d’une "mission flash" lancée en réaction au dit projet gouvernemental. Mais en fait de "pression courtoise", c’est une véritable volée de bois vert que donne la sénatrice.

L’impasse de la consigne sur les bouteilles en plastique

Marta de Cidrac – dont le rapport a été adopté à l’unanimité en commission – n’a en effet pas de mots assez durs pour dépeindre la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique. Cette dernière est tour à tour qualifiée d’"impasse", de "collecte au rabais", de "fausse bonne idée environnementale", "à contre-courant de la marche de l’histoire" et porteuse de "nombreux effets pervers", notamment en ce qu’elle "pérennise la production et la consommation de plastique et complexifie le geste de tri alors qu’il vient tout juste d’être simplifié". Ou encore de "gouffre financier", de dispositif "économiquement irrationnel, tout en étant socialement et territorialement injuste", se finançant "sur le dos des consommateurs" alors qu’il ne s’agit que "d’un combat de gisement". Et ce, alors que "le totem" des bouteilles en plastique ne représente "qu’1% des déchets ménagers, 2,8% des déchets d’emballages et 15% des déchets d’emballages plastiques", ne constituant ainsi que "la partie visible de la pollution plastique et des enjeux de l’économie circulaire". Fermez le ban !

S’attaquer à la face immergée de l’iceberg

Mais la sénatrice ne s’arrête pas là. Elle déplore en outre que le gouvernement ne s’attaque pas réellement à la partie immergée de l’iceberg, observant "le retard inquiétant accumulé par la France" en matière de recyclage des emballages (voir notre article du 8 juin). "Réduire les quantités d’emballages ne se décrète pas. L’adoption d’objectifs, fussent-ils législatifs, ne suffit plus", juge-t-elle. La parlementaire invite en conséquence l’exécutif à faire de la réduction et du réemploi des emballages "une priorité réelle, et non théorique" et à "sortir en urgence du statu quo", en soulignant que cette ambition doit "se planifier" et appeler "une attention politique constante et d’importants moyens opérationnels et financiers". Au passage, les éco-organismes, n’échappent pas à la charge. La sénatrice, qui observe qu’en France "ils ne sont pas opérationnels mais financiers", leur reproche notamment de ne pas avoir accompagné comme prévu les collectivités ces dernières années. Elle préconise d’ailleurs de les sanctionner automatiquement en cas de non-atteinte de leurs objectifs, recommandation chère à l’association Amorce.

Oui à la consigne pour réemploi du verre

Au total, Marta de Cidrac dresse 28 propositions. "Pour que cela marche, il faut toutes les déployer", prévient-elle. 

Les neuf premières visent à réduire la quantité d’emballages mis sur le marché. "Il faut changer de braquet", implore-t-elle. Principale préconisation (outre les sanctions visant les éco-organismes), la mise en œuvre d’une consigne pour réemploi sur les emballages en verre, également récemment relancée par le gouvernement (voir notre article du 22 juin). 

La sénatrice propose également huit mesures pour améliorer le geste de tri, avec une "proposition phare" : le soutien au développement d’une tarification incitative, sous la forme de subventions directes de l’Ademe ou d’une atténuation des frais de gestion grevant la taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative (Teomi). Consciente des difficultés, la sénatrice propose en sus d’autoriser la cohabitation pérenne entre Teom et Teomi sur un même territoire, de permettre une "tarification incitative collective" dans les zones urbaines et d’expérimenter une tarification sociale "déchets", s’inspirant de la tarification sociale sur l’eau.

L’élue recommande également d’améliorer la collecte, en l’adaptant à la réalité des territoires. Pour mieux collecter à domicile, elle propose d’augmenter le taux de couverture du service public de gestion des déchets par les éco-organismes, avec l’ambition d’une couverture intégrale des coûts pour les collectivités bonnes élèves - charge pour elles d’adapter les schémas de collecte (augmentation de la fréquence des collectes et de la taille de bacs, densification des points d’apport volontaire, collecte multi-matériaux…). Et pour mieux collecter hors foyer, elle suggère notamment de fixer des objectifs d’installation de corbeilles de rue par habitant et par commune dans le cahier des charges de la REP "emballages ménagers". Pour tenir compte des territoires, sont également préconisés : une part additionnelle à la taxe de séjour pour mobiliser des moyens complémentaires dans les zones touristiques, l’adaptation des schémas de collecte à la nature de l’habitat en zone urbaine et le développement de dispositifs de gratification outre-mer. Enfin, Marta de Cidrac propose sans surprise de renvoyer à 2026 le choix de la mise en place d’une consigne pour recyclage sur les emballages.