Une cellule de télémédecine lancée par la mairie à Saint-Georges-de-Rouelley (50)

L'aventure de la télémédecine à Saint-Georges-de-Rouelley, bourg de quelque 530 habitants dans le bocage normand, a démarré de manière inattendue, en janvier 2019. « J'avais un suivi cardiaque à Caen [distant d’une centaine de kilomètres de la commune, NDLR], parce que j'ai été greffé du cœur. C’est à ce moment-là que mon cardiologue m’a suggéré d’essayer ce dispositif dans ma commune », se souvient le maire, Raymond Béchet. L'idée a rapidement fait son chemin face à un constat alarmant : la difficulté d'accès aux médecins traitants. Comme le souligne l’édile, « il y a des médecins dans la région, mais ils refusent souvent de nouveaux patients ». La solution trouvée à Saint-Georges-de-Rouelley ? La commune met à disposition un local, équipé d'un chariot de téléconsultation et du matériel médical nécessaire (caméra à main, otoscope, stéthoscope), aux deux infirmiers libéraux qui assurent les permanences. Ces derniers accueillent les patients et les assistent durant leur téléconsultation avec des médecins, également libéraux, intervenant depuis un cabinet médical basé à Caen. Les infirmiers recueillent les informations nécessaires, assistent chaque médecin en manipulant les dispositifs connectés et finalisent la consultation en transmettant les informations au patient.

Patients sans médecin traitant

Contrairement à une visio consultation classique, où le patient se retrouve seul chez lui, « on a un vrai suivi avec des prises de mesures directes par un professionnel de santé », note Raymond Béchet. Après la phase initiale pilotée par la Cellule de coordination des soins non programmés (CCSNP) de l’Union régionale des médecins libéraux de Normandie (URML), le dispositif a évolué. Pour des raisons pratiques, la gestion du lieu est confiée à la société Omédys à partir d’août 2024. « Les infirmiers télé assistants sont formés par notre société, précise Thibaut Harang, directeur des relations publiques de l’entreprise. Nous assurons aussi la maintenance, le secrétariat et l’agenda. » Les patients sans médecin traitant, ou pour lesquels le délai d'attente est trop long, peuvent prendre rendez-vous pour une téléconsultation. La prise de rendez-vous est gérée par un secrétariat d'Omédys qui vérifie l'éligibilité du patient. Le patient bénéficie du tiers payant intégral, pour la consultation infirmière ainsi que pour celle du médecin.

Premiers résultats et perspectives

« On constate une accélération du nombre de téléconsultations, observe Thibaut Harang, même si le potentiel n'est pas encore pleinement atteint. Il y a eu un peu plus de 300 téléconsultations entre 2019 et l’été 2024. Et de septembre 2024 à mars 2025, on atteint un peu plus de 100 téléconsultations. »

Les patients qui recourent à la télémédecine sont majoritairement des personnes âgées de plus 60 ans. « Environ 70 % des consultations sont ponctuelles, tandis que 30 % concernent des patients qui ont besoin d’un suivi », indique Thibaud Harang. Si le service est disponible seulement deux demi-journées par semaine, il répond à un réel besoin. « Personne ne s'en plaint. Mais il est parfois difficile de convaincre les gens, car la télémédecine est encore mal comprise », regrette Raymond Béchet. Pour l’édile, le projet reste très pertinent : « il répond à un vrai besoin ».

Sur le plan budgétaire, l’investissement a été financé par des subventions. L’équipement de la salle de téléconsultation a été assuré par une association locale (composée d’élus et de médecins), grâce à une subvention de l’Agence régionale de santé (ARS). À cela s’est ajouté l’achat d’une valisette pour permettre aux infirmiers de se déplacer chez les patients les moins mobiles. Cela représente un budget de 10 000 euros, financé à hauteur de 70 % par le Crédit mutuel et 30 % par la mairie. Pour le fonctionnement (environ 300 euros HT par mois) , le budget est porté par la commune.

Pérenniser le service

Le modèle observé à Saint-Georges-de-Rouelley commence à s’étendre. « Nous avons déployé ce dispositif auprès de 200 communes environ, précise Thibaut Harang. Mais il peut aussi être porté par des Ehpad ou des Maisons de santé. » La société a déployé son modèle dans plusieurs régions, grâce à des salles de téléconsultations connectées à chaque fois avec des cabinets médicaux situés dans des zones attractives pour les médecins. Si la télémédecine à Saint-Georges-de-Rouelley représente un pas important pour l'accès aux soins en zone rurale, des défis persistent, notamment en termes de communication pour toucher davantage la population et l'obtention de soutiens financiers pour pérenniser et développer le service.