Facilité pour la reprise et la résilience : à mi-parcours, la Commission fort satisfaite

Comme les textes l’exigent, la Commission européenne a dressé un bilan à mi-parcours de la facilité pour la reprise et la résilience, principal instrument du plan de relance européen. Elle se félicite globalement des résultats obtenus, même si elle concède, notamment, une implication insuffisante des collectivités. La France fait plutôt figure de bonne élève. La Commission fait toutefois l’impasse sur le sujet, pourtant crucial, du remboursement de l’emprunt sur lequel est assise cette "FRR".

Jusqu'ici tout va bien. À mi-parcours, la Commission européenne se félicite du succès emporté par la "facilité de relance et de résilience" (FRR), pièce maîtresse du plan de relance Next Generation EU dotée de 723 milliards d'euros (1), répartis entre 385 milliards d'euros de prêts et 338 milliards d'euros de subventions. 

Objectifs à court et long terme

"La FFR a réussi son ambition initiale : aider les États membres à se remettre plus rapidement de l'impact social et économique sévère de la pandémie de Covid-19", déclare le vice-président de la Commission Valdis Dombrovskis. "Contrairement aux crises précédentes, et notamment celle de 2008" – aux causes bien différentes –, "il n'y a pas eu d'effondrement de l'investissement public", souligne la Commission, relevant que cet investissement a même "augmenté pendant la pandémie et la crise énergétique – 3% en 2019 contre 3,4% espérés en 2024". Elle estime qu'environ la moitié de l'augmentation attendue des investissements publics entre 2019 et 2025 résulte principalement de la FFR. La Commission met également en avant "les effets sur les spreads [écarts de taux souverains entre les États membres], avec des écarts très resserrés en sortie de crise du Covid, en dépit de l'impact très fort de l'inflation".
Valdis Dombrovskis avance en outre que la FRR a également atteint son "autre objectif plus tourné vers l'avenir : renforcer la résilience globale de l'UE et de rendre nos économies et nos sociétés plus durables, en particulier en soutenant les transitions vertes et numériques". Chez Goldmann Sachs, cité par le Financial Times, on relativise toutefois fortement l'impact sur la croissance à long terme de la FRR : "C'est un plan très important. Mais nous parlons d'une augmentation de décimales".

Un dispositif retardé par la guerre en Ukraine

Certes, la Commission concède que la nécessaire révision des plans de relance et de résilience – fixant les réformes et les investissements à atteindre par les États membres pour accéder aux mannes de la FRR – pour tenir compte des conséquences de la guerre en Ukraine et du plan REPowerEU a ralenti le processus. Mais elle met en avant une accélération des demandes de paiement fin 2023-début 2024. 54 demandes, émanant de 24 États membres, lui avaient ainsi été soumises fin 2023 – 18 sont en cours d'évaluation. Une vingtaine de demandes supplémentaires devraient être déposées cette année. 

Un petit tiers des fonds versé seulement

Pour l'heure, à peine 224 milliards d'euros ont été versés aux États membres, dont 67 milliards de préfinancement. Même pas un tiers de l'enveloppe. Dans le détail, 144 milliards de subventions et 80 milliards de prêts. "Nous devrions voir environ 54% de tous les jalons et objectifs achevés d'ici la fin de 2024", vante par ailleurs un Valdis Dombrovskis visiblement trop pessimiste, puisque ses services indiquent dans le même temps que "75% des jalons et cibles devraient être atteints à la fin 2023". La Commission prévoit de verser en conséquence 100 milliards d'euros supplémentaires d'ici la fin de l'année.
Côté prêts, on relèvera que les dés sont désormais jetés, puisqu'ils devaient être sollicités au plus tard le 31 décembre dernier. 13 États membres en ont fait la demande – ce qui n'est pas le cas de la France –, pour un montant total souhaité de 290,9 milliards d'euros. Les subventions doivent, elles, être demandées avant fin 2026. Après, il sera trop tard.

La France bonne élève

La France – qui avait présenté son plan initial en avril 2021, validé en juin de la même année, avant de le réviser l'an passé et de recevoir dans la foulée le feu vert de la Commission – figure "parmi les États membres plus avancés", observe la Commission. Elle est même le plus avancé. Bruxelles précise que Paris a déjà demandé "76% des paiements, pour 73% des cibles et jalons atteints". L'Hexagone a déjà perçu 23,4 milliards d'euros sur les 40,3 milliards auxquels il peut prétendre, et l'on imagine mal sa nouvelle demande de versement de 7,5 milliards d'euros – adressée le 16 janvier et en cours d'instruction (la Commission a deux mois pour ce faire, et le Conseil un mois pour arrêter sa décision) – ne pas être validée. Interrogée par Localtis, la Commission précise d'ailleurs que la récente coupe budgétaire annoncée sur MaPrimeRénov' (voir notre article du 19 février) – laquelle est en partie financée par la FRR – "sera prise sur la partie nationale de l'enveloppe" et donc qu'"il n'y aura pas d'impact". 

Fonds contre réformes

À la Commission, on se félicite par ailleurs que cette "carotte des fonds ait permis la mise en œuvre de réformes longtemps attendues dans le cadre du Semestre européen". Et de citer pour exemple la réforme du système civil et judiciaire italien ou celle du marché du travail espagnol, en passant sous silence l'adoption de la loi de programmation des finances publiques pour la France (voir notre article du 22 septembre 2023). "C'est la première fois que nous parvenons à combiner des investissements avec des réformes structurelles qui stimulent la croissance", se réjouit Valdis Dombrovskis. Une recette – "basée sur la performance plutôt que sur les coûts", juge-t-il – appelée sans nul doute à s'étendre, comme le suggère notamment la Cour des comptes européenne (voir notre article du 20 janvier 2023) ou le Conseil (voir notre article du 4 décembre 2023). Un donnant-donnant parfois vécu comme un "chantage", comme l'a dénoncé la Hongrie (voir notre article du 30 janvier). Laquelle, comme la Pologne, a perçu moins de 10% de son enveloppe, du fait du blocage de leurs fonds pour manquement à l'État de droit.

Participation des collectivités locales trop réduite, complexité trop grande

La Commission l'admet, tout n'est pas parfait. "Les commentaires des États membres nous indiquent qu'il y a place pour une plus grande flexibilité et une plus grande simplification", concède Valdis Dombrovskis. Et de prendre l'exemple de "la définition très détaillée des jalons et des objectifs à atteindre pour chaque paiement" ou de "l'accumulation des exigences de collecte de données à des fins d'audit et de contrôle", obstacle connu. Il déplore encore que le degré d'implication d'autres parties prenantes, comme les collectivités locales, "varie beaucoup dans l'UE". Une litote, alors qu'il a été relevé que cette implication était généralement faible, voire inexistante (voir notre article du 26 janvier 2021). 
La Commission assure en revanche que les fonds de la FRR ne se sont pas substitués à d'autres fonds de l'UE, ce qui méritera sans doute d'être vérifié après clôture de la programmation 2014-2020, reportée (voir notre article du 2 février), et de l'actuelle, qui peine à démarrer (voir notre article du 13 novembre 2023), notamment du fait d'un "gavage de fonds" (voir notre article du 13 novembre 2023, et les craintes des cours des comptes française et européenne). En préconisant "d'améliorer la capacité administrative des États membres et des organismes de mise en œuvre", la Commission n'est d'ailleurs pas sans accréditer cette thèse, alors que certains États membres doutent d'être en mesure de "tout dépenser". D'aucuns avancent encore que ces fonds n'ont fait en partie que se substituer à des investissements que les États membres auraient conduits dans tous les cas. "S'il s'agissait d'investissements complètement supplémentaires, vous auriez eu un impact de croissance un peu plus important", relativise ainsi un économiste auprès du Financial Times.

L'angle mort du remboursement

Dans ce bilan à mi-parcours, on relèvera encore que la Commission fait une impasse de taille : la question des remboursements. Avec la remontée des taux d'intérêts, celui des intérêts de l'emprunt souscrit pour donner corps à NextGenEU se fait déjà douloureuse, au point d'avoir rendu nécessaire la récente création d'un "instrument de flexibilité". Et celui du remboursement du capital, qui doit commencer en 2028, reste entier, alors que l'Union européenne peine toujours à dégager de nouvelles ressources propres. 
 
(1) Montants en euros courants 2022

 

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