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Réforme territoriale - Invitées à fusionner, les régions se mettent en mouvement

"Je propose de réduire de moitié le nombre de régions dans l'Hexagone", annonçait le Premier ministre le 8 avril lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale. Une semaine plus tard, lors de son intervention du mercredi 16 avril, Manuel Valls a salué les "initiatives de rapprochement" d'ores et déjà prises par les régions, affirmant que "l'évolution de nos collectivités territoriales est en marche". Parmi les 26 régions, plusieurs ont en effet manifesté leur soutien à l'orientation fixée par le Premier ministre et ont, parfois, formulé des propositions. La plupart restent pourtant prudentes et certaines tirent la sonnette d'alarme. Tour d'horizon des principales réactions.
"Une grande écorégion autour de la vallée de la Seine, d'Avranches jusqu'à la Baie de Somme, avec pour capitale la métropole rouennaise", soit la fusion de trois régions, les deux Normandie et la Picardie, a envisagé lundi 14 avril le président de la région... Haute-Normandie. Comme ce dernier, plusieurs présidents de région ont pris les devants en proposant une nouvelle configuration à la faveur du territoire qui les concerne. En Bretagne, le conseil régional a adopté jeudi soir un voeu en faveur du rattachement de la Loire-Atlantique à la région et de la création d'une Assemblée de Bretagne. Visant à favoriser "une meilleure lisibilité de l'action publique", ce voeu souligne l'"opportunité historique en faveur de la réunification de la Bretagne historique". L'idée d'un "grand Massif central" après 2017 a également été évoquée par le président de l'Auvergne René Souchon.

Prendre l'initiative pour ne pas disparaître

Mais ce sont les régions Bourgogne et Franche-Comté qui sont allées le plus loin, en exprimant leur volonté de se rapprocher puis de fusionner dès 2021, lors d'une conférence de presse menée conjointement à Besançon le 14 avril par les deux présidents. "Soit on y va maintenant, en espérant une petite compensation financière, soit on ne fait rien et en janvier 2017 la loi tombera" et "nous pourrions disparaître", a justifié François Patriat, président de la Bourgogne, redoutant un "possible démantèlement" des deux régions.
Et cette même crainte d'un possible démantèlement agite d'autres élus régionaux. En premier lieu, ceux des régions menacées par les projets déjà déclarés. Jacques Auxiette a ainsi dénoncé dans un communiqué un projet de "vente à la découpe" de sa région, les Pays-de-la-Loire. De la même façon, la Picardie a vocation à demeurer un "pôle d'équilibre" entre Lille et Paris et son "éclatement" n'aurait pas de sens, fait valoir son président, Claude Gewerc.
Ce dernier a par ailleurs questionné la cohérence d'ensemble de la réforme annoncée : "donner plus de pouvoirs aux régions, faire des régions plus grandes et moins nombreuses, et en même temps supprimer les départements, ce n'est pas a priori rapprocher les citoyens" des pouvoirs et services publics. L'enjeu de la taille est également soulevé par les exécutifs de deux grandes régions, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). Convaincu qu'"il faut réduire le nombre des régions", le président de Paca, Michel Vauzelle, a mis en garde contre des regroupements trop vastes.

Question de taille ou de compétences et de moyens ?

Quant à l'Association des régions de France (ARF), tout en se déclarant "favorable" à cette "ambitieuse" réforme territoriale, elle a moins insisté sur les questions de périmètre que sur l'enjeu de la répartition des compétences et sur "l'exigence" de "faire de la région la collectivité unique en charge de l'accompagnement de la croissance des PME, des ETI, de la transition énergétique et de l'innovation". Pour Alain Rousset, président de l'ARF et de la région Aquitaine, le problème est donc d'abord "celui des moyens et du champ de compétences". Il rappelle à ce sujet qu'"une région française dépense en moyenne 400 euros par habitant, en Allemagne c'est 3.500 et même, en Autriche, 5.000". Le chef de l'exécutif de l'Aquitaine invite donc le Premier ministre à aller "au bout du raisonnement, en s'inspirant des modèles d'autres grandes démocraties européennes qui réussissent en s'appuyant sur des régions fortes". Un avis partagé par le président de l'Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, pour qui le plus important est de garantir aux régions "les moyens et les compétences" leur permettant d'"améliorer la vie des gens".

Et les habitants ?

Enfin, fort de son expérience négative liée à l'échec de son référendum sur la fusion des deux départements et de la région en Alsace en avril dernier, Philippe Richert, seul président de région de droite, se montre prudent : "On change de dimension. Cela mérite qu'on s'y prépare, en partant de la base." Consulter les habitants pour faire évoluer la carte des régions serait même indispensable pour le président UDI du département de la Côte-d'Or, qui dénonce un "big bang sans concertation" du gouvernement. François Sauvadet estime qu'"une rénovation de notre modèle territorial est nécessaire, mais il n'est pas possible de bouleverser notre organisation territoriale de manière unilatérale par l'accord unique des deux dirigeants de chaque exécutif".
D'ailleurs, les Français sont-ils attachés à leur région ? Oui, selon un sondage réalisé par LH2 pour la presse régionale et France Bleu paru le 16 avril, selon lequel 73% des Français se disent "attachés" à leur région. Ce taux s'élèverait même à 83% pour les Franc-Comtois et les Bretons et à 84% pour les Alsaciens. Un sentiment d'appartenance que les Bretons devaient clamer ce samedi 19 avril à Nantes lors d'une manifestation, en phase avec les intentions du conseil régional, pour la "réunification de la Bretagne".
Une délégation de six présidents de région conduite par Alain Rousset, président de l'ARF, sera reçue le mardi 22 avril par le Premier ministre. Dans un communiqué, le président de la région Centre, François Bonneau, qui fait part de cette rencontre à laquelle il est associé, soutient que "les régions ont fait largement connaître leur souhait de s’engager dans le nouvel acte de décentralisation avec volontarisme" et qu'il est désormais temps d'"établir un calendrier de travail précis" sur la base des précisions apportées par le Premier ministre.