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Jéru 2021 : optimisme et "énorme attente" sur le renouvellement urbain

Les Journées d'échanges du renouvellement urbain (Jéru) organisées ces 1er et 2 juillet par l'Anru ont donné l'occasion aux grands acteurs du logement et de la politique de la ville de faire un point sur le NPNRU (nouveau programme national du renouvellement urbain). Mais aussi à des élus engagés de longue date de prodiguer quelques conseils, par exemple sur la tension entre le nécessaire "temps long" et les attentes des habitants des QPV. Ces attentes ont d'ailleurs fait l'objet d'un baromètre. Dont il ressort entre autres que ces habitants sont presque autant attachés à leur quartier que l'ensemble de la population.

L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) organisait, ces 1er et 2 juillet, la seconde édition de ses Jéru (Journées d'échanges du renouvellement urbain), en partenariat avec l'État, Action logement, l'USH et la Banque des Territoires. Des Jéru 2021 – la précédente édition remonte à 2017 – entièrement digitales, mais remarquablement organisées et largement aussi riches, sinon davantage, qu'une édition traditionnelle. Au programme : plus d'une vingtaine d'ateliers thématiques et de "grands débats", mais aussi une "ruche collaborative de l'innovation", de très nombreux retours d'expériences venus de tout le territoire et des "visites urbaines" à Miramas (Bouches-du-Rhône), Stains (Seine-Saint-Denis), Carpentras (Vaucluse) et Rennes. Sans oublier bien sûr les incontournables séances plénières. Le tout-accessible (y compris, pour les inscrits, en replay jusqu'au 14 juillet) sous la forme d'un véritable village numérique dont les contenus seront bientôt mis en ligne sur le site de l'Anru.

Résultats plutôt positifs pour le "Baromètre de la vie dans les quartiers"

Lors de la séance d'ouverture, Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive, a présenté les résultats d'un "Baromètre sur la vie dans les quartiers populaires", commandé par l'Anru. L'objectif était de confronter les actions entreprises dans ces quartiers et les attentes de leurs habitants. Plutôt positifs, les résultats montrent notamment que les habitants des QPV sont presque autant attachés à leur quartier que l'ensemble de la population vivant en France (68% contre 75%) et que 80% d'entre eux se disent également attachés à leur commune.
En revanche, les attentes sont plus fortes qu'au sein de la population générale en matière de rénovation / amélioration de leur quartier : 79% souhaitent plus de place aux espaces verts et à la végétalisation (+16 points par rapport à la France entière), 74% estiment qu'il est prioritaire de démolir des logements dégradés et reconstruire des logements plus adaptés (+22 points) et 69% jugent prioritaire de rénover ou construire des équipements publics tels qu'écoles, médiathèques, crèches... (+18 points). L'étude met également en évidence la prégnance de thèmes comme la santé, l'éducation ou la sécurité. Enfin, 70% des habitants souhaitent un développement de la mixité sociale sur leur quartier, même si on voit mal comment la question pourrait susciter une réponse négative.

"Il y a des politiques publiques qui ont le soutien des citoyens"

Pour Olivier Klein, président de l'Anru et maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), ces résultats "donnent de l'optimisme", malgré des taux un peu inférieurs dans les QPV. Cette vision va de pair, selon lui, avec l'engagement accru de l'Anru et des tous les acteurs de terrain en faveur du renouvellement urbain, avec déjà près de 300 quartiers engagés sur les 450 concernés par le NPNRU (nouveau programme national du renouvellement urbain), près de 1.000 chantiers en cours et plus de 426 opérations déjà achevées. De son côté, Bruno Arcadipane, le président d'Action logement, confirme l'absence de rupture mais relève surtout une "énorme attente". Il observe aussi qu'une convergence nationale se dégage, d'où l'importance d'apporter une offre nouvelle et d'accélérer le rythme.
Marianne Louis, la directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH), se montre également satisfaite de constater, dans un moment de doute démocratique et sociétal, qu'"il y a des politiques publiques qui ont le soutien des citoyens". Même si le renouvellement urbain ne se résume pas à la question du logement, elle rappelle que "les bailleurs sociaux prennent leur part". Elle souligne également la montée en puissance de questions liées au cadre de vie et à l'agrément du logement : espaces extérieurs (forte attente sur les balcons), isolation phonique, espaces verts et commerces de proximité... Il faut donc garder une ambition collective large, en évitant de tomber dans la routine. 
Pour sa part, Nadia Haï, la ministre déléguée chargée de la ville, a dressé le tableau détaillé de l'action du gouvernement en faveur des quartiers. Elle se félicite notamment de l'atteinte de l'objectif des 300 chantiers engagés, avec presque six mois d'avance, et de la récente réunion du conseil d'administration de l'Anru actant l'utilisation des deux milliards supplémentaires annoncés par le Premier ministre, qui porte désormais le NPNRU au niveau du PNRU. Elle précise cependant qu'on ne peut pas tout demander à un projet urbain. Pour la ministre, une partie des réponses se trouve ainsi dans les politiques de droit commun, comme on le voit par exemple avec les cités éducatives, dont le nombre sera porté à 200 – contre 126 aujourd'hui – dès le début de 2022. Autre exemple : la sécurité, composante indispensable à la qualité de vie dans les quartiers, avec notamment le déploiement des quartiers de reconquête républicaine et l'annonce de la création des "bataillons de la prévention", qui devraient compter 600 binômes (éducateurs spécialisés et médiateurs) à la fin de l'année dans 27 départements. 

Paroles d'élus, les "chefs d'orchestre du renouvellement urbain"

Une autre séance plénière était consacrée à des "Paroles d'élus, chefs d'orchestre des projets de renouvellement urbain". L'occasion, pour des élus ayant déjà une solide expérience du renouvellement urbain de prodiguer quelques conseils aux collectivités qui se lancent. Pour Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin (Rhône) et vice-présidente du Conseil national des villes (et ancienne secrétaire d'État chargée de la ville dans le gouvernement de Manuel Valls), il faut avant tout faire preuve de ténacité, car le renouvellement urbain repose sur le temps long et suppose de déployer une énergie importante sur le partenariat et la coordination. De même, il est important de construire le projet dans sa globalité avant de passer à la phase opérationnelle. 
Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), confirme l'importance de cette vision globale. Or le maire est le mieux placé pour avoir cette vision à la fois dans l'espace et dans le temps. Elle rappelle d'ailleurs, sur ce point, que le transfert de la compétence à l'intercommunalité ne signifie pas le transfert des responsabilités et de la vision du maire. Pour elle, "l'intercommunalité ne peut pas faire et ne fait d'ailleurs pas à la place du maire". De son côté, pour Olivier Klein, en tant que maire de Clichy-sous-Bois, la notion clé est la patience. Mais cette notion n'est pas facile à entendre pour les habitants, d'où l'importance de montrer que l'on vit mieux le lendemain que la veille. Il faut absolument "donner à voir, car se projeter est souvent difficile pour des habitants pris dans le quotidien". 

Des propositions de France urbaine

Maire de Grigny (Essonne), Philippe Rio insiste sur la question de la temporalité, avec des écarts parfois considérables entre le temps long et le temps court. Il souligne aussi – comme les autres élus – l'importance de la consultation et de l'association des habitants. Une importance confirmée par Hélène Geoffroy, qui estime que cette dimension essentielle est mieux prise en compte dans le NPNRU que dans le PNRU. Philippe Rio met également en avant un problème très prégnant dans sa commune, celui des copropriétés dégradées (Grigny possède en effet l'une des plus grandes copropriétés d'Europe, fortement dégradée). Malgré l'apport du plan Initiative copropriétés, un écart est en train de se creuser entre le logement social, porté par le renouvellement urbain, et les copropriétés, toujours à la traîne et souvent avec de véritables drames humains.
Enfin, Johanna Rolland, maire de Nantes, présidente de Nantes Métropole et de France Urbaine, a fait part de son expérience par visioconférence et confirmé les éléments essentiels d'un projet urbain : capacité à conjuguer patience (à ne pas confondre avec passivité) et ambition, importance de la continuité et de la cohérence des projets, rôle essentiel du partenariat... Elle a aussi fait part des propositions adressées par France urbaine à l'État pour renforcer la dynamique du renouvellement urbain : organisation de réunions de suivi mensuelles avec les associations nationales d'élus (le Premier ministre s'y est engagé et la première réunion est prévue le 6 juillet), appel à une forme de contractualisation plus directe et bilatérale avec l'État, ou encore inquiétude sur le recours systématique aux appels à projets, qui cadre mal avec le temps long des projets urbains... Johanna Rolland a également rappelé que France urbaine est favorable à une nouvelle étape de la décentralisation, y compris en matière de politique de la ville. Celle-ci pourrait passer par une décentralisation d'une partie des crédits de la politique de la ville, et donc de l'Anru.

Trois priorités pour le logement dans le renouvellement urbain

Dans son intervention lors de la dernière demi-journée, Emmanuelle Wargon est revenue à son tour sur l'action du gouvernement en matière de renouvellement urbain. En rappelant notamment que, depuis, 2017, les concours à l'Anru sont passés de 5 à 10, puis 12 milliards d'euros. La ministre du Logement se félicite également de la validation attendue de l'ensemble des projets Anru dans les prochains mois, mais aussi de la prochaine adoption de la convention entre l'Anru et l'Agence nationale de l'habitat (Anah). 
Et la ministre de souligner l'enjeu majeur du logement dans le renouvellement urbain, à travers trois priorités. La première concerne l'amélioration du cadre de vie, dans laquelle le logement doit jouer un rôle de premier plan. La seconde, techniquement souvent délicate, consiste à assurer une production suffisante de logements neufs pour "compenser" la rénovation urbaine et la destruction des logements dégradés. Emmanuelle Wargon entend ainsi veiller à ce que l'offre de droit commun et la reconstitution de l'offre se mènent de front. Enfin, elle confirme que le NPNRU doit rester l'outil majeur de l'aménagement urbain dans les quartiers concernés, même s'il est important de faire aussi appel aux politiques de droit commun.

 

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