Jeux olympiques et paralympiques 2030 : le projet de loi approuvé au Sénat
A moins de cinq ans de l’événement, le Sénat a largement approuvé, ce 24 juin, le projet de loi relatif à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) d’hiver 2030 dans les Alpes françaises. Le texte reprend diverses mesures dérogatoires précédemment décidées pour l'organisation des JOP de Paris 2024, en pérennise certaines et en propose d’autres pour s'adapter spécifiquement aux zones de montagne concernées. Plusieurs mesures sécuritaires suscitent quelques réserves, notamment à gauche de l’hémicycle, comme l'expérimentation jusqu'en 2027 des caméras algorithmiques ou le nouveau régime d'interdiction de paraître dans un grand évènement ou rassemblement.

© Capture vidéo Sénat/ Marie Barsacq
Le projet de loi relatif à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) d’hiver 2030 dans les Alpes françaises examiné au Sénat, en première lecture, ce 24 juin, a été approuvé largement avec modifications. Ce texte procède à différentes adaptations au droit commun pour garantir la bonne organisation des épreuves olympiques qui, pour la première fois, se tiendront non dans une ville unique mais dans deux régions hôtes (Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur) et quatre départements des Alpes françaises (Savoie, Haute-Savoie, Hautes-Alpes et Alpes-Maritimes). Construit sur le modèle des lois adoptées en 2018 et 2023 pour les Jeux de Paris 2024, le projet de loi contient pour l'essentiel des dispositions exorbitantes du droit de l’urbanisme, de l’environnement et de la participation du public pour tenir les échéances de livraison de l’ensemble des équipements nécessaires à l'évènement. Il comprend par ailleurs plusieurs dispositifs inédits, en particulier s’agissant de la sécurisation des grands évènements.
Cette copie initiale a été examinée par cinq commissions saisies au fond et pour avis, qui ont adopté une vingtaine d’amendements. En séance, une petite dizaine d’amendements a également été approuvée par les sénateurs. L’examen à l’Assemblée nationale n’est prévu qu’à la rentrée.
Le groupe Écologiste n’a pas souhaité voter ce texte qui s’inscrit, selon lui, dans "un climat de déni démocratique, budgétaire et environnemental", pointant par la voix de la sénatrice Mathilde Ollivier des articles problématiques "sur le ZAN, sur la volonté des régions Aura et Paca de ne pas prendre leurs responsabilités budgétaires, sur la vidéosurveillance algorithmique et sur les dérogations aux règles d’urbanisme". La très grande majorité de l'hémicycle a toutefois jugé ce projet utile et nécessaire pour accélérer les préparatifs à moins de cinq ans de l’évènement. Y compris les socialistes, qui l’ont voté non sans vigilance au regard des restrictions apportées aux libertés individuelles.
"Ce projet vise à poser les fondations pour que les Jeux soient livrés dans les meilleures conditions", a relevé la ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, Marie Barsacq, assurant que "certains débats se poursuivront, notamment sur les enjeux importants que vous avez soulevés : écologie et concertation du public". Le gouvernement a de son côté soutenu en vain des amendements pour revenir sur certaines modifications substantielles introduites en commission. Et notamment s’agissant du mécanisme de garantie financière des régions hôtes en cas de déficit du comité d'organisation des JOP (Cojop) prévu par l'article 5, supprimé par la commission des lois (à l’initiative de Stéphane Sautarel -LR/Cantal) car trop "précoce" et "imprécis". Près de six milliards d'euros, c'est ce qu'ont coûté – au minimum – les JOP de Paris 2024 pour les finances publiques, selon un "premier recensement" de la Cour des comptes, publié ce 23 juin (lire notre article). Autre point de désaccord avec la ministre : l’article 18 bis - introduit par la commission des affaires économiques - qui exempte du décompte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) les constructions et aménagements liés aux Jeux d’hiver 2030.
Le Sénat a aussi apporté les modifications suivantes :
Dispositions permettant le respect des stipulations du contrat-hôte (titre 1er)
Le texte étend aux communes paralympiques la possibilité d’installer un compte à rebours, à l’instar des communes olympiques (ajout en commission à l’article 3) ;
autorise la publicité des partenaires marketing des jeux Olympiques et Paralympiques dans les aires d’adhésion aux parcs nationaux (amendement du gouvernement en séance à l’article 3) ;
prévoit un rapport sur le bilan environnemental des JOP 2030, incluant notamment une estimation du bilan carbone mais également des impacts sur la biodiversité et sur la ressource en eau (nouvel article 3 bis introduit en séance par Guillaume Gontard/Geste).
Dispositions relatives à l’éthique et à l’intégrité (titre 2)
intègre à la charte du volontariat des engagements en matière de prévention du harcèlement, de lutte contre les discriminations et de respect des conditions de mobilisation des volontaires (ajout en séance de Bernard Fialaire/RDSE-article 6) ;
remplace la participation d’un député et d’un sénateur au sein du comité d’éthique et du comité de rémunérations du Cojop Alpes 2030, par une transmission d’informations aux commissions permanentes du Parlement (ajout en commission-article 7) ;
prévoit un rapport de la Cour des comptes sur l'organisation, le coût et l'héritage des JOP (nouvel article 8 bis : ajout en séance de Mathilde Ollivier) ;
ratifie trois ordonnances relatives à la lutte contre le dopage (ajout en commission-nouvel article 9 bis) ;
sécurise les échanges de données nécessaires à l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) pour exercer sa mission (ajout en commission-article 11).
Dispositions relatives à l'aménagement, à l'urbanisme, à l'environnement et au logement (titre 3)
En commission, les sénateurs ont souhaité adapter les dispositifs proposés par le gouvernement aux spécificités des territoires de montagne, notamment en matière de constructibilité, et à la nature des infrastructures requises pour les épreuves olympiques :
en allongeant le délai maximal d’enlèvement des structures temporaires de 12 à 18 mois, afin de pouvoir couvrir deux saisons estivales (article 13) ;
élargissant, dans une mesure strictement nécessaire, le champ de la procédure devant permettre une prise de possession anticipée d’immeubles et de terrains indispensables au déroulement des JOP (article 15) ;
prolongeant le délai de reconversion vers l’état pérenne de 3 à 5 ans (article 17) ;
ouvrant la possibilité de proroger un permis précaire dans le cas où le projet contribue à l’organisation et au déroulement des JOP 2030 (article 18) ;
exemptant du décompte de la consommation Enaf les constructions et aménagements liés aux Jeux d’hiver 2030 (nouvel article 18 bis) ;
avançant au 15 janvier la date permettant de louer des logements vacants au Cojop (article 19) ;
ajoutant dans le champ des servitudes d’utilité publique liées aux pistes de ski les rampes à neige (article 24). Le texte porte également l'emprise au sol autorisée des fondations des ascenseurs valléens de quatre à huit mètres carrés (amendement en séance de Frédérique Espagnac/SER).
En séance une modification a en outre été introduites à l’article 12 pour inclure les enquêtes publiques devant précéder les suppressions de passages à niveaux dans le champs de la participation du public par voie électronique.
Et deux articles articles additionnels sont venus s’ajouter. L’un pour autoriser les bâches publicitaires sur des immeubles bénéficiant du label "architecture contemporaine remarquable" (jusqu’au 31 mars 2020) - nouvel article 27 bis ; l’autre à l’initiative du gouvernement visant à autoriser la possibilité d’intégrer (par avenants) les projets de remontées mécaniques aux contrats de délégation existants (dans la limite de 50% de leur montant) - nouvel article 27 ter.
Dispositions relatives à la santé et au travail (titre 4)
Un amendement adopté en commission confie au Cojop une mission spécifique de suivi de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la santé (article 29). Ce suivi intégrera l'ensemble des acteurs, notamment des représentants des élus locaux des territoires concernés. Le texte renforce aussi la sécurité des soins et la connaissance des professionnels de santé étrangers amenés à exercer en France dans des conditions dérogatoires au droit commun, notamment par la création d’un registre de ces professionnels de santé, et par la vérification de leur droit à exercer dans leur pays pour s’assurer qu’ils n’y sont pas frappés d’une interdiction temporaire ou définitive.
Dispositions relatives à la sécurité (titre 5)
Les sénateurs ont également complété les dispositifs pour la sécurisation des grands évènements. Et notamment, au stade de la commission, s’agissant notamment des conditions de réalisation d’une enquête administrative de sécurité à l’égard de certains personnels intérimaires employés par les entreprises de transports (article 33), du nouveau régime d’interdiction de paraître dans les lieux où se déroulent un grand évènement (article 34), ou encore de la reconduction de l’expérimentation de la vidéoprotection algorithmique jusqu’à fin 2027 (article 35).
En séance deux amendements ont été adoptés sur ce volet pour élargir la prérogative de fouille de véhicules accordée aux agents de sécurité privée hors du seul cadre des grands événements contre l’avis du gouvernement (article 31- amendement de Jacqueline Eustache-Brinio/LR) ; prévoir l’information des entreprises de transport sur le résultat des enquêtes administratives de sécurité menées à l'égard des personnes intérimaires (article 33-amendement de Jean-Michel Arnaud/UC rapporteur de la commission des lois).